Capacité

Le concept des « capacitĂ©s Ă©volutives » reconnaĂ®t les enfants « en tant qu’agents actifs dans leur propre vie, autorisĂ©s Ă  prĂ©tendre Ă  l’Ă©coute, au respect et Ă  une autonomie croissante dans l’exercice de leurs droits, et en mĂŞme temps Ă  la protection conforme Ă  leur jeune âge et Ă  leur relative immaturitĂ© ». 

Lansdown, G., Les capacitĂ©s Ă©volutives de l’enfant
Centre de recherche Innocenti de l’Unicef, 2005, Ă  la p. ix

« Il est nĂ©cessaire de comprendre et d’examiner les capacitĂ©s Ă©volutives de l’enfant Ă  partir de trois structures conceptuelles :

  • Premièrement, en tant que concept de dĂ©veloppement Ă©tablissant dans quelle mesure la mise en Ĺ“uvre des droits Ă©noncĂ©s dans la Convention favorise le dĂ©veloppement, les compĂ©tences et l’autonomie personnelle des enfants. Les États parties se voient ainsi imposer l’obligation d’exĂ©cuter ces droits.
  • Deuxièmement, en tant que concept de participation ou d’Ă©mancipation soulignant les droits des enfants au respect de leurs capacitĂ©s et transfĂ©rant les droits des adultes aux enfants conformĂ©ment Ă  leur niveau de compĂ©tences. Les États parties se voient imposer l’obligation de respecter ces droits.
  • Troisièmement, en tant que concept de protection reconnaissant aux enfants, du fait de leurs capacitĂ©s encore en Ă©volution, le droit d’ĂŞtre protĂ©gĂ©s tant par les parents que par l’État de toute participation ou exposition Ă  des activitĂ©s susceptibles de leur nuire, tout en convenant que les niveaux de protection nĂ©cessaires doivent diminuer conformĂ©ment aux capacitĂ©s Ă©volutives. Les États parties se voient imposer l’obligation de protĂ©ger ces droits. »                             

Lansdown, G., Les capacitĂ©s Ă©volutives de l’enfant
Centre de recherche Innocenti de l’Unicef, 2005, Ă  la p. x. 

Les jeunes possèdent la capacité, la compétence et les droits voulus pour prendre certaines décisions par eux-mêmes. Ils ont le droit de participer aux processus décisionnels qui les concernent et ils ont le droit de donner leur propre consentement dans de nombreux contextes, y compris en contradiction avec ce que leurs parents ou tuteurs sont susceptibles de vouloir pour eux.

Y a-t-il une différence entre capacity (capacité) et competency (compétence ou habileté)?

En gros, les termes anglais capacity (capacitĂ©) et competency (compĂ©tence ou habiletĂ©) sont interchangeables. Par exemple, dans la version anglaise de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5, les termes competency/incompetency et capacity sont employĂ©s sans ĂŞtre dĂ©finis et sans qu’une distinction soit faite entre eux. En outre, une recension de dictionnaires anglais en ligne indique l’absence de distinction entre ces notions, que l’on consulte Black’s, Merriam-Webster, Cambridge English, The Free Dictionary ou Wikipedia. Dans les documents des Nations Unies, on a tendance Ă  employer capacity pour dĂ©signer les capacitĂ©s d’une personne telles qu’on les interprĂ©terait dans un contexte juridique; en revanche, on tend Ă  rĂ©server le terme competency Ă  la dĂ©signation de l’autoritĂ© juridictionnelle des organes directeurs et autres organes de l’ONU. Pour les besoins de la prĂ©sente section de la trousse, le terme privilĂ©giĂ© sera capacity en anglais (et l’Ă©quivalent français « capacitĂ© ») et aucune distinction ne sera Ă©tablie entre capacity et competency (ni entre les Ă©quivalents français « capacitĂ© », d’une part, et « compĂ©tence » et « habiletĂ© », d’autre part).

Il peut ĂŞtre utile de consulter Ă  ce propos les textes de loi, la jurisprudence et la documentation dans d’autres domaines de la pratique. Dans le Code type de dĂ©ontologie professionnelle Ă©laborĂ© Ă  l’Ă©chelle nationale par la FĂ©dĂ©ration des ordres professionnels de juristes du Canada, ainsi que dans les codes mis en vigueur par les organes directeurs provinciaux, la capacitĂ© des mineurs est explicitement assimilĂ©e Ă  celle de tous les clients dont la capacitĂ© de prendre des dĂ©cisions est amoindrie : on mentionne que cet amoindrissement de la capacitĂ© peut dĂ©couler du fait que le client n’a pas l’âge de la majoritĂ© ou qu’il est atteint d’un handicap mental (voir par exemple les codes de dĂ©ontologie publiĂ©s sur les sites Web respectifs de la Law Society of Alberta (règle 2.02(12)) et du Barreau du Haut-Canada (règle 3.2-9)). 

La capacité et la Convention

On trouve des mentions expresses de la capacitĂ© aux articles 5 et 14 et Ă  l’alinĂ©a 40(3)(a) de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention »). Toutefois, la Convention ne prescrit pas qu’un enfant doit ĂŞtre capable ou avoir atteint un certain âge pour pouvoir exercer ses droits. Les articles 5 et 14 font rĂ©fĂ©rence au dĂ©veloppement des capacitĂ©s de l’enfant, ce qui reconnaĂ®t qu’Ă  mesure que l’enfant grandit et acquiert de la maturitĂ©, il devient apte Ă  exercer progressivement ses droits. La Convention reconnaĂ®t Ă©galement que les enfants peuvent ne pas avoir certaines capacitĂ©s, par exemple Ă  l’alinĂ©a 40(3)(a) dans le contexte des jeunes enfants et de l’âge minimum de la responsabilitĂ© criminelle.

Les articles 9, 12, 26, 37 et 40 traitent de la participation et de la reprĂ©sentation de l’enfant dans divers processus et diverses instances, par exemple sous les formes suivantes : exprimer son opinion, donner son consentement en connaissance de cause et demander des prestations.

L’article 21 stipule que les personnes qui ont le droit de consentir Ă  une adoption, y compris un enfant dont l’adoption est envisagĂ©e, ont droit au consentement en connaissance de cause. « En connaissance de cause » impose aux personnes qui veulent adopter un enfant le fardeau d’obtenir le consentement en connaissance de cause de cet enfant. Le langage utilisĂ© implique Ă  la fois une participation et une capacitĂ© de l’enfant, car le consentement en connaissance de cause ne peut ĂŞtre donnĂ© que par une personne ayant la capacitĂ© requise, c’est-Ă -dire comprenant ce Ă  quoi elle consent. C’est la seule disposition de la Convention oĂą la « participation » de l’enfant dĂ©pend de sa capacitĂ©. Cependant, un enfant dont l’adoption est envisagĂ©e, ou qui se trouve dans toute autre situation exigeant sa capacitĂ© ou sa comprĂ©hension, peut recevoir une assistance afin d’atteindre le degrĂ© de comprĂ©hension nĂ©cessaire pour pouvoir donner son consentement en connaissance de cause.

La capacitĂ© est-elle une condition prĂ©alable de l’exercice des droits de participation confĂ©rĂ©s par la Convention?

La Convention reconnaĂ®t que les capacitĂ©s de l’enfant sont en Ă©volution (p. ex. article 5) et, exception faite de l’article 21, elle ne prescrit pas que l’enfant est tenu d’avoir la capacitĂ© requise pour participer et pour jouir des droits Ă©noncĂ©s. MĂŞme l’article 21 ne constitue pas une exigence, mais bien une protection pour toutes les personnes qui participent Ă  une adoption, et le « consentement en connaissance de cause » est un droit en soi. Cela contribue Ă  rĂ©duire les obstacles Ă  la participation de l’enfant.

Ă€ l’article 12 (et, implicitement, au paragraphe 9(2)), l’enfant « qui est capable de discernement » se voit confĂ©rer le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intĂ©ressant. La disposition est rĂ©digĂ©e de telle sorte que l’enfant doit seulement ĂŞtre « capable » de se forger une opinion, plutĂ´t que de dĂ©montrer qu’il a les « capacitĂ©s » requises pour le faire. Le seuil fixĂ© pour la participation est donc bas. L’article 12 prescrit simplement qu’une opinion doit ĂŞtre formulĂ©e, sans que l’enfant doive dĂ©montrer qu’il comprend la manière dont il s’est formĂ© cette opinion, les raisons pour lesquelles il l’a fait, la justification de l’opinion ou les consĂ©quences possibles de l’expression de l’opinion ou des actes posĂ©s pour y donner suite. L’article 12 prĂ©cise que les opinions de l’enfant doivent ĂŞtre dĂ»ment prises en considĂ©ration eu Ă©gard Ă  son âge et Ă  son degrĂ© de maturitĂ©. Cela laisse penser qu’un plus grand poids sera accordĂ© Ă  l’opinion de l’enfant Ă  mesure qu’il grandira et gagnera en maturitĂ©, ce qui suppose un plus grand degrĂ© de comprĂ©hension, de sa part, de la nature et des consĂ©quences de l’opinion formulĂ©e. (Observation gĂ©nĂ©rale no 12, aux par. 20-21)

L’absence de seuil minimum concernant la « capacitĂ© » rĂ©duit les obstacles Ă  la participation des enfants. Historiquement, l’application de critères Ă  la capacitĂ© a limitĂ© les possibilitĂ©s de participation des enfants Ă  la prise des dĂ©cisions Ă  leur sujet. La Convention Ă©tablit explicitement que la capacitĂ© ne doit pas ĂŞtre un obstacle Ă  la participation de l’enfant et qu’en soi, la formulation d’une opinion, sans exigence concernant la « possession des capacitĂ©s requises », est suffisante pour permettre la participation des enfants dans les affaires qui les concernent.

La capacitĂ© de… quoi faire? 

Comme nous l’avons dĂ©jĂ  mentionnĂ©, la Convention reconnaĂ®t que les capacitĂ©s d’un enfant se dĂ©veloppent. Lorsqu’une question litigieuse est soulevĂ©e concernant la capacitĂ© d’un enfant, il est important de se demander quelle est l’action visĂ©e par cette capacitĂ©, puisque la rĂ©ponse dĂ©terminera le contexte, ainsi que la capacitĂ© correspondante requise. Il faut prendre en considĂ©ration l’ensemble des droits de l’enfant pour assurer le respect des Ă©lĂ©ments liĂ©s au dĂ©veloppement, Ă  la participation et Ă  la protection qui sont associĂ©s Ă  l’Ă©volution de la capacitĂ©. 

Une question clĂ© pour dĂ©terminer la capacitĂ© est la suivante : la capacitĂ© de… quoi faire? Est-ce l’une des actions suivantes? 

  • Donner des instructions Ă  un avocat
  • Accepter ou refuser un traitement mĂ©dical
  • Établir une relation avocat-client
  • Renoncer au secret professionnel
  • Accepter ou refuser la publication d’un dossier
  • TĂ©moigner ou fournir des Ă©lĂ©ments de preuve
  • Subir un procès
  • Accepter ou refuser un traitement pour troubles mentaux
  • Accepter ou refuser d’ĂŞtre admis Ă  l’hĂ´pital
  • S’inscrire Ă  l’Ă©cole
  • DĂ©terminer dans quelle Ă©cole s’inscrire
  • Ouvrir un compte en banque
  • Faire une demande de permis de conduire 
  • Signer un contrat
    • pour acheter une voiture
    • pour acheter un tĂ©lĂ©phone cellulaire
    • pour louer un appartement
  • Accepter ou refuser d’ĂŞtre soumis Ă  une Ă©valuation
  • Faire des arrangements de visite avec un parent n’habitant pas avec soi
  • Accepter ou refuser de se soumettre Ă  des tests
  • Se rendre dans un pays Ă©tranger en tant que rĂ©fugiĂ©
  • Voyager en tant que mineur non accompagnĂ©
  • Consentir Ă  des activitĂ©s sexuelles
  • Consentir au mariage
  • Voter
  • Consentir Ă  une mort mĂ©dicalement assistĂ©e 

L’approche actuellement admise en matière de capacitĂ© n’est pas de la considĂ©rer comme Ă©tant d’application gĂ©nĂ©rale, mais bien comme Ă©tant propre Ă  un domaine ou Ă  une dĂ©cision en particulier. De lĂ , la nĂ©cessitĂ© de se demander quelle action est visĂ©e par la capacitĂ© en l’occurrence, car il n’y a, et il ne saurait y avoir, aucun critère universel applicable Ă  la capacitĂ©.

Souvent, pour des raisons d’efficacitĂ©, on applique un critère basĂ© sur l’âge comme seuil dĂ©terminant de la capacitĂ© – par exemple pour le droit de vote, le consentement Ă  des activitĂ©s sexuelles, le mariage, le droit de conduire une voiture, voire l’âge de la majoritĂ©. Toutefois, il est impossible d’Ă©valuer la capacitĂ© d’un enfant en particulier sans dĂ©finir le contexte dans lequel cette capacitĂ© sera exercĂ©e, car chaque contexte sera associĂ© Ă  un degrĂ© diffĂ©rent de capacitĂ©, le cas Ă©chĂ©ant.

L’application d’un critère de capacitĂ© prĂ©cis en fonction du contexte est une notion familière Ă  la profession juridique. Par exemple, la dĂ©termination du moment oĂą une personne a la capacitĂ© requise pour faire un testament, subir un procès, tĂ©moigner, refuser ou accepter un traitement mĂ©dical, nĂ©cessite dans chaque cas l’application d’un critère diffĂ©rent. L’Ă©valuation de la capacitĂ© d’un enfant suppose la mĂŞme diversitĂ© potentielle et l’application du mĂŞme processus. Comme dans le cas des adultes, si la question Ă  trancher dans le cas d’un enfant nĂ©cessite une dĂ©cision qui met la vie en jeu, le critère applicable Ă  la capacitĂ© de prendre cette dĂ©cision est susceptible d’ĂŞtre assorti d’un seuil beaucoup plus Ă©levĂ© que celui que l’on appliquerait, par exemple, Ă  l’ouverture d’un compte en banque ou au choix de l’Ă©cole Ă  frĂ©quenter. Un examen des critères de capacitĂ© dans divers contextes montre invariablement qu’un Ă©lĂ©ment de comprĂ©hension est requis. (Voir le document de Hensley, indiquĂ© dans la section Ressources ci-dessous, pour un exemple de critère prĂ©cis applicable Ă  la capacitĂ© d’un enfant de donner des instructions Ă  un avocat.)

Doctrine du « mineur mĂ»r »

La capacitĂ© des enfants de prendre des dĂ©cisions par eux-mĂŞmes, mĂŞme lorsque ces dĂ©cisions sont contraires aux positions de leurs parents, est Ă©tayĂ©e par la doctrine du « mineur mĂ»r », qui est souvent invoquĂ©e pour la prise de dĂ©cisions Ă  caractère mĂ©dical : lorsqu’un mineur [TRADUCTION] « est capable de comprendre ce qui est proposĂ© et d’exprimer ses propres dĂ©sirs » en ce qui concerne un traitement, les droits des parents cèdent le pas au « droit de l’enfant de prendre ses propres dĂ©cisions » (Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1985] (1985) 3 All ER 403).

L’« Ă©mancipation », Ă  titre de statut juridique ou de statut global pour les jeunes, n’existe pas au Canada, sinon au QuĂ©bec. Toutefois, dans la pratique, les jeunes peuvent acquĂ©rir un pouvoir sur certaines questions avant d’atteindre l’âge de la majoritĂ©, ce pouvoir variant d’un domaine Ă  l’autre. Par exemple, en Alberta, les jeunes qui dĂ©montrent qu’ils sont financièrement autonomes peuvent demander Ă  leur administration scolaire d’obtenir le statut d’Ă©lève indĂ©pendant et ĂŞtre autorisĂ©s Ă  prendre leurs propres dĂ©cisions sur les cours Ă  suivre et la participation aux activitĂ©s parascolaires, ainsi qu’Ă  dĂ©cider de la non-communication des dossiers Ă  leurs parents ou tuteurs. En common law, les jeunes peuvent signer des contrats relatifs aux nĂ©cessitĂ©s de la vie. Les jeunes peuvent demander leur propre passeport Ă  16 ans, mais ils ont gĂ©nĂ©ralement besoin du consentement de leurs parents pour obtenir leur permis de conduire temporaire jusqu’Ă  ce qu’ils aient atteint l’âge de la majoritĂ©. Les questions qui appellent des autorisations en fonction de l’âge relèvent gĂ©nĂ©ralement de la compĂ©tence des provinces.

