J’étais un enfant costaud qui est devenu un adulte costaud. Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, « costaud » est une façon polie de dire « gros ». Le plus grand mensonge fait aux enfants costauds est celui des vêtements portant l’étiquette « One size fits all » ou « Taille unique », qui laisse croire que le vêtement peut faire à tout le monde. Au mieux, le vêtement est énorme, bouffant, informe, ajusté à peu près comme une tente familiale. Au pire, vous restez coincé après avoir essayé d’étirer le vêtement pour l’adapter à votre forte constitution. Le résultat, comme en témoignent certaines photos de moi au secondaire, est parfois vraiment horrible. En d’autres termes, il est totalement faux de prétendre qu’une taille unique peut convenir à tous.
L’équivalent juridique de la taille unique est la peine minimale obligatoire. Au mieux, la peine minimale obligatoire répond à peu près aux objectifs généraux de dénonciation et de dissuasion. Je dis « `à peu près » parce qu’un nombre aléatoire de mois ou d’années ne répond jamais vraiment aux caractéristiques aggravantes spécifiques d’une peine. Au pire, la peine minimale obligatoire est excessive : les mois ou les années imposés ignorent toute circonstance atténuante et ne sont pas proportionnels aux facteurs aggravants.
Le projet de loi C-5 est un premier pas dans la bonne direction pour corriger cette approche rigide en matière de peine. Il accorde aux juges le pouvoir d’individualiser la peine pour y englober la dénonciation, la dissuasion, le sens des responsabilités, la réhabilitation et la justice réparatrice. Pour reprendre les mots d’un député : « Tout acte de gentillesse envers les gens, quelle que soit leur situation sociale, affirme la dignité humaine qui est inhérente à chacun d’entre nous1. » Soulignons que l’élimination d’une peine minimale obligatoire ne signifie pas que les personnes commettant des infractions exigeant qu’une peine soit purgée dans un établissement de détention provincial ou dans un pénitencier fédéral2 ne l’obtiendront pas. Cela signifie simplement que lorsque l’infraction n’exige pas une peine d’emprisonnement, la loi ne l’exigera pas non plus.
Ironiquement, le même député qui préconisait la gentillesse envers les autres laisse entendre aujourd’hui que le projet de loi C-5 fait preuve d’une trop grande tolérance à l’égard de la criminalité et qu’il « ne ferait qu’atténuer les punitions et diminuer la responsabilité imputée aux contrevenants qui commettent des crimes violents avec une arme à feu et [aux] trafiquants de drogue3 ». Au mieux, il s’agit d’une rhétorique cynique et incendiaire visant à faire croire aux gens que le fait de donner un pouvoir discrétionnaire aux juges libérera une horde de maraudeurs frénétiques errant dans nos rues et pillant à volonté. Au pire, il s’agit de l’opinion d’une personne qui ignore complètement comment les peines sont déterminées dans les tribunaux de ce pays.
La vérité est que le projet de loi C-5 ne fera RIEN pour réduire la responsabilité des auteurs de crimes violents commis avec des armes à feu et des trafiquants de drogue. Ces personnes vont déjà en prison, et généralement pour plus longtemps que ne le prévoient les peines minimales obligatoires. Après l’adoption du projet de loi, elles continueront d’aller en prison, et pour la même durée qu’avant l’adoption du projet de loi. Ce que le projet de loi C-5 fera, en revanche, c’est permettre l’imposition de peines appropriées lorsque la situation exige de faire preuve de clémence envers les gens, quelle que soit leur situation sociale, affirmant la dignité humaine inhérente à chacun d’entre nous. Je vous en prie, faites cesser cette rhétorique et faites avancer le projet de loi C-5.
Jody Berkes est un criminaliste qui aime les vêtements décontractés. Ses opinions n’appartiennent qu’à lui, bien qu’il considère que les autres devraient les adopter aussi.
Notes de fin
2 Les peines d’emprisonnement inférieures à deux ans sont purgées dans un établissement de détention provincial; les peines supérieures à deux ans, dans un pénitencier fédéral.