Que ferez-vous pour favoriser la réconciliation?
C’est la question de nouveau posée à tout un chacun au Canada dans le Rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées qui contient 231 recommandations connues comme les Appels à la justice[1].
Les Appels à la justice visent principalement les gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones. Ils incluent l’élaboration et la mise en œuvre, par tous les ordres de gouvernement, d’un plan d’action national pour répondre à la violence envers les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA (personnes bispirituelles, lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer, en questionnement, intersexuées et asexuelles) autochtones. Les autres recommandations sont faites à l’intention des industries, des institutions, des services tels que les médias, les fournisseurs de soins de santé, le personnel enseignant, la police, Service correctionnel Canada et les personnes qui travaillent dans le secteur de la protection de l’enfance[2].
Le haut-commissaire aux droits de l'Homme des Nations Unies fait pression sur le Canada pour que soient mises en œuvre les conclusions du rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées selon lesquelles la violence et la violation des droits qu’elle a constatées font partie d’un génocide permanent à l’encontre des Autochtones, et pour qu'il mette aussi en œuvre le plan d’action national. Les commissaires qui ont siégé à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (l’Enquête) affirment que le plan d’action national devrait être à la disposition du public et que des mises à jour annuelles devraient être fournies. Selon eux, il devrait être personnalisé en fonction des régions et prévoir un financement spécifique et des délais précis pour sa mise en œuvre et garantir les droits fondamentaux de la personne tels que le droit à l’emploi, à l’hébergement, à l’éducation, à la sécurité et à l’accès aux soins de santé[3].
Toutefois, la réconciliation exige aussi de chaque Canadien et Canadienne qu’il comprenne le rapport de l’Enquête et prenne des mesures. Le rapport exhorte tout un chacun à participer au changement et, pour qu’il puisse avoir lieu, les Appels à la justice exigent de la population qu’elle reconnaisse le rôle passé et actuel joué par le Canada dans une société colonialiste qui perpétue le cycle de la violence à l’encontre des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones.
Les juristes peuvent intégrer les Appels à la justice dans leur quotidien. Le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées contient notamment les recommandations suivantes qui visent l’ensemble de la population.
- Perfectionner ses connaissances et lire le rapport final. Écouter les vérités racontées et reconnaître le fardeau de la violation des droits de la personne et des droits des Autochtones, ainsi que ses répercussions actuelles sur les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA autochtones.
- Mettre à profit ses nouvelles connaissances, utiliser quelques-unes des ressources suggérées, et devenir un allié solide. En plus de faire preuve de tolérance, un allié précieux œuvre activement à faire tomber les barrières et à soutenir les autres dans toutes ses relations et à chaque rencontre à laquelle il participe.
- Lutter contre le racisme, le sexisme, l’ignorance, l’homophobie et la transphobie. Inviter les autres à faire de même et leur enseigner comment, que ce soit à la maison, au travail ou dans un contexte social[4].
Sadie-Phoenix Lavoie, porte-parole communautaire bispirituelle Anishinaabe de la Première Nation Sagkeeng, fait des suggestions quant aux façons d’intégrer les Appels à la justice dans la vie quotidienne. À son avis, une communication et des conversations ouvertes sont essentielles pour favoriser la réconciliation avec les membres de la communauté : « Au quotidien, je pense que la forme la plus essentielle de lutte contre le racisme est le dialogue avec les membres de la communauté et l’approfondissement des relations avec les Peuples autochtones[5] ».
La participation aux activités communautaires, le fait de prendre le temps de lire le rapport et de se renseigner sur l’histoire autochtone du Canada, ainsi que le fait d’assumer responsabilité afin de favoriser la réconciliation sont tous des moyens d’intégrer les Appels à la justice énoncés dans le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées dans notre quotidien[6].
Pour qu’il puisse y avoir réconciliation, la population du Canada doit reconnaître et accepter ce que révèle le Rapport, soit que des changements de fond s’imposent pour pouvoir mettre un terme au génocide des personnes autochtones, et plus particulièrement des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA. Alors que les politiciens naviguent les méandres des ramifications juridiques et politiques de l’utilisation du terme génocide et que les plans d’action sont élaborés, point n’est besoin pour les Canadiens et les Canadiennes d’attendre pour promouvoir la réconciliation et répondre aux Appels à la justice.
Keerit Jutla est avocate dans le cabinet JFK Law Corporation à Victoria.