Quel cheminement vous a mené au monde du droit et à la magistrature?
Le droit ne figurait pas dans mes plans avant ma dernière année au premier cycle. J’étudiais alors en génie avec spécialisation en physique à l’Université de Toronto. J’aimais le domaine, mais ce n’était pas toute ma vie, contrairement à mes camarades de classe. J’enviais leur passion. Je cherchais la mienne. J’ai postulé dans le secteur. J’ai considéré le cycle supérieur. Puis, quelqu’un, je ne me souviens pas qui, m’a suggéré de devenir avocate spécialisée en brevets d’invention. L’idée m’a semblé aussi bonne qu’une autre, alors j’ai passé le LSAT et postulé à la faculté de droit, où j’ai été acceptée un peu avant le début de l’année scolaire. C’est là qu’est née ma passion pour le droit pénal. Le mérite – ou le blâme, selon votre perspective – revient au juge Michael Code (fonction qu’il occupe du moins aujourd’hui), qui a été mon professeur de droit pénal en première année, de procédure pénale en deuxième année et de déontologie du droit en troisième année. J’ai fait un stage au Bureau des avocats et des avocates de la Couronne – droit criminel du ministère du Procureur général à mon deuxième été comme étudiante en droit, après quoi j’ai été commis aux services juridiques à la Cour d’appel de l’Ontario, procureure adjointe de la Couronne dans la région de Peel, avocate de la défense à Toronto (brièvement), et avocate de la Couronne au Bureau des avocats et des avocates de la Couronne – droit criminel pendant une dizaine d’années avant d’être nommée à la Cour de justice de l’Ontario. C’est une véritable bénédiction que quelque chose d’aussi mal planifié ait si bien tourné… J’ai été excessivement chanceuse.
Quelle expérience de votre carrière juridique vous a le mieux préparée à votre travail au sein de la magistrature?
Je ne suis pas certaine de pouvoir parler que d’une seule expérience. Lorsque j’étais commis pour les juges Armstrong, Doherty et LaForme à la Cour d’appel de l’Ontario et que je plaidais devant la Cour de justice de l’Ontario à Brampton, j’ai découvert comment les juges peuvent servir leur communauté en instruisant de façon équitable et en tranchant de manière impartiale les affaires pénales. J’ai aussi constaté comment ils portent le fardeau de juger un autre être humain avec dignité, justice et compassion. Grâce à mon travail au Bureau des avocats et des avocates de la Couronne – droit criminel, j’ai acquis une vaste expérience en droit pénal sur la phase précédent la mise en accusation et celles du procès et de l’appel, et j’ai appris à trouver, assimiler et condenser rapidement de grandes quantités d’informations. Mes fonctions de procureure adjointe de la Couronne et d’avocate de la défense m’ont enseigné que le droit pénal est profondément humain : émotionnellement complexe, parfois délicat, invariablement captivant et toujours important. La combinaison de ces expériences est à l’origine de qui je suis, personnellement et professionnellement.
Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?
J’ai deux conseils; un spécifique, l’autre général.
Le premier pourrait faire l’objet d’une longue discussion ultérieurement. Je le donne parce que j’ai dépensé beaucoup d’énergie à m’interroger sur mon identité et ma place dans la profession juridique ainsi qu’à disséquer chaque interaction m’ayant fait remettre en question mon appartenance à ce milieu ou ma compétence. À toutes les personnes qui s’engagent dans cette spirale : ce n’est pas que vous, et vous n’êtes pas seules. Vous savez ce que vous ressentez. Dites-le. Admettez-le. Dépassez-le. Mais ne l’ignorez pas et ne l’oubliez pas. Et si un jour vous constatez cette détresse chez quelqu’un d’autre et que vous êtes en mesure d’agir, faites-lui savoir que vous le voyez et que vous avez déjà été dans ses souliers.
Mon conseil général est en fait tiré du meilleur compliment que j’ai reçu quand j’étais avocate plaidante et c’est quelque chose que j’ai toujours cherché à appliquer par la suite : « Éviter le superflu ». Si le texte phare du juge Laskin « Forget the Wind-Up and Make the Pitch » porte sur la défense des droits à l’écrit, on peut aussi en tirer beaucoup de leçons sur la plaidoirie. Tout ce que vous dites à la cour doit mener au règlement juste et approprié de l’affaire. Évitez le côté théâtral et les opinions. Contentez-vous d’exprimer vos demandes et d’expliquer pourquoi la loi dit que vous y avez droit.
Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?
Le système de justice regorge de personnes passionnées qui travaillent fort pour réellement offrir à la population un service de qualité. Les institutions et les systèmes ne changent pas du jour au lendemain, ce qui pousse naturellement au cynisme. Mais nous luttons toutes et tous pour la justice malgré l’imperfection humaine. Je crois qu’il s’agit d’une noble cause dans laquelle nous – les participantes et les participants au système de justice aussi bien que le public – avons un rôle indispensable à jouer.