Le bureau national de l'ABC sera fermé du 23 décembre 2025 au 1er janvier 2026 (inclusivement), et reprendra ses activités le 2 janvier 2026.

Skip to main content

Réussites et enjeux en matière de droits reproductifs

30 mai 2024

Le Forum des avocates de l’Association du Barreau canadien (ABC) a de quoi célébrer cette Journée internationale des femmes. La nomination de l’honorable Mary T. Moreau à la Cour suprême du Canada le 6 novembre 2023 a marqué une étape importante dans l’histoire de notre pays : c’est la première fois que la plus haute cour au Canada compte une majorité de femmes juges en son sein, dont quatre sont présentées dans la galerie en ligne Madame la juge du Forum des avocates.

En outre, le 8 février 2024, les membres de l’ABC ont adopté une résolution importante proposée par le Forum des avocates concernant les droits à l’avortement au Canada. Avec cette résolution, l’ABC s’est officiellement engagée à s’opposer à tout effort visant à restreindre les droits et l’accès à l’avortement au Canada, et s’est engagée à travailler avec les gouvernements et les autres intervenants pour étendre l’accès à l’avortement à travers le pays.

Cependant, comme l’a souligné Alexia Korberg dans son discours d’ouverture lors de la Conférence du Forum des avocates de l’ABC en novembre 2023, et comme le montre la décision de la Cour suprême des États-Unis dans l’affaire Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, No. 19-1392, 597 U.S. 215 (2022), où la Cour a statué que la Constitution américaine ne confère pas un droit à l’avortement, le statu quo, notamment en ce qui concerne les droits des femmes, n’est pas garanti.

Le 14 novembre 2023, le Forum des femmes juristes de la Division du Québec a réuni la Dre Geneviève Bois, professeure adjointe de clinique à la Faculté de médecine, département de médecine de famille et de médecine d’urgence de l’Université de Montréal, la professeure Louise Langevin, Ad E., de la Faculté de droit de l’Université Laval, et Me Françoise Girard, directrice générale de Feminism Makes us Smarter (« Féministes et futé.e.s ») (FMUS.org), pour une discussion franche sur l’état de la situation des droits à l’avortement et d’autres droits en matière de reproduction au Québec et au Canada. Le programme a été animé par Me Andrée-Anne Labbé, membre du comité exécutif du Forum des femmes juristes de la Division du Québec.

Me Girard a souligné que l’arrêt Dobbs est extrêmement préoccupant, avec des implications graves qui se font ressentir au-delà des droits à l’avortement. Elle a ouvert la voie aux États de promulguer des lois restrictives et a déjà entraîné des changements significatifs. Me Girard a mis en exergue le fait que quinze États avaient soit totalement interdit l’avortement, soit imposé des restrictions dès les six premières semaines de grossesse, ce qui affecte de manière disproportionnée des millions de personnes contraintes de parcourir de longues distances pour accéder aux services d’avortement. Elle a également abordé la manière dont ces lois ciblent les prestataires de soins de santé en imposant des sanctions sévères, allant jusqu’à la perte de licences professionnelles. Me Girard a condamné l’utilisation de dispositions sur les chasseurs de primes dans certains États qui encouragent les citoyens et citoyennes à signaler les prestataires de services d’avortement suspects en offrant des récompenses financières, soulignant que de telles lois sapent non seulement les droits en matière de reproduction, mais également la cohésion sociale en encourageant la surveillance et l’interférence avec le droit à la vie privée.

En ce qui concerne l’accès à la pilule abortive, la Dre Bois a souligné que les pilules abortives gagnent en popularité, notamment aux États-Unis après l’arrêt Dobbs, où elles représentent aujourd’hui 55 % des avortements. Les consultations en télémédecine et les options de livraison discrète ont également aidé à contourner les mesures restrictives et à offrir une bouée de sauvetage aux personnes confrontées à des obstacles aux soins en personne. La Dre Bois a ajouté que certains États, comme le New York, ont promulgué une loi pour protéger les droits à l’avortement et garantir la sécurité des prestataires de soins de santé dans le pays et de ceux fournissant des services de télémédecine à partir d’autres endroits.

En ce qui concerne le Canada, la professeure Langevin a souligné qu’il n’y a actuellement aucune loi criminalisant l’avortement, grâce à plusieurs décisions de la Cour suprême du Canada, qui ont établi l’autonomie reproductive comme un droit protégé, notamment dans l’affaire Tremblay c. Daigle, [1989] 2 RCS 530. Bien qu’une intervention législative soit théoriquement possible, la professeure Langevin a insisté sur le fait que l’absence de telles lois est ce qui a réellement préservé les droits à l’avortement au Canada, renforçant ainsi l’idée que « toute loi sur l’avortement est une mauvaise loi ».

Le dépôt récent au parlement du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance-médicaments par l’honorable Mark Holland, ministre de la Santé, constitue une avancée majeure dans l’amélioration de l’accès à la contraception au Canada. Le projet de loi vise à offrir une couverture universelle pour une gamme de médicaments et de dispositifs de contraception et de traitement du diabète afin de contribuer à surmonter les obstacles financiers qui affectent de manière disproportionnée les femmes et les personnes de diverses identités de genres. Bien que nous accueillions chaleureusement et célébrions cette avancée monumentale, la situation aux États-Unis nous sert de rappel brutal que la vigilance demeure essentielle pour la protection des droits des femmes.


Angela Ogang est une avocate bilingue, membre du Barreau de l’Ontario et du Barreau du Kenya.