Les contrats intelligents et autres nouvelles technologies portent en eux la promesse d’un secteur de la construction intelligent. Comme maints autres secteurs, ce dernier peut tirer profit de l’utilisation des contrats intelligents qui peuvent dĂ©clencher l’automatisation du rendement, une meilleure exactitude, des Ă©conomies dĂ©coulant de la simplification des processus et des Ă©conomies de coĂ»ts. Cet article prĂ©sente les contrats intelligents contemporains, la façon dont ils fonctionnent, les raisons pour lesquelles ils pourraient ĂŞtre bĂ©nĂ©fiques et les possibles modalitĂ©s de leur utilisation dans le secteur de la construction.
Qu’est-ce qu’un contrat intelligent?
Selon l’une des dĂ©finitions communes, un contrat intelligent est un ensemble de promesses, y compris les protocoles dans le cadre desquels les parties concrĂ©tisent les autres promesses1.
Les contrats intelligents peuvent aussi être conceptualisés en les assimilant à des programmes (codes informatiques) conçus par les parties contractantes et fondés sur une technologie de registre partagé, qui ont la capacité de se mettre en œuvre automatiquement conformément à des modalités définies au préalable.
Du point de vue juridique, Ă l’instar d’autres contrats « sur papier », les contrats intelligents pourraient ĂŞtre exĂ©cutoires. Pour ĂŞtre juridiquement contraignant, un contrat intelligent devra satisfaire aux critères devant ĂŞtre respectĂ©s pour Ă©tablir qu’un contrat a bel et bien Ă©tĂ© formĂ©2. Un contrat intelligent peut ĂŞtre l’un des Ă©lĂ©ments qui coexistent harmonieusement avec un accord-cadre prĂ©existant ou ĂŞtre totalement indĂ©pendant et autonome.
Comment fonctionnent les contrats intelligents?
Les contrats intelligents permettent aux utilisateurs de concevoir des contrats qui sont automatiquement mis en Ĺ“uvre suite Ă la survenance d’un Ă©vĂ©nement dĂ©clencheur sans que l’on doive avoir recours Ă d’onĂ©reux mĂ©canismes de gestion et d’application confiĂ©s Ă des tierces parties3. Les contrats intelligents sont fondĂ©s sur la technologie des chaĂ®nes de blocs. Il s’agit d’un logiciel qui utilise une architecture de base de donnĂ©es partagĂ©e pouvant conserver de multiples copies identiques d’opĂ©rations ou de donnĂ©es numĂ©riques Ă jour4. La chaĂ®ne de blocs est la technologie sur laquelle reposent les cryptomonnaies telles que Bitcoin et Ethereum. La plateforme Ethereum est conçue pour les contrats intelligents et a piquĂ© l’intĂ©rĂŞt des chefs de file tels que Microsoft, IBM, Samsung, UBS et Barclays5.
Avantages gĂ©nĂ©raux d’un contrat intelligent
La plus grande partie de notre modèle contractuel actuel est fondĂ©e sur l’hypothèse que l’autre partie pourrait ne pas ĂŞtre digne de confiance. Les parties contractantes consacrent le plus souvent beaucoup de temps, d’Ă©nergie et d’argent Ă imaginer les diverses façons dont l’autre peut violer l’accord. Les contrats intelligents apportent un certain degrĂ© de certitude qui rĂ©duit ou Ă©limine les risques face auxquels les parties contractantes cherchent Ă se protĂ©ger et, ce faisant, Ă©conomisent aux parties Ă la fois temps, Ă©nergie et argent. Fondamentalement, les contrats intelligents apportent la possibilitĂ© de rĂ©duire les risques liĂ©s Ă l’exĂ©cution du contrat en faisant en sorte que le transfert de l’actif ou de l’instrument en question soit quasiment inĂ©vitable en raison de l’exĂ©cution automatique6. En outre, si on le compare avec les mĂ©thodes existantes pour vĂ©rifier et valider les opĂ©rations faites par les tiers, les mesures de sĂ©curitĂ© des chaĂ®nes de blocs rendent les technologies de validation de ces dernières plus transparentes et moins susceptibles de commission d’erreurs7.
MalgrĂ© l’automatisation actuelle de nombreuses activitĂ©s, certaines Ă©tapes, notamment les paiements, continuent Ă nĂ©cessiter une intervention et une autorisation humaines. Les contrats intelligents peuvent permettre une automatisation encore plus avancĂ©e puisqu’ils peuvent gĂ©rer les interactions financières entre machines, vĂ©hicules, humains, organismes de rĂ©glementation, gouvernements et fournisseurs de services financiers8.
