L'honorable Julie Lloyd

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Quel a été votre cheminement dans le monde du droit et de la magistrature?

J’ai grandi à Fort McMurray, en Alberta, une ville de pétrole. Peu de gens sont allés à l’université, car des emplois bien rémunérés et des cartes de qualification de compagnon étaient offerts à l’usine, à deux coins de rue. Puisque je savais que je voulais continuer à en apprendre sur le monde qui existe à l’extérieur de ma ville, j’ai commencé à étudier à l’Université de l’Alberta à Edmonton, à quelque 400 kilomètres de chez moi. J’ai d’abord fait des études en psychologie et j’ai suivi des cours sur d’autres sujets qui m’intéressaient (reconnaissante de cette époque où les frais de scolarité étaient bon marché). J’ai ensuite rencontré des gens qui faisaient des études en droit, option qui m’a semblé intéressante. Puisque j’étais assez bonne oratrice et assez bonne rédactrice, en plus d’aimer les discussions et les débats sur presque toutes les questions du jour, je me suis dit que cette voie pourrait bien être la mienne. J’avais raison. Dès la première semaine, j’ai vraiment aimé étudier le droit.

Après l’obtention de mon diplôme, j’ai fait un stage dans un grand cabinet, mais je n’ai pas été retenue et je me suis trouvé un emploi dans un cabinet de taille moyenne. Au milieu des années 1990, les questions relatives aux queers étaient impérieuses et controversées. Delwin Vriend avait été congédié de son emploi et la Cour d’appel de l’Alberta lui avait refusé, à lui et à d’autres personnes victimes de discrimination en raison de leur orientation sexuelle, un recours en justice. C’était une époque difficile pour être queer et il y avait beaucoup de travail à accomplir. Il m’était aussi de plus en plus difficile de ne pas annoncer mon identité sexuelle en tant que femme queer.

J’ai pratiqué le droit seule (partageant un bureau avec d’autres juristes), j’ai envoyé des lettres à des facultés de droit, au Barreau de l’Alberta et à l’Association du Barreau canadien pour les informer que j’étais disponible pour donner des présentations sur des questions traitant des queers, je me suis joint à V.I.H. Edmonton et j’ai participé à des initiatives politiques relatives aux queers. J’ai pris ces mesures avec deux objectifs en tête. D’abord, je voulais préserver ma santé et mon bien-être personnels en annonçant mon identité sexuelle, et en affichant de façon honnête ce que j’étais dans mon intégralité. Ensuite, je tenais à voir si je pouvais faire carrière en travaillant au service de la justice et en créant un espace sûr pour les personnes queers d’Edmonton.

Cette décision modeste a ouvert la voie à une grande partie du reste de ma carrière. J’ai pu devenir porte-parole des droits des queers en Alberta. J’ai été invité à prononcer des discours à l’Université de l’Alberta, au Barreau de l’Alberta et à l’ABC sur des questions relatives aux queers (« Comment ne pas faire face à des poursuites lors de la représentation de clients potentiellement homosexuels »), et j’ai reçu une offre de chargée de cours à temps partiel à la faculté de droit de l’Université de l’Alberta. J’ai aussi été nommée membre du Tribunal canadien des droits de la personne, j’ai reçu des prix, j’ai dîné avec la reine d’Angleterre (avec cinq ou six cents autres personnes — dans un aréna de hockey), j’ai été désignée conseillère du Barreau de l’Alberta, puis j’ai été nommée conseillère de la reine. Et juste comme ça, les bases d’une candidature à la magistrature fondée sur le mérite étaient jetées. Je me suis présenté pour un poste et j’ai été nommée juge à la Cour provinciale de l’Alberta en décembre 2016.

Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?

Le système de justice peut changer et il le fait, et il peut réagir au changement, ce qu’il fait également. