Protection de l’enfant

L’intervention de l’État a des effets potentiels profonds Ă  la fois sur les parents et sur l’enfant. L’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur, la protection et le bien-ĂŞtre de l’enfant, ainsi que la primautĂ© de la famille sous-tendent les lois sur la protection de l’enfant et la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention ») :

« … la famille, unitĂ© fondamentale de la sociĂ©tĂ© et milieu naturel pour la croissance et le bien-ĂŞtre de tous ses membres et en particulier des enfants, doit recevoir la protection et l’assistance dont elle a besoin pour pouvoir jouer pleinement son rĂ´le dans la communautĂ© »

PrĂ©ambule de la Convention

L’État intervient dans les affaires relatives Ă  la protection de l’enfance lorsque le niveau de soins offerts aux enfants par leurs parents est en deçà de certaines normes minimales. Les lois, les règlements et les pratiques en matière de protection de l’enfance qui prĂ©voient une telle intervention, en particulier lorsqu’un enfant est dĂ©placĂ© d’un domicile Ă  un autre, doivent ĂŞtre conformes aux droits Ă©noncĂ©s dans la Charte et, par prĂ©somption, Ă  ceux contenus dans la Convention. En cas de divergences dans des mesures lĂ©gislatives internes, la Convention peut ĂŞtre utile. Par exemple, quand une mesure lĂ©gislative ne mentionne rien au sujet de l’examen du placement d’un enfant, l’article 25 de la Convention peut permettre que l’ordonnance de placement comporte la tenue d’un examen Ă  une date ultĂ©rieure. (Voir la section du Cadre obligatoire et la section de la Charte dans la prĂ©sente Trousse d’outils sur les droits de l’enfant pour connaĂ®tre la justification sous-jacente.)

Lorsqu’un enfant a besoin de protection ou d’autres choses, telles qu’elles sont dĂ©finies dans des mesures lĂ©gislatives provinciales et territoriales, auxquelles la famille ne peut pas rĂ©pondre, les droits et l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant peuvent nĂ©cessiter une sĂ©paration de son milieu familial. Dans de rares cas, les parents qui Ă©prouvent des difficultĂ©s peuvent ĂŞtre retirĂ©s de leur domicile au lieu de l’enfant. Par exemple, en 2015, un conseil de bande au Manitoba a adoptĂ© une telle rĂ©solution qui a Ă©tĂ© perçue comme essentielle pour assurer la stabilitĂ© des enfants en leur permettant de demeurer dans leur milieu familial sous la supervision d’un adulte capable de prendre soin d’eux.

Bien que les mesures lĂ©gislatives internes et la Convention reconnaissent que l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant puisse nĂ©cessiter une sĂ©paration des parents lorsqu’il y a violence, nĂ©gligence ou mauvais traitement, les États parties Ă  la Convention sont encouragĂ©s Ă  respecter le droit de l’enfant sĂ©parĂ© de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir rĂ©gulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire Ă  l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant (article 9).

En tant qu’aspect fondamental dans les lois sur la protection de l’enfance dans l’ensemble du Canada, « l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant » est en conformitĂ© avec l’article 3 de la Convention qui exige qu’il soit une « considĂ©ration primordiale » dans toutes les dĂ©cisions qui le concernent. Toutefois, il existe un manque de cohĂ©rence dans l’application de ce principe, par exemple, dans les divers critères d’accès dans le cas d’un enfant devenu pupille de l’État. La participation d’un enfant et la possibilitĂ© d’ĂŞtre entendu dans les affaires concernant la protection de l’enfance varient aussi d’un ressort Ă  l’autre, ce qui requiert une vigilance dans la dĂ©fense des droits de l’enfant et la prise de dĂ©cisions et, dans certains cas, une rĂ©forme.

Droit international

  • Articles 2, 3, 5, 6, 8, 9, 12,16 et 18-39 de la Convention
  • Principes directeurs :
  • Article 2 (non-discrimination)
  • Article 3 (intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant en tant que considĂ©ration primordiale)
  • Article 6 (droit inhĂ©rent Ă  la vie, survie et dĂ©veloppement de l’enfant)
  • Article 12 (droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion « sur toute question l’intĂ©ressant », ses opinions devant ĂŞtre dĂ»ment prises en considĂ©ration)
  • Article 5 (responsabilitĂ© des parents de fournir une orientation ou un encadrement Ă  l’enfant dans le respect de ses droits d’une manière qui corresponde au dĂ©veloppement de ses capacitĂ©s)
  • Article 8 (droit de l’enfant de prĂ©server son identitĂ©, y compris sa nationalitĂ©, son nom et ses liens familiaux)
  • Article 9 (non-sĂ©paration des parents ou droit de l’enfant d’entretenir des relations rĂ©gulières avec ses deux parents s’il est sĂ©parĂ© de l’un d’eux ou des deux, Ă  moins que cela ne soit pas dans son intĂ©rĂŞt supĂ©rieur)
  • Article 16 (droit de l’enfant Ă  la protection contre les immixtions arbitraires ou illĂ©gales dans sa vie privĂ©e, sa famille, son domicile ou sa correspondance, et contre les atteintes Ă  son honneur et Ă  sa rĂ©putation)
  • Article 18 (responsabilitĂ© première des parents ou des reprĂ©sentants lĂ©gaux de l’enfant de l’Ă©lever et d’assurer son dĂ©veloppement; ceux-ci doivent ĂŞtre guidĂ©s avant tout par l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant, l’État a le devoir de fournir une aide appropriĂ©e aux parents ou aux reprĂ©sentants lĂ©gaux de l’enfant dans l’exercice de leur responsabilitĂ© première)
  • Article 19 (droit de l’enfant d’ĂŞtre protĂ©gĂ© contre toute forme de violence et responsabilitĂ© de l’État partie de prendre toutes les mesures de protection appropriĂ©es
  • Article 20 (responsabilitĂ© de l’État de fournir une protection spĂ©ciale ou une aide Ă  tout enfant privĂ© de son milieu familial)
  • Article 21 (garanties dans le cas d’une adoption Ă  l’Ă©tranger)
  • Article 22 (mesures de protection appropriĂ©es dans le cas de tout enfant rĂ©fugiĂ©, qu’il soit seul ou accompagnĂ© de ses père et mère ou de toute autre personne)
  • Article 23 (soins spĂ©ciaux et aide aux enfants handicapĂ©s)
  • Article 24 (droit de l’enfant de jouir du meilleur Ă©tat de santĂ© possible, d’avoir accès Ă  des services d’Ă©ducation et de bĂ©nĂ©ficier d’un soutien en matière de santĂ© et de nutrition, y compris des soins de santĂ© prĂ©ventifs et une orientation pour les parents)
  • Article 25 (examen pĂ©riodique du placement d’un enfant qui a Ă©tĂ© placĂ© pour bĂ©nĂ©ficier de soins, d’une protection ou d’un traitement physique ou mental)
  • Article 27 (droit de l’enfant Ă  un niveau de vie suffisant; responsabilitĂ© de l’État partie d’adopter les mesures appropriĂ©es pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l’enfant Ă  lui assurer les conditions de vie nĂ©cessaires Ă  son dĂ©veloppement et Ă  lui offrir une assistance matĂ©rielle et des programmes d’appui, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vĂŞtement et le logement)
  • Article 28 (droit Ă  l’Ă©ducation)
  • Article 29 (Ă©ducation axĂ©e sur le dĂ©veloppement du plein potentiel de l’enfant, y compris le respect de son identitĂ© culturelle, de sa langue et de ses valeurs)
  • Article 30 (droit de l’enfant d’origine autochtone ou issu d’une minoritĂ© d’avoir sa propre vie culturelle, de pratiquer sa religion et d’utiliser sa langue
  • Article 31 (droit de l’enfant au repos et aux loisirs; droit de se livrer au jeu et Ă  des activitĂ©s rĂ©crĂ©atives)
  • Article 33 (protection contre l’usage illicite de stupĂ©fiants et de substances psychotropes)
  • Article 34 (droit de l’enfant d’ĂŞtre protĂ©gĂ© contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle)
  • Article 35 (mesures pour empĂŞcher l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants Ă  quelque fin que ce soit)
  • Article 36 (protection contre toutes les autres formes d’exploitation)
  • Article 37 (protection contre la torture, les traitements cruels, inhumains ou dĂ©gradants, les châtiments et la privation de libertĂ©)
  • Article 39 (mesures visant Ă  faciliter la rĂ©adaptation physique et psychologique de tout enfant victime de violence sous toutes ses formes)

Autres instruments internationaux

Sources d’interprĂ©tation

[TRADUCTION] « Le conseiller juridique des parents peut chercher activement Ă  obtenir l’engagement de la communautĂ© autochtone d’un enfant dans les affaires liĂ©es Ă  la Child, Family and Community Service Act (CFCSA). Les collectivitĂ©s autochtones peuvent fournir un soutien aux parents pour les aider Ă  guĂ©rir. Si des parents ne peuvent pas rĂ©tablir leur capacitĂ© de jouer leur rĂ´le de parents de manière sĂ©curitaire, la communautĂ© autochtone d’un enfant peut cerner des options de permanence qui permettront aux parents de participer Ă  la vie de leur enfant et de s’assurer que l’enfant Ă©tablit des liens avec sa culture et son identitĂ© autochtones ».

