Faciliter la justice au quotidien en privilĂ©giant la prĂ©vention et l’intervention rapide
Contrairement Ă ce que l’on peut croire, peu de problèmes trouvent leur solution dans le système de justice officiel. Dans ces circonstances, il nous faut embrasser une vue Ă©largie de l’accès Ă la justice. Ne vaut-il pas mieux construire un garde-fou au sommet d’une falaise que d’investir dans l’envoi d’ambulances au fond du prĂ©cipice? Faciliter la justice au quotidien demande trois grandes transformations. Nous devons reconnaĂ®tre que l’accès Ă la justice passe par des parcours variĂ©s, nous devons trouver des moyens de traiter un plus vaste Ă©ventail de problèmes juridiques avec un coffre Ă outils plus Ă©toffĂ©, et nous devons tourner notre attention beaucoup plus en amont des tribunaux, en privilĂ©giant l’intervention opportune et les services prĂ©ventifs.
Cette section comporte trois parties :
- Le droit comme compétence de vie : améliorer les capacités juridiques et prendre la santé juridique au sérieux
- Triage et aiguillage : concevoir les systèmes de triage et d’aiguillage pour faciliter le parcours vers la justice
- Technologie et innovation : prendre les moyens nĂ©cessaires en vue d’assurer que la technologie est bien utilisĂ©e pour favoriser une justice Ă©quitable et inclusive.
Le droit comme compétence de vie
Le droit devrait ĂŞtre une compĂ©tence de vie, et chacun devrait se voir offrir l’occasion de dĂ©velopper et d’amĂ©liorer ses capacitĂ©s juridiques Ă divers moments de sa vie, idĂ©alement avant qu’un problème juridique ne survienne. Peu de gens s’y connaissent en droit, mĂŞme s’il touche Ă tous les aspects de leur vie. Il est rare que le droit soit inclus dans les programmes scolaires publics, et, en gĂ©nĂ©ral, les gens comprennent mal le système juridique, les diffĂ©rents ordres de gouvernement au Canada, et les diffĂ©rentes lois qui s’appliquent dans une situation donnĂ©e. Malheureusement, les gens tirent trop souvent leur information de la tĂ©lĂ©vision ou du cinĂ©ma, dans des productions qui viennent en grande partie de l’Ă©tranger et qui dĂ©figurent le droit pour qu’il s’adapte Ă leur intrigue.
Les gens qui ont une meilleure compréhension du droit :
- Savent oĂą trouver de l’information fiable
- Font la distinction entre les faits et leurs Ă©motions
- Comprennent leurs intérêts et ceux des autres
- Conservent leurs documents
- Examinent différentes solutions
- Savent s’adapter Ă une situation en Ă©volution
- Savent quand et comment obtenir de l’aide
Les diffĂ©rents programmes publics d’Ă©ducation et d’information juridique, les ordres de juristes et les organisations gouvernementales offrent depuis de nombreuses annĂ©es des ressources informationnelles traitant des questions juridiques les plus frĂ©quentes et vulgarisant certaines lois. Ces ressources prennent la forme de dĂ©pliants, de vidĂ©os, de services tĂ©lĂ©phoniques d’information juridique, de sites web, de conversations tĂ©lĂ©phoniques ou d’ateliers. Il s’agit d’une contribution importante Ă la littĂ©racie juridique. Pour plus d’idĂ©es concernant une approche prĂ©ventive de la pratique du droit, consultez les outils de prĂ©vention en matière de santĂ© juridique que propose l’ABC. Il est facile de promouvoir son contenu. Vous pouvez aussi utiliser la section « Faire la preuve Ă vos collègues » pour sensibiliser les membres de la profession. Vous pouvez vous adresser facilement aux membres de votre communautĂ© en utilisant le matĂ©riel de l’ABC. Qu’il s’agisse des sections s’adressant aux jeunes ou aux adultes, ces outils proposent une approche Ă©tape par Ă©tape pour organiser et diriger une sĂ©ance d’information. L’Ă©ducation juridique pour tous ne devrait pas ĂŞtre vue comme une panacĂ©e, mais elle constitue un prĂ©cieux point de dĂ©part pour aider les gens Ă accĂ©der Ă d’autres ressources.
Bilans de santé juridique
Pour aider le public Ă Ă©toffer ses capacitĂ©s juridiques, l’ABC a conçu les bilans de santĂ© juridique. Il s’agit d’encourager les gens Ă reconnaĂ®tre les problèmes juridiques très tĂ´t et Ă agir au moment oĂą ils les dĂ©couvrent pour Ă©viter de les exacerber. Pour les juristes, ces documents sont une façon de briser la glace et de lancer la discussion sur le droit, la façon d’obtenir une assistance juridique et de travailler efficacement avec un juriste. L’ABC propose aussi plusieurs idĂ©es pour faire connaĂ®tre les bilans de santĂ© juridique et promouvoir leur utilisation.
L’ABC a aussi conçu un questionnaire sur la santĂ© juridique que les juristes peuvent utiliser lors de l’accueil de clients. Le questionnaire donne une vue d’ensemble sur la situation du client et propose des pistes quant Ă quels autres problèmes pourraient devoir ĂŞtre traitĂ©s.
Pour appliquer l’idĂ©e des bilans de santĂ© juridique au niveau communautaire, on pourrait demander Ă un organisme communautaire de prendre en charge la diffusion d’informations juridiques qui concernent directement les gens d’une rĂ©gion. Par exemple, dans un quartier comportant beaucoup de logements locatifs, l’organisme pourrait tenir des sĂ©ances d’information pour les locataires et proposer des documents qui traitent du cadre juridique des relations propriĂ©taire-locataire.