Droit international

Articles de la Convention dans lesquels le terme « capacitĂ© » est utilisĂ©

Article 5 – Respecter les responsabilitĂ©s et les droits des parents de donner Ă  l’enfant, d’une manière qui corresponde au dĂ©veloppement de ses capacitĂ©s, l’orientation et les conseils appropriĂ©s Ă  l’exercice de ses droits.

Article 14 – Respecter le droit de l’enfant Ă  la libertĂ© de pensĂ©e, de conscience et de religion, et respecter le droit et le devoir des parents, ou des reprĂ©sentants lĂ©gaux de l’enfant, de guider celui-ci dans l’exercice de ce droit d’une manière qui corresponde au dĂ©veloppement de ses capacitĂ©s.

AlinĂ©a 40(3)(a) – Les États parties doivent Ă©tablir un âge minimum pour la responsabilitĂ© criminelle, ainsi que la prĂ©somption que les enfants n’ayant pas atteint cet âge n’ont pas la capacitĂ© d’enfreindre la loi pĂ©nale.

Les articles 5 et 14 n’exigent ou n’escomptent pas une capacitĂ© de la part de l’enfant; ils reconnaissent plutĂ´t que les personnes responsables d’un enfant ont l’obligation de subvenir Ă  ses besoins d’une façon compatible avec ses processus de croissance, de dĂ©veloppement et de maturation. Ce concept se trouve reflĂ©tĂ© dans la dĂ©cision pionnière Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1986] AC 112, p 185 :

[TRADUCTION]

Le principe est que le droit ou le pouvoir d’un parent d’exercer un contrĂ´le sur la personne et les biens de son enfant existe principalement pour permettre au parent de s’acquitter de sa responsabilitĂ© d’entretien, de protection et d’Ă©ducation jusqu’Ă  ce que l’enfant ait atteint l’âge oĂą il pourra s’occuper de lui-mĂŞme et prendre ses propres dĂ©cisions.

La mention de la capacitĂ© Ă  l’alinĂ©a 40(3)(a) vise Ă  protĂ©ger les enfants en proposant un critère basĂ© sur l’âge pour dĂ©terminer la capacitĂ©, plutĂ´t qu’une analyse de la compĂ©tence, de la cognition ou du raisonnement.

Articles de la Convention qui soutiennent la participation des enfants et dans le cadre desquels la capacitĂ© peut ĂŞtre mise en question

Article 9 – Dans les cas oĂą l’enfant peut ĂŞtre sĂ©parĂ© de ses parents dans son intĂ©rĂŞt supĂ©rieur, il doit avoir la possibilitĂ© de participer aux dĂ©libĂ©rations et de faire connaĂ®tre ses vues.

Article 12 – L’enfant qui est capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intĂ©ressant, ses opinions Ă©tant dĂ»ment prises en considĂ©ration eu Ă©gard Ă  son âge et Ă  son degrĂ© de maturitĂ©, et l’on doit notamment lui donner la possibilitĂ© d’ĂŞtre entendu dans une procĂ©dure judiciaire ou administrative l’intĂ©ressant, soit directement, soit par l’intermĂ©diaire d’un reprĂ©sentant ou d’une organisation appropriĂ©e.

Article 21 – Lorsqu’il est dans l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur d’un enfant qu’il soit adoptĂ©, cela peut se faire uniquement si les personnes intĂ©ressĂ©es ont donnĂ© leur consentement Ă  l’adoption en connaissance de cause, après s’ĂŞtre entourĂ©s des avis nĂ©cessaires.

Article 26 – L’enfant a le droit de bĂ©nĂ©ficier de la sĂ©curitĂ© sociale et les prestations doivent ĂŞtre accordĂ©es compte tenu des ressources et de la situation de l’enfant et des personnes responsables de son entretien, ainsi que de toute autre considĂ©ration applicable Ă  la demande de prestations faite par l’enfant ou en son nom.

AlinĂ©a 37(d) – Tout enfant privĂ© de libertĂ© a le droit d’avoir rapidement accès Ă  l’assistance juridique ou Ă  toute autre assistance appropriĂ©e, ainsi que le droit de contester la lĂ©galitĂ© de sa privation de libertĂ© devant un tribunal ou une autre autoritĂ© compĂ©tente, indĂ©pendante et impartiale, et Ă  ce qu’une dĂ©cision rapide soit prise en la matière.