Ardith Walkem, Wrapping Our Ways Around Them: Aboriginal Communities and the Child, Family and Community Service Act (CFCSA) Guidebook, ShchEma-mee.tkt Project (Nlaka’pamux Nation Tribal Council), p. 7

Droit des peuples autochtones

Examinez les protocoles traditionnels, les lois et les ordonnances juridiques qui s’appliquent aux cas concernant des enfants autochtones et dans lesquels les collectivitĂ©s autochtones peuvent fournir une orientation. (Voir la section « Enfants autochtones » de la prĂ©sente trousse d’outils.)

Examinez aussi les lois adoptĂ©es par des Autochtones qui s’appliquent Ă  votre dossier. Par exemple :

Droit canadien

La qualitĂ© de la prise de dĂ©cisions au sujet d’un enfant en vertu du droit canadien est renforcĂ©e par l’adhĂ©sion Ă  l’article 12 de la Convention qui accorde aux enfants qui doivent vivre avec des dĂ©cisions prises par d’autres la capacitĂ© de partager leurs prĂ©occupations au sujet des rĂ©percussions de telles dĂ©cisions sur leur vie (A.C. c. Manitoba (Directeur des services Ă  l’enfant et Ă  la famille, [2009] 2 S.C.R. 181, 2009 SCC 30, paragraphe 92); et Children’s Aid Society of Toronto v. E.U., [2014] O.J. No. 2939 (O.C.J.), paragraphe 264).

Lois fédérales

  • Charte canadienne des droits et libertĂ©s
  • La Cour suprĂŞme du Canada a reconnu que les procĂ©dures de protection de l’enfance concernent non seulement un parent, mais aussi les intĂ©rĂŞts d’un enfant, en faisant intervenir l’article 7 de la Charte. L’immixtion dans les relations parents-enfants peut seulement ĂŞtre justifiĂ©e si elle est compatible avec les principes de justice fondamentale.

Lois provinciales ou territoriales

La plupart des causes de protection de l’enfance au Canada ont lieu en vertu des lois provinciales ou territoriales suivantes :

Jurisprudence

Nouveau-Brunswick (Ministre de la SantĂ© et des Services communautaires) c. G. (J.),[1999] 3 RCS 46, [1999] RCS 47 – Des parents sans ressources visĂ©s par une demande d’ordonnance judiciaire prĂ©sentĂ©e par le gouvernement pour leur retirer la garde de leurs enfants ont-ils le droit constitutionnel d’ĂŞtre reprĂ©sentĂ©s par un avocat rĂ©munĂ©rĂ© par l’État? L’article 7 de la Charte s’applique, et l’État doit s’assurer que l’audience est Ă©quitable. Selon la gravitĂ© des intĂ©rĂŞts en jeu, la complexitĂ© de l’instance et les capacitĂ©s du parent, il se peut que le gouvernement soit obligĂ© de fournir Ă  un parent sans ressources des services d’avocats rĂ©munĂ©rĂ©s par l’État afin d’Ă©viter un risque inacceptable d’erreur dans la dĂ©termination de l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur des enfants. Le retrait de la garde d’un enfant par l’État a trait aux droits Ă  la sĂ©curitĂ© de la personne des parents et de l’enfant en vertu de l’article 7 de Charte.

Office des services Ă  l’enfant et Ă  la famille de Winnipeg c. K.L.W., [2000] 2 RCS 519, 2000 CSC 48 – L’apprĂ©hension en l’absence d’urgence sans autorisation judiciaire prĂ©alable est-elle valable au plan constitutionnel? Le retrait temporaire d’un enfant ne requiert pas d’autorisation judiciaire prĂ©alable dans les situations oĂą il y a prĂ©judice ou risque de prĂ©judice grave pour l’enfant, mais l’importance des intĂ©rĂŞts en jeu exige que la perturbation de la relation parents-enfant soit rĂ©duite le plus possible, et les principes de justice fondamentale nĂ©cessitent une audience Ă©quitable et prompte après l’apprĂ©hension. Le processus Ă©quitable dans le contexte de la protection des enfants doit tenir compte du fait qu’il faut parfois accorder la prioritĂ© Ă  leur vie et Ă  leur santĂ© lorsque la protection de ces intĂ©rĂŞts diverge de celle du droit des parents d’ĂŞtre Ă  l’abri de l’intervention de l’État.

