Quel cheminement vous a mené au monde du droit et à la magistrature?
Le mien a pris la forme d’un itinéraire tortueux. J’ai grandi dans la musique : j’ai étudié en France et au Conservatoire royal de musique et j’ai passé des étés avec les Jeunesses Musicales au Centre d’arts Orford, au Québec. J’ai obtenu un diplôme en interprétation au piano et la médaille d’argent en chant au Conservatoire avant d’entrer à l’université.
J’ai fréquenté l’Université de Montréal, où j’ai obtenu un baccalauréat en interprétation chant classique, avant de déménager en Italie pour poursuivre mes études musicales. Ce fut une période merveilleuse où je me suis immergée dans le son et dans l’exploration de l’expression musicale et où j’ai pu jouer avec d’autres dans des opéras et des concerts.
Mais comme interprète, j’avais passé très peu de temps à écrire, à résoudre des problèmes, à faire des exercices intellectuels et à passer des examens écrits. Les études en droit ont donc été à la fois un défi et l’occasion d’élargir mes horizons. Je me considère très chanceuse d’avoir eu la possibilité de relever ces nouveaux défis.
J’ai obtenu mon diplôme à la Faculté de droit de l’Université Queen’s, une petite faculté accueillante et chaleureuse où j’ai été initiée aux notions juridiques. Dans ma pratique, je me suis concentrée sur les médias et le divertissement, la propriété intellectuelle, le droit du commerce international et les arbitrages internationaux. J’ai aussi participé à quelques dossiers portant sur les droits linguistiques des francophones. J’ai exercé le droit en français et en anglais. Mon travail d’avocate m’a permis de développer mes compétences analytiques et mon esprit d’équipe, qui m’ont été très utiles à la magistrature.
J’ai eu la chance de pouvoir compter sur beaucoup de gens tout au long de mon parcours pour m’aider, m’encourager et m’offrir des occasions de me développer et d’apprendre.
Quelle expérience de votre carrière juridique vous a le mieux préparé à votre travail au sein de la magistrature?
Écrire, écrire et encore écrire, assister à des audiences pour constater l’importance de la courtoisie, de l’exploration d’idées, et de l’apprentissage du travail en équipe – des compétences importantes que j’ai développées comme avocate, que j’ai ensuite renforcées et que je renforce toujours comme juge.
En tant que mère, épouse et juriste, j’ai également compris l’importance d’écouter, de réfléchir et d’être prête à changer d’avis ou à voir les choses sous un autre angle. Et aussi l’importance du contexte et de la perspective dans laquelle on se tient. Ce sont des choses que j’essaie de me rappeler régulièrement.
Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?
J’ai quelques conseils à donner :
- Rien ne remplace la préparation. La préparation permet de se sentir en confiance, de mieux répondre aux questions des juges et de traiter une tonne d’informations pour développer une compréhension claire de son dossier et mettre ses arguments en perspective.
- Il ne faut pas perdre de vue son auditoire. Vous êtes là pour aider le tribunal à comprendre les questions que vous soulevez, le redressement que vous réclamez et les raisons pour lesquelles le tribunal peut et doit accorder ce redressement.
- La courtoisie est essentielle. Elle suscite le respect pour la profession à laquelle vous avez la chance d’appartenir, elle vous permet d’être plus convaincant et elle permet à votre auditoire de se concentrer sur votre plaidoirie sans être distrait par des querelles entre avocats.
- Nous sommes tous là pour servir le public. Tout ce que nous faisons et disons peut influer sur la perception que le public a de notre système de justice.
Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?
Dans un monde de plus en plus fracturé, avec tous les défis auxquels nous sommes confrontés, je souhaite que le public comprenne à quel point notre système de justice est important pour garantir l’équité, défendre la liberté et les droits individuels, protéger le public et assurer la survie de notre précieuse démocratie.
J’aimerais aussi que les minorités francophones hors Québec connaissent mieux leur droit à des procédures bilingues ou en français et qu’elles cherchent à l’exercer davantage.