Sous-alinĂ©as 40(2)(b)(ii), (iii) et (vi)Tout enfant ayant des dĂ©mĂŞlĂ©s avec la loi a au moins droit aux garanties suivantes :

  • bĂ©nĂ©ficier d’une assistance juridique ou de toute autre assistance appropriĂ©e pour la prĂ©paration et la prĂ©sentation de sa dĂ©fense;
  • que sa cause soit entendue selon une procĂ©dure Ă©quitable aux termes de la loi, en prĂ©sence de son conseil juridique ou autre et, Ă  moins que cela ne soit jugĂ© contraire Ă  l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant en raison notamment de son âge ou de sa situation, en prĂ©sence de ses parents ou reprĂ©sentants lĂ©gaux;
  • se faire assister gratuitement d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisĂ©e. 

Sources d’interprĂ©tation

Droit canadien

Lois fédérales

  • Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 – Par. 16(4) : La personne visĂ©e au par. (1) qui ne comprend pas la nature du serment ou de l’affirmation solennelle et qui n’est pas capable de communiquer les faits dans son tĂ©moignage ne peut tĂ©moigner. Par. 16.1(5) : Le tribunal qui estime avoir des motifs de douter de la capacitĂ© de tĂ©moigner d’un enfant de moins de 14 ans procède, avant de permettre le tĂ©moignage, Ă  une enquĂŞte pour vĂ©rifier si le tĂ©moin a la capacitĂ© de comprendre les questions et d’y rĂ©pondre.

Lois provinciales et territoriales

  • Adult Guardianship and Trusteeship Act, SA 2008, ch. A-4.2, al. 1(d) : [traduction] « â€źCapacitĂ©” s’entend, relativement Ă  la prise d’une dĂ©cision sur une question, de l’aptitude Ă  comprendre l’information pertinente par rapport Ă  la dĂ©cision et Ă  apprĂ©cier les consĂ©quences raisonnablement prĂ©visibles (i) d’une dĂ©cision et (ii) de l’omission de prendre une dĂ©cision. »
  • Les Codes de dĂ©ontologie professionnelle des avocats Ă©noncent les obligations des conseils Ă  l’Ă©gard de leurs clients en gĂ©nĂ©ral et de leurs clients dont les capacitĂ©s sont « amoindries ».