C. c. Manitoba (Directeur des services Ă  l’enfant et Ă  la famille), [2009] 2 RCS 181, 2009 CSC 30 – Le directeur des services Ă  l’enfant et Ă  la famille est-il autorisĂ© Ă  ordonner un traitement mĂ©dical non dĂ©sirĂ© pour un adolescent en vertu de la Loi sur les services Ă  l’enfant et Ă  la famille du Manitoba? Bien qu’en contravention avec la libertĂ© de l’adolescent et la sĂ©curitĂ© de la personne, la dĂ©cision rendue a Ă©tĂ© conforme aux principes de justice fondamentale. La Cour a estimĂ© que l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant, en vertu de la loi manitobaine sur la protection de l’enfant, permet d’effectuer l’examen selon une Ă©chelle variable, l’opinion de l’enfant devenant de plus en plus dĂ©terminante selon sa maturitĂ©. La Cour a jugĂ© que l’interprĂ©tation de « l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant » Ă©tait compatible avec la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies.

SociĂ©tĂ© de soutien Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur gĂ©nĂ©ral du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2 – Est-ce que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (aujourd’hui Affaires autochtones et du Nord Canada) fournit des niveaux inĂ©quitables de financement du bien-ĂŞtre des enfants qui vivent dans une rĂ©serve, contrevenant ainsi Ă  l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne? Oui. Le tribunal a conclu que des enfants et des familles des Premières Nations vivant dans les rĂ©serves et au Yukon font l’objet d’une discrimination relativement Ă  la prestation de services Ă  l’enfance et Ă  la famille offerts par le gouvernement canadien. Plus particulièrement, ils sont dĂ©favorisĂ©s par la prestation des services et, parfois mĂŞme, privĂ©s de services en raison de l’action du gouvernement. La race ou l’origine nationale ou ethnique constitue un facteur ayant jouĂ© dans la prestation de services ayant dĂ©favorisĂ© les Premières Nations ou dans le refus de services.

Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2014 ONCJ 603; Hamilton Health Sciences Corp. v. D.H., 2015 ONCJ 229 – Un hĂ´pital peut-il prendre des dĂ©cisions dans le cas d’une enfant autochtone âgĂ©e de 11 ans lorsque sa mère dĂ©cide d’interrompre la chimiothĂ©rapie? La Cour a convenu avec l’hĂ´pital que l’enfant n’avait pas la capacitĂ© de prendre une telle dĂ©cision de vie ou de mort. La mère de l’enfant, qui agissait Ă  titre de dĂ©cideur substitut et qui a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un parent aimant, souhaitait un autre traitement, plus traditionnel. La demande de l’hĂ´pital a Ă©tĂ© rejetĂ©e, puisque la Cour a estimĂ© que l’article 35 de la Constitution protège le droit de la mère Ă  ce que son enfant soit traitĂ©e au moyen d’une mĂ©decine autochtone traditionnelle. Cependant, [Traduction] « la reconnaissance et la mise en Ĺ“uvre du droit de recourir Ă  des mĂ©decines traditionnelles doivent rester compatibles avec le principe selon lequel l’intĂ©rĂŞt supĂ©rieur de l’enfant doit demeurer une considĂ©ration primordiale ».

