Quel a été votre cheminement dans le monde du droit et de la magistrature?
Je ne suis pas quelqu’un qui a grandi en pensant un jour devenir avocate. Mes passions ont toujours été avant tout la musique et le théâtre. En tant que jeune adulte, j’aspirais à devenir sage-femme. Cependant, je suis une Canadienne d’origine guyanienne de première génération et l’aînée de ma fratrie. Le désir de mes parents et l’ambition qu’ils avaient pour leurs enfants y sont pour beaucoup dans mon cheminement dans le domaine du droit.
Après l’obtention de mon diplôme universitaire, j’ai décidé de me diriger vers ce qui m’intéressait vraiment à l’époque. Puisque la culture française me passionnait, je me suis inscrite à un cours intensif d’immersion française à McGill et j’ai déménagé à Montréal. Mon père était ravi. Il a entendu « français » et il a entendu « Université McGill ». Mon intention était de rester à Montréal, mais le marché du travail et mes capacités linguistiques en français, bonnes mais pas géniales, ont contrecarré ce projet. Je suis retournée à Toronto et j’ai commencé à travailler à temps plein comme travailleuse sociale. Au cours de cet emploi, j’ai réalisé deux choses : le travail dans le secteur de l’assistance sociale n’était pas la carrière à long terme idéale pour moi, et un diplôme en droit pourrait m’ouvrir des portes et me permettre de parvenir à mes fins. Je pourrais conjuguer un diplôme en droit avec ma passion pour les arts (droit du divertissement). J’ai fait du bénévolat à la réception d’un service de conseils juridiques pour artistes, qui offrait des conseils sommaires à des artistes de toutes les disciplines, et j’ai décidé de présenter ma candidature à la faculté de droit.
Mon intérêt pour le droit du divertissement a diminué à mon arrivée à la faculté de droit, principalement parce que je me suis rendu compte qu’il s’agissait en fait de droit contractuel spécialisé. Quand j’ai quitté la faculté, j’ai fait un stage en droit civil, qui m’a permis d’acquérir une expérience plus diversifiée. Le droit pénal a commencé à m’attirer pendant mes stages et dans des causes qui entretenaient un certain lien avec ce domaine du droit.
Vous m’interrogez sur mon cheminement dans le domaine de la magistrature. Après environ dix ou onze ans comme avocate, quelques juges m’ont encouragée à présenter ma candidature à la magistrature. J’étais flattée, car je n’avais jamais envisagé cette possibilité et je ne connaissais aucun juge, et j’avais l’impression de pouvoir apporter ma contribution en travaillant au service du public dans un tel rôle. J’ai présenté ma candidature à quelques reprises sur une période de quelques années, j’ai été convoquée à une entrevue presque chaque fois, mais je n’ai jamais été choisie pour une nomination. J’étais découragée. Le processus de candidature est ardu. Il n’y a pas de rétroaction lorsque vous n’êtes pas la candidate retenue, et vous savez seulement que vous n’avez pas réussi lorsque vous apprenez la nomination de quelqu’un d’autre. J’ai cessé de présenter ma candidature pendant quelques années et après un certain temps, encore une fois à la suite d’encouragements, j’ai décidé de tenter à nouveau ma chance en présentant ma candidature à la Cour de justice de l’Ontario. J’éprouve toujours de la reconnaissance à l’égard des juges Larry Feldman et Tim Lipson, qui m’ont encouragée et soutenue tout au long de ce processus. Lors de ma nomination, je travaillais sur une occasion de détachement de mon poste de procureure adjointe de la Couronne, à titre de directrice intérimaire du sous-procureur général adjoint. J’étais avocate depuis dix-huit ans.
Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?
J’ai pu observer que les juristes les plus convaincants et les plus efficaces sont ceux qui sont préparés, polis, civils et respectueux. Il est important que vous écoutiez le tribunal, votre client, le témoin, l’avocat de l’autre partie, et que vous posiez des questions ou recouriez à des arguments qui répondent à ce qui est dit. Selon moi, la capacité à s’adapter et à s’ajuster rapidement est ce qui caractérise les juristes de niveau supérieur. Il est important que vous soyez prêt à aider le tribunal. L’assistance peut se présenter sous la forme de mémoires sur des questions juridiques de fond, mais aussi lorsque vous présentez des documents à la cour qui sont organisés et facilement accessibles.