Jurisprudence

  • Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1985] 3 All ER 402, [1986] AC 112 : Le droit ou le pouvoir d’un parent d’exercer un contrĂ´le sur la personne et les biens de son enfant existe principalement pour permettre au parent de s’acquitter de sa responsabilitĂ© d’entretien, de protection et d’Ă©ducation jusqu’Ă  ce que l’enfant ait atteint l’âge oĂą il pourra s’occuper de lui-mĂŞme et prendre ses propres dĂ©cisions. Cette dĂ©cision procure un fondement qui a Ă©tĂ© acceptĂ© au Canada pour la notion voulant que, lorsqu’un mineur [traduction] « est capable de comprendre ce qui est proposĂ© et d’exprimer ses propres dĂ©sirs » en ce qui concerne un traitement mĂ©dical, les droits des parents cèdent le pas au « droit de l’enfant de prendre ses propres dĂ©cisions ».
  • A.C. c. Manitoba (Directeur des services Ă  l’enfant et Ă  la famille), 2009 CSC 30 : La Cour a examinĂ© les cas les plus graves de consentement Ă  un traitement mĂ©dical dans le contexte oĂą l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant est le facteur dĂ©terminant.
  • Plus prĂ©cisĂ©ment, on a demandĂ© Ă  la Cour de dĂ©terminer si le Directeur des services Ă  l’enfant et Ă  la famille Ă©tait autorisĂ© Ă  ordonner un traitement mĂ©dical non voulu dans le cas d’un adolescent pris en charge sous le rĂ©gime de la Loi sur les services Ă  l’enfant et Ă  la famille. La Cour a conclu que la dĂ©termination de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur en vertu de la loi sur le bien-ĂŞtre de l’enfance du Manitoba s’effectue sur une Ă©chelle variable, l’opinion de l’adolescent devenant de plus en plus dĂ©terminante selon sa maturitĂ©.
  • Pyett v. Lampman, (1922) 53 OLR 149 (voir pour plus de dĂ©tails http://www.youthlaw.ca; effectuer la recherche suivante : « Can a youth enter into a contract? ») Les jeunes peuvent conclure des contrats concernant les nĂ©cessitĂ©s de la vie.
  • J.S.C. v. Wren, 1986 ABCA 249 : L’affaire concernait une jeune fille de 16 ans qui est tombĂ©e enceinte, qui voulait se faire avorter et qui a donnĂ© au mĂ©decin son consentement Ă©clairĂ©. Ses parents ne voulaient pas qu’elle se fasse avorter; ils ont poursuivi le mĂ©decin, et la jeune fille de 16 ans est intervenue. Le tribunal a conclu : [traduction] « La jeune fille a suffisamment d’intelligence et de comprĂ©hension pour prendre sa dĂ©cision par elle-mĂŞme, et c’est ce qu’elle a fait. Ă€ son âge et Ă  son niveau de comprĂ©hension, la loi veut qu’elle soit autorisĂ©e Ă  le faire » (par. 16).
  • Puszczak v. Puszczak, 2005 ABCA 426 : Lorsqu’on examine cette affaire, il faut prendre garde de ne pas se fonder sur le critère de la capacitĂ© de l’enfant de donner des instructions Ă  l’avocat, car le tribunal a fait erreur dans sa rĂ©fĂ©rence Ă  un commentaire du Code of Professional Conduct de l’Alberta en s’appuyant sur l’avis d’auteurs savants qui avaient mal interprĂ©tĂ© les dispositions du Code.
  • Starson c. Swayze, [2003] 1 R.C.S. 722 : La Cour a interprĂ©tĂ© la capacitĂ© d’un adulte dans le contexte de la Loi sur le consentement aux soins de santĂ© de l’Ontario et a conclu qu’Ă  la suite de la prise en compte des deux critères « ĂŞtre apte Ă  comprendre les renseignements pertinents Ă  l’Ă©gard de la prise d’une dĂ©cision » et « ĂŞtre apte Ă  Ă©valuer les consĂ©quences raisonnablement prĂ©visibles d’une dĂ©cision », il ressortait qu’en l’espèce, « la seule question dont Ă©tait saisie la Commission consistait Ă  dĂ©terminer si le professeur Starson Ă©tait capable de prendre une dĂ©cision quant au traitement mĂ©dical qu’on lui proposait. La sagesse de cette dĂ©cision n’a aucune pertinence Ă  cet Ă©gard ». La Cour a Ă©galement Ă©tabli qu’afin de respecter le droit du patient de prendre une dĂ©cision si personnelle concernant un traitement, un tribunal de rĂ©vision devait accepter que, mĂŞme si un choix pouvait paraĂ®tre « insensĂ© », si le patient avait la capacitĂ© requise, son choix devait ĂŞtre respectĂ©. Une approche similaire pourrait ĂŞtre adoptĂ©e dans le cas des enfants et elle a Ă©tĂ© adoptĂ©e par le juge Binnie, dans ses motifs dissidents, dans l’arrĂŞt A.C.

Considérations spéciales

  • Ne fixez pas un seuil de capacitĂ© plus rigoureux que ce que l’on attendrait d’un adulte dans des circonstances similaires.
  • La capacitĂ© n’est pas requise pour que l’on prenne en compte les opinions d’un enfant ou que l’on plaide en faveur de ces opinions. L’enfant doit seulement ĂŞtre capable de se forger une opinion.
  • Voici un exemple de critère adaptĂ© possible concernant la capacitĂ© d’un enfant Ă  donner des instructions Ă  un avocat (seuil bas) :
    1. L’enfant comprend ou est capable de comprendre que l’avocat peut obtenir ses instructions d’un mineur : la plupart des jeunes comprennent lorsque leur avocat leur dit : « Tu es mon patron. »
    2. L’enfant comprend ou est capable de comprendre une ou plusieurs consĂ©quences de la divulgation d’informations qu’il communique Ă  l’avocat. La plupart des enfants peuvent avoir une opinion claire sur le fait que certaines des informations qui les concernent peuvent ĂŞtre communiquĂ©es Ă  certaines personnes. Cela indique qu’ils comprennent qu’il peut y avoir des consĂ©quences Ă  la divulgation d’informations qu’ils ont communiquĂ©es Ă  leur avocat, et qu’ils veulent qu’au moins une partie des renseignements en question demeure confidentielle et soit protĂ©gĂ©e par le secret professionnel, ce qui est le trait caractĂ©ristique de la relation avocat-client.
    3. Le jeune est en mesure de communiquer sa comprĂ©hension de la situation Ă  l’avocat. L’avocat a la responsabilitĂ© d’Ă©tablir un rapport, de crĂ©er un climat propice et de fournir des outils qui aideront l’enfant Ă  communiquer avec lui. Cette divulgation ne relève pas uniquement de la responsabilitĂ© de l’enfant.
  • C’est l’avocat, et non pas le tribunal, qui doit dĂ©terminer en premier lieu la capacitĂ© de l’enfant. Cette dĂ©termination incombe Ă  l’avocat, et celui-ci doit ĂŞtre en mesure d’Ă©tayer son Ă©valuation de la situation. 