Brown v. Canada, [2014] O.J. No. 1128, 2014 ONSC 1583 (Cour div.) (l’autorisation d’interjeter appel a Ă©tĂ© accordĂ©e); [2014] O.J. No. 5739, 2014 ONSC 6967 (Cour div.) (l’appel a Ă©tĂ© rejetĂ©) – Dans une requĂŞte visant Ă  autoriser un recours collectif liĂ© Ă  la « rafle des annĂ©es soixante », la Cour a estimĂ© qu’il y avait matière Ă  recours collectif en lien avec la question suivante : « En Ontario, entre le 1er dĂ©cembre 1965 et le 31 dĂ©cembre 1984, lorsqu’un enfant autochtone Ă©tait placĂ© sous la garde de parents non autochtones ou adoptifs qui ne l’ont pas Ă©levĂ© conformĂ©ment aux coutumes, aux traditions et aux pratiques autochtones, la Couronne fĂ©dĂ©rale avait-elle, et a-t-elle enfreint, l’obligation de diligence de nature fiduciaire ou l’obligation de diligence en common law de prendre des mesures raisonnables afin d’empĂŞcher l’enfant de perdre son identitĂ© autochtone? ». Après divers appels et ajournements, l’affaire, au moment oĂą ces lignes sont Ă©crites, se poursuit par le truchement d’une motion pour jugement sommaire des demandeurs. L’argumentation se poursuivait toujours en dĂ©cembre 2016. Des procĂ©dures de recours collectif en lien avec la « rafle des annĂ©es soixante » ont Ă©galement Ă©tĂ© intentĂ©es en Colombie-Britannique, au Manitoba et en Saskatchewan.

J.T. v. Newfoundland and Labrador (Child, Youth and Family Services), 2015 NLCA 55 – Est-ce qu’une loi, qui interdit certaines conditions d’une ordonnance de garde continue, nommĂ©ment des conditions relatives aux visites, enfreint l’article 7 de la Charte? Dans cette affaire, le juge a estimĂ© qu’une ordonnance de garde continue est la seule avenue possible, Ă©tant donnĂ© les risques permanents auxquels les enfants Ă©taient exposĂ©s, en raison de l’incapacitĂ© de leur mère de mettre fin Ă  une relation de violence et Ă  une consommation de drogues. La Children and Youth Care and Protection Act a interdit l’accès aux enfants, moyennant des conditions, bien que l’accès fĂ»t appropriĂ© dans les circonstances. Lors de l’appel, il a Ă©tĂ© Ă©tabli que la disposition enfreignait l’article 7 de la Charte et qu’elle ne pouvait pas ĂŞtre lĂ©gitimĂ©e par l’article premier de la Charte, puisqu’elle interdisait l’accès aux enfants, mĂŞme dans leur intĂ©rĂŞt supĂ©rieur. Divers articles de la Convention ont Ă©galement Ă©tĂ© examinĂ©s. Le refus opposĂ© Ă  un parent de voir son enfant concerne Ă  la fois les droits du parent et de l’enfant en vertu de l’article 7 de la Charte.

Pour obtenir d’autres extraits de dĂ©cisions, y compris d’importantes dĂ©cisions rendues par des tribunaux provinciaux et territoriaux, ainsi qu’une analyse des droits de l’enfant, prière de consulter le document d’information sur la protection des enfants rĂ©digĂ© par Caterina Tempesta et Jennifer Shaften et les autres ressources mentionnĂ©es plus bas.