Contrats intelligents dans le secteur de la construction
Les facteurs qui peuvent dĂ©clencher l’exĂ©cution du contrat intelligent dans le secteur de la construction peuvent inclure des renseignements fournis au moyen d’un logiciel de modĂ©lisation des donnĂ©es du bâtiment (MDB). Sous sa forme la plus Ă©lĂ©mentaire, la MDB permet de produire et de gĂ©rer des modèles de projet de construction en trois dimensions9. Un MDB a pour objet d’ĂŞtre beaucoup plus complexe qu’un modèle en trois dimensions fondĂ© sur la conception assistĂ©e par ordinateur (CAO), permettant non seulement une reprĂ©sentation graphique des plans de construction traditionnellement faits sur papier, mais aussi l’intĂ©gration dans le modèle d’un Ă©ventail de donnĂ©es provenant de sources multiples10. La MDB peut agir comme source centrale de renseignements sur chacune des facettes du projet de construction. Ainsi, un entrepreneur peut vĂ©rifier Ă l’avance si le propriĂ©taire dispose de suffisamment d’argent pour financer le projet et par consĂ©quent fournir les services sans courir de risque. Lors de la vĂ©rification de l’achèvement de la fourniture des services en question, le fournisseur peut ĂŞtre payĂ© automatiquement.
L’infrastructure d’un contrat intelligent peut mĂŞme comporter des Ă©lĂ©ments de lĂ©gislation, rĂ©duisant ainsi les coĂ»ts de la conformitĂ©. Ainsi, les dispositions de la Loi sur la construction de l’Ontario portant sur les paiements rapides11 qui entreront en vigueur le 1er octobre 2019 pourraient ĂŞtre insĂ©rĂ©es dans un contrat intelligent pour permettre et simplifier leur exĂ©cution.
Difficultés posées par les contrats intelligents
L’une des difficultĂ©s posĂ©es par les contrats intelligents est de savoir s’il est possible de codifier toutes les complexitĂ©s juridiques sous une forme qui permet l’exĂ©cution. Les concepts tels que le discernement ou les cas de force majeure peuvent ĂŞtre difficiles Ă codifier.
La question de la compĂ©tence pourrait constituer une autre difficultĂ©. La technologie des chaĂ®nes de blocs rĂ©side sur un rĂ©seau d’ordinateurs dont les nĹ“uds et les utilisateurs sont gĂ©nĂ©ralement dissĂ©minĂ©s dans le monde entier12. Les contrats intelligents pourraient bien ĂŞtre un domaine mĂ»r pour la mise en Ĺ“uvre de traitĂ©s internationaux.
Pensées finales
Les contrats intelligents n’en sont qu’Ă leurs dĂ©buts. Cependant, l’efficience, les Ă©conomies de coĂ»ts et l’Ă©limination des risques connexes Ă l’exĂ©cution du contrat sous-tendent leur rapide Ă©volution dans le secteur de la construction entre autres industries. Pour rĂ©gler les problèmes inĂ©vitablement posĂ©s par l’innovation, il pourrait suffire que les innovateurs, les parties contractantes, la communautĂ© juridique et les pouvoirs publics fournissent un investissement initial.
Maria Le Hunte est avocate dans le cabinet Heal & Co. LLP
Notes
- Szabo, Nick, « Smart contracts: Building Blocks for Digital Markets » (disponible uniquement en anglais).
- Les Ă©lĂ©ments sont l’offre, l’acceptation, la contrepartie, la capacitĂ© et la compĂ©tence, l’intention mutuelle de crĂ©er des relations d’ordre juridique et, dans certains contrats, un document Ă©crit.
- Stratiev, Oleg, « Cryptocurrency and Blockchain: How to Regulate Something We Do Not Understand », Banking & Finance Law Review3333 B.F.L.R. 173 (disponible uniquement en anglais).
- « Smart Contracts: Is the law ready? » (disponible uniquement en anglais).
- Riikka Koulu, en ligne, « Blockchains and Online Dispute Resolution: Smart Contracts as an Alternative to Enforcement » ( consultĂ© le 17 fĂ©vrier 2019 - disponible uniquement en anglais).
- « Smart Contracts: Is the law ready? » (disponible uniquement en anglais).
- Kaal, Wulf et Calcaterra, Craig , en ligne, « Crypto Transaction Dispute Resolution » (disponible uniquement en anglais).
- Ryan, Philippa, « Smart Contract Relations in e-Commerce: Legal Implications of Exchanges Conducted on the Blockchain » [2017] UTSLRS 24; (2017) 7(1) Technology Innovation Management Review 10 (disponible uniquement en anglais).
- Stougiannos, Lampros « Exploring The New Era of Construction Law »
- Ibid.
- Loi sur la construction, L.R.O. 1990, chap. C.30, art. 6
- Kaal, Wulf et Calcaterra, Craig , en ligne Crypto Transaction Dispute Resolution (disponible uniquement en anglais).