Pratiques essentielles 

  • Lorsque la question de la capacitĂ© d’un enfant est soulevĂ©e, posez-vous la question suivante : « la capacitĂ© de… quoi faire? » La rĂ©ponse dĂ©terminera le contexte, ainsi que la capacitĂ© correspondante requise.
  • Prenez en considĂ©ration l’ensemble des droits de l’enfant pour assurer le respect des Ă©lĂ©ments liĂ©s au dĂ©veloppement, Ă  la participation et Ă  la protection qui sont associĂ©s Ă  l’Ă©volution de sa capacitĂ©.
  • Ne substituez pas votre propre opinion Ă  celle de l’enfant en vous fondant sur votre avis, celui d’un autre avocat ou celui d’une quelconque autre personne, sur le bien-fondĂ© des points de vue ou des opinions de l’enfant.
  • Le fait d’ĂŞtre en dĂ©saccord avec l’opinion d’un jeune ou d’avoir une opinion diffĂ©rente n’est pas suffisant pour Ă©carter les points de vue et les opinions de ce jeune.
  • La dĂ©termination de la capacitĂ© d’un jeune est Ă  la fois un processus et une question de fond : un critère de capacitĂ© est la question de savoir si la rĂ©ponse du jeune satisfait Ă  ce critère.
  • Le jeune doit avoir une certaine comprĂ©hension, mais la nature et la profondeur de cette comprĂ©hension seront dĂ©terminĂ©es par le contexte de la dĂ©cision Ă  prendre ou de l’action Ă  entreprendre.
  • La qualitĂ© ou la nature de la position ou de la dĂ©cision d’un jeune n’est pas dĂ©terminante. Il faut plutĂ´t Ă©valuer ses rĂ©ponses Ă  un critère de capacitĂ© correspondant Ă  un seuil bas, Ă©tabli pour les besoins de la situation en cause.
  • Il n’y a pas lieu de s’attendre Ă  ce que votre jeune client se prĂ©sente devant vous la première fois en ayant dĂ©jĂ  acquis une comprĂ©hension, et il n’est pas obligatoire qu’un jeune fasse la dĂ©monstration de sa capacitĂ© dans les quelques premières minutes d’interaction.
  • Une partie de votre responsabilitĂ© Ă  titre d’avocat d’un enfant est de l’amener Ă  un certain degrĂ© de connaissance et de comprĂ©hension, de telle sorte qu’il puisse vous donner des instructions sur l’affaire en cause.
  • L’avocat ne doit pas substituer son opinion Ă  celle de son jeune client. Cela ne veut pas dire qu’il doit accepter aveuglĂ©ment les opinions et les dĂ©cisions de son client s’il n’est pas d’accord avec la voie dans laquelle le jeune semble se diriger. Comme avec n’importe quel client, l’avocat a l’obligation de donner des conseils avisĂ©s, d’indiquer au jeune la probabilitĂ© que ses dĂ©sirs deviennent rĂ©alitĂ© dans la prĂ©sente situation, de lui exposer d’autres options, solutions et raisonnements possibles, et/ou d’Ă©noncer ce qui pourrait constituer une autre meilleure solution de rechange. En d’autres termes, comme avec tous ses autres clients, l’avocat doit faire son travail et faire bĂ©nĂ©ficier son client, enfant ou adolescent, de l’avantage de ses conseils juridiques.

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