Considérations spéciales

  • La recherche d’un Ă©quilibre en apparence entre des droits et des intĂ©rĂŞts conflictuels est courante dans les dossiers relevant de la protection de l’enfance : les enfants ont Ă  la fois le droit d’ĂŞtre Ă©levĂ©s dans et par leurs familles naturelles et le droit Ă  la protection de l’État lorsque leur niveau de soins est en deçà de normes minimales.
  • La promotion des droits de participation de l’enfant, en vertu de l’article 12 de la Convention est essentielle, puisqu’il n’y a pas de garantie lĂ©gale que les enfants seront entendus dans tous les cas et, mĂŞme si leurs points de vue sont pris en considĂ©ration en tant que facteur dans une analyse de son intĂ©rĂŞt supĂ©rieur, les processus permettant d’entendre les points de vue des enfants et de les prĂ©senter devant un tribunal varient.
  • Contextualisez la Convention Ă  l’intĂ©rieur du droit interne afin de dĂ©terminer si un texte lĂ©gislatif est conforme Ă  la Convention. MĂŞme si c’est le cas, examinez si les tribunaux se conforment Ă  la promotion et Ă  la protection de l’importance de la place de l’enfant au sein de sa famille, au droit de l’enfant de connaĂ®tre sa famille et le droit de ne pas ĂŞtre sĂ©parĂ© arbitrairement de sa famille en vertu de la Convention.
  • Tenez compte des antĂ©cĂ©dents culturels d’un enfant afin d’Ă©tablir comment son identitĂ© culturelle peut ĂŞtre touchĂ©e par une sĂ©paration de sa famille et de sa collectivitĂ©.
  • PrĂŞtez tout particulièrement attention aux droits et aux intĂ©rĂŞts des enfants autochtones et des enfants issus de minoritĂ©s qui sont surreprĂ©sentĂ©s dans le système de protection de l’enfance :
    • La non-discrimination, ainsi que le droit de l’enfant Ă  sa culture, Ă  sa religion et Ă  sa langue sont Ă©noncĂ©s dans les articles 2 et 30 de la Convention et dans d’autres instruments internationaux portant sur les droits de l’homme, comme la DĂ©claration sur les droits des peuples autochtones (des Nations Unies).
    • Certaines mesures lĂ©gislatives relatives Ă  la protection de l’enfant prĂ©voient que les services offerts aux enfants autochtones et Ă  leurs familles doivent reconnaĂ®tre leur culture, leur patrimoine et leurs traditions, ainsi que le concept de famille Ă©largie.
    • Étant donnĂ© les rĂ©percussions du colonialisme, des pensionnats autochtones et la « rafle des annĂ©es soixante », le besoin de services culturellement adaptĂ©s et la reconnaissance de la place des enfants autochtones au sein de leurs collectivitĂ©s sont comme des lentilles qui permettent de se reprĂ©senter les droits des enfants autochtones.
  • Soyez conscient des consĂ©quences de l’âge d’un enfant :
    • Au sens de la Convention, un enfant s’entend de tout ĂŞtre humain âgĂ© de moins de 18 ans, sauf si la majoritĂ© est atteinte plus tĂ´t en vertu de la loi qui lui est applicable.
    • Les variantes rĂ©gionales ont une incidence sur la disponibilitĂ© et la prestation des services de protection de l’enfant. En Ontario, un enfant doit ĂŞtre âgĂ© de moins de 16 ans lors de l’engagement initial d’un organisme de protection de l’enfance (paragraphe 37(1) de la Loi sur les services Ă  l’enfance et Ă  la famille, L.R.O. 1990, chap. C.11; en Colombie-Britannique, des services de protection peuvent ĂŞtre fournis jusqu’Ă  l’âge de 19 ans, conformĂ©ment Ă  l’article premier de la Child, Family and Community Service Act, [RSBC] Ch. 46.
    • Les distinctions fondĂ©es sur l’âge sont pertinentes dans le cas des mineurs non accompagnĂ©s, dont la capacitĂ© d’avoir accès aux services et aux soins d’un bureau de protection de l’enfance sera dictĂ©e par le port d’entrĂ©e des enfants au moment de leur arrivĂ©e au Canada.