L’objectif des bilans de santĂ© juridique est de contribuer activement Ă prĂ©venir l’apparition de problèmes juridiques et Ă Ă©viter leur aggravation. Si les activitĂ©s de prĂ©vention en santĂ© (comme encourager une diète Ă©quilibrĂ©e et une vie active) sont une partie essentielle des soins de santĂ©, il est peut-ĂŞtre temps de rĂ©aliser l’utilitĂ© de la prĂ©vention en matière de droit et d’accès Ă la justice.
Triage et aiguillage
Plusieurs Ă©tudes ont mis en Ă©vidence l’absence d’un plan global qui guiderait la façon dont les gens ont accès au système de justice. La potentielle confusion qui rĂ©sulte des nombreux points d’accès diffĂ©rents est accrue par la crĂ©ation de nouveaux programmes rĂ©pondant Ă des besoins ponctuels sans nĂ©cessairement ĂŞtre intĂ©grĂ©s avec les programmes existants ou par le fait que les programmes existants devraient ĂŞtre repensĂ©s. Ce qui convenait hier pourrait bien ĂŞtre dĂ©passĂ© aujourd’hui.
Voici trois approches à considérer :
- PrĂ©voir un guichet unique d’accès, comme un centre d’accès Ă la justice
- Concevoir des services d’aiguillage oĂą tous les points d’accès sont bons (on s’engage Ă Ă©viter la « maison qui rend fou » d’AstĂ©rix)
- Collaborer avec des ressources intermĂ©diaires de confiance pour rapprocher les services des gens qui, en raison du lieu oĂą ils habitent ou de leur situation sociale, ont peu de chances de bĂ©nĂ©ficier des points d’accès Ă©tablis.
Un système d’aiguillage Ă Ă©chelle humaine (que l’on peut opposer Ă la « maison qui rend fou » d’AstĂ©rix) veut que lorsqu’on dirige une personne vers un autre point de contact dans le système, on doive s’assurer du succès de la prise de contact. On pourrait ainsi Ă©liminer beaucoup de frustration et Ă©viter le sentiment de tourner en rond si l’aiguillage ne se passe pas comme prĂ©vu.
Dans un monde idĂ©al, une personne qui fait face Ă un problème juridique devrait dès le dĂ©part ĂŞtre dirigĂ©e vers le meilleur point de contact et trouver la solution Ă son problème. Se rendre devant les tribunaux devrait ĂŞtre le dernier recours, et n’est mĂŞme pas envisageable pour plusieurs personnes. ReconnaĂ®tre cette rĂ©alitĂ© et y remĂ©dier avec une solide planification en amont permettrait de transformer le système pour qu’il tende vers une justice Ă©quitable. Vous pouvez vous assurer d’ĂŞtre prĂŞt Ă aider en gardant Ă portĂ©e de main une liste de ressources locales et en ligne Ă jour. L’ABC propose une liste par rĂ©gion pour vous aider.
Technologie et innovation
La technologie permet :
- d’automatiser des processus, les rendant plus efficaces et accessibles;
- de créer de nouveaux parcours vers la justice;
- d’offrir un accès direct aux services juridiques, comme les vidĂ©oconfĂ©rences et la rĂ©solution de diffĂ©rends en ligne.
La technologie offre l’espoir d’amĂ©liorer l’accès Ă la justice tout particulièrement pour les communautĂ©s autochtones, les personnes en situation de handicap, les personnes provenant de cultures diffĂ©rentes ou parlant une autre langue, et les personnes qui vivent dans une situation socio-Ă©conomique difficile en proposant plus de moyens pour obtenir de l’information et en facilitant l’accès Ă des professionnels. L’ACB a publiĂ© les outils Trouver des renseignements fiables au sujet de vos problèmes juridiques et Prendre les mesures suivantes pour encourager l’utilisation prudente des ressources en ligne.
La technologie peut cependant avoir l’effet inverse en ajoutant des barrières et en rendant plus difficile l’accès Ă l’information. Par exemple, les personnes peu alphabĂ©tisĂ©es, ou celles qui ont peu d’expĂ©rience avec les ordinateurs ou qui n’y ont simplement pas accès Ă©prouveront des difficultĂ©s Ă utiliser des services fournis par l’intermĂ©diaire des nouvelles technologies.
Le système de justice canadien a Ă©tĂ© lent Ă adopter les nouvelles technologies pour de nombreuses raisons. Il faut considĂ©rer les enjeux d’accès Ă©quitable, de confidentialitĂ©, de protection des donnĂ©es, de protection de l’identitĂ©, de conservation des donnĂ©es, de stockage de l’information, et l’inĂ©vitable question des ressources financières.
Toute avancĂ©e technologique doit tenir compte de tous les utilisateurs du système, de leurs besoins et de leurs compĂ©tences. Plusieurs personnes, notamment les plus vulnĂ©rables, devront compter sur une « aide humaine » pour adapter l’information et les outils Ă leurs problèmes et pour rĂ©pondre Ă leurs questions. L’innovation n’est pas un pas dans la bonne direction s’il faut laisser derrière ceux qui ont le plus besoin d’aide.
Pour en savoir plus
Triage et aiguillage
Éducation juridique pour le public
Points d’accès Ă plusieurs autres ressources
Plateformes compilant plusieurs ressources