Pratiques essentielles

  • Pensez aux droits de l’enfant de manière gĂ©nĂ©rale et aux droits individuels de votre client-enfant de manière particulière.
  • Encouragez et protĂ©gez les droits de votre client-enfant lorsque l’État intervient pour le protĂ©ger de sa famille.
  • Distinguez un « intĂ©rĂŞt » d’un « droit », en particulier quand ils sont divergents.
  • Contextualisez la Convention dans l’optique de la protection de l’enfance et rĂ©fĂ©rez-vous aux articles pertinents dans vos prĂ©sentations orales et Ă©crites. Par exemple, en plus d’avoir le droit d’ĂŞtre protĂ©gĂ©s contre toutes les formes de violence, les enfants sĂ©parĂ©s de leur famille ont le droit d’entretenir rĂ©gulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec leurs deux parents, sauf si cela est contraire Ă  leur intĂ©rĂŞt supĂ©rieur; le droit d’ĂŞtre entendus, le droit d’avoir leur propre vie culturelle, de pratiquer leur religion et d’utiliser leur langue; le droit de recevoir une Ă©ducation qui correspond Ă  leurs aptitudes ou habiletĂ©s; le droit d’obtenir des soins mĂ©dicaux et dentaires (santĂ©); ainsi que le droit de participer Ă  des activitĂ©s rĂ©crĂ©atives et sportives convenant Ă  leurs aptitudes et Ă  leurs intĂ©rĂŞts (voir la sous-section 4.3.1 du droit international plus haut).
  • Examinez les observations gĂ©nĂ©rales du ComitĂ© des droits de l’enfant (voir les sous-sections du droit international, des sources d’interprĂ©tation et le Cadre obligatoire).
  • DĂ©terminez si les droits Ă©noncĂ©s Ă  l’article 7 de la Charte sont concernĂ©s lorsqu’un bureau de protection de l’enfance :
    • sĂ©pare un enfant de ses parents;
    • a mis fin Ă  l’accès de l’enfant Ă  un de ses parents ou Ă  un autre membre de sa famille;
    • agit contre les principes de justice fondamentale (absence d’une audience en temps opportun, absence de reprĂ©sentation juridique, etc.).
  • Examinez la possibilitĂ© d’une reprĂ©sentation juridique indĂ©pendante pour l’enfant. Est-ce que la loi applicable sur le bien-ĂŞtre de l’enfant le prĂ©voit? Si oui, un argument en faveur d’une reprĂ©sentation juridique financĂ©e par l’État peut-il ĂŞtre invoquĂ©?
  • RĂ©flĂ©chissez Ă  d’autres moyens de communiquer le point de vue de votre client-enfant devant le tribunal, compte tenu de son âge et de son degrĂ© de maturitĂ© (par exemple, un rapport sur le point de vue de l’enfant, une Ă©valuation, les Ă©lĂ©ments de preuve d’un travailleur social, une entrevue de l’enfant par le tribunal, les Ă©lĂ©ments de preuve de l’enfant).
  • Explorez le point de vue de l’enfant sur des modes de vie possibles, y compris des solutions de rechange aux soins de l’État (parentĂ© ou plans communautaires), ainsi que les personnes avec qui il souhaite entretenir des liens s’il est sĂ©parĂ© de son milieu familial. Assurez-vous de prĂ©senter le point de vue de l’enfant devant le tribunal.
  • Conseillez l’enfant sur la viabilitĂ© de tout autre plan proposĂ© et des arrangements de visite. Explorez le point de vue de l’enfant sur les plans de rechange, s’il est peu probable qu’un tribunal appuie la position de l’enfant. Explorez aussi les conditions ou les modalitĂ©s qui peuvent attĂ©nuer le risque (par exemple, des plans de sĂ©curitĂ©, la supervision de l’accès de l’enfant Ă  ses parents par une tierce partie, un counseling ou d’autres programmes offerts aux parents ou Ă  l’enfant).
  • Examinez l’aptitude et le consentement de l’enfant Ă  recevoir des avis et soyez prĂ©sent lors de l’audience de protection de l’enfant (par exemple, voir les paragraphes 39(4), (5) et (6) de la Loi sur les services Ă  l’enfance et Ă  la famille, L.R.O. 1990, chap. C.11, de l’Ontario.
  • Expliquez les procĂ©dures Ă  l’enfant en employant un langage qu’il comprend – cela peut consister Ă  lui expliquer des documents de procĂ©dure ou des Ă©valuations en tenant compte de son âge, de son degrĂ© de maturitĂ© et de son dĂ©veloppement cognitif.
  • Examinez le droit de l’enfant de participer Ă  l’Ă©laboration de plans de soins ou de services.
  • Entretenez des contacts rĂ©guliers avec l’enfant pour pouvoir aborder de manière opportune les questions concernant le placement, les liens avec des personnes importantes, l’accès aux services requis (le counseling), des programmes Ă©ducatifs appropriĂ©s et la participation de l’enfant Ă  des activitĂ©s rĂ©crĂ©atives ou autres.
  • Examinez le droit de l’enfant de participer Ă  l’Ă©laboration d’un plan de placement permanent, s’il ne peut pas ĂŞtre de nouveau confiĂ© aux soins de ses parents ou Ă  des tuteurs prĂ©cĂ©dents, y compris des plans pour des soins permanents de l’État, l’adoption, des soins conformes aux traditions, des soins dispensĂ©s par des membres de la parentĂ©, d’autres arrangements relatifs Ă  la garde ou des transitions vers une vie autonome.
  • Dans le cas des adolescents en transition vers l’âge adulte ou une vie autonome, examinez les mesures de soutien disponibles auprès de bureaux de protection de l’enfance (soutien financier, logement, bourses d’Ă©tudes, prestations pour soins mĂ©dicaux, etc.).
  • Surveillez les Ă©chĂ©anciers et leur incidence sur l’enfant, y compris les Ă©chĂ©anciers prĂ©vus par la loi pour diverses Ă©tapes dans le processus judiciaire, en particulier ceux liĂ©s au besoin d’un placement permanent (c’est-Ă -dire les limites des prises en charge temporaires), l’ajournement des dates prĂ©vues pour l’audience et les rĂ©percussions sur l’enfant des retards dans le processus de prise de dĂ©cisions.
  • Examinez les possibilitĂ©s moins dĂ©rangeantes (comme des services de bĂ©nĂ©volat ou des services de prĂ©vention ou communautaires plutĂ´t que des soins en Ă©tablissement, la possibilitĂ© d’un processus de règlement extrajudiciaire plutĂ´t que des procĂ©dures judiciaires, etc.).
  • Examinez la vie privĂ©e de l’enfant en ce qui concerne ses renseignements personnels, ainsi que sa participation aux dĂ©cisions sur l’accès Ă  cette information et l’Ă©change d’information.
  • Informez l’enfant sur toute plainte dĂ©posĂ©e ou les mĂ©canismes d’examen concernant les services fournis par un bureau de protection de l’enfance, y compris les services d’un dĂ©fenseur ou d’un ombudsman.
  • Examinez les rĂ©percussions du recoupement de procĂ©dures ou de questions (Loi sur le système de justice pĂ©nale pour les adolescents, droit de la famille et statut d’immigrant) et la manière dont une ordonnance Ă©tablie dans le contexte de la protection de l’enfance, ou vice versa, peut avoir une incidence sur les droits de l’enfant. Établissez des liens ou consultez un conseiller en droit criminel ou en immigration.

Dans le cas des enfants autochtones

  • Voir la section « Enfants autochtones » pour obtenir un aperçu.
  • Examinez les rĂ©percussions du colonialisme, des pensionnats autochtones et de « la rafle des annĂ©es soixante » sur les familles autochtones, les effets des traumatismes intergĂ©nĂ©rationnels et les relations subsĂ©quentes avec les systèmes de protection de l’enfance.
  • Les Autochtones doivent avoir le droit de fournir leurs propres services Ă  l’enfance et Ă  la famille, dans toute la mesure du possible, et tous les services offerts aux enfants autochtones doivent reconnaĂ®tre leur culture, leur patrimoine, leurs traditions et le concept de famille Ă©tendue.
  • Le nombre d’organismes des services Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations dĂ©lĂ©guĂ©s (par les provinces) s’est accru au cours des dernières annĂ©es afin d’offrir des services plus culturellement adaptĂ©s aux enfants autochtones pris en charge. NĂ©anmoins, examinez les inĂ©galitĂ©s de financement auxquelles ces organismes sont confrontĂ©s, alors que leurs employĂ©s ont souvent une charge de travail plus grande, travaillent plus d’heures et disposent de ressources moindres que les employĂ©s d’autres organisations (Fact Sheet – Child Welfare, octobre 2013, AssemblĂ©e des Premières nations). En Alberta, les enfants risquent davantage de dĂ©cĂ©der dans un foyer d’un organisme des services Ă  l’enfance et Ă  la famille des Premières Nations dĂ©lĂ©guĂ© que dans tout autre système de placement familial (Deaths of Alberta Children in Care No Fluke of Statistics, Darcy Henton, Calgary Herald, 8 janvier 2014).
  • Consultez (et assurez-vous que les bureaux de protection de l’enfance consultent) la bande ou la collectivitĂ© Ă  laquelle l’enfant appartient au sujet des services et des placements culturellement adaptĂ©s.
  • Examinez les solutions privilĂ©giĂ©es de soins conformes aux traditions et de soins dispensĂ©s par des membres de la parentĂ©, en les comparant aux placements en Ă©tablissement, dans l’Ă©ducation des enfants et des adolescents des Premières nations, des MĂ©tis, des Inuit et des Autochtones vivant en milieu urbain.
  • Si un enfant est placĂ© Ă  l’extĂ©rieur de sa collectivitĂ©, assurez-vous que les bureaux de protection de l’enfance veillent Ă  ce qu’il ait accès Ă  des liens culturels et communautaires.
  • Examinez les rapports qui tiennent compte des facteurs Ă©noncĂ©s dans l’affaire Gladue, et ce, dans le contexte de la protection de l’enfance.

Ressources

Background Documents

Precedents - Pleadings, Facta

  • A.C. c. Manitoba (Director of Child and Family Services), 2009 CSC 30 [2009] 2 R.C.S. (MĂ©moire de l'intervenant, Justice for Children and  Youth) en ligne.
  • Catholic Children’s Aid Society of Toronto v. S.S.B., [2013] O.J. No. 6117, 2013 ONSC 7087 (Notice of Constitutional Question of the Children’s Lawyer for Ontario).
  • B.M and M.M. v. Dilico Anishinabek Family Care, Child and Family Services Review Board, Court File No. 15-0027 (Notice of Constitutional Question of the Children’s Lawyer for Ontario).
  • Factum of the Children’s Lawyer for Ontario in Children’s Lawyer v. N.N.D., [2014] O.J. No. 6396 (O.C.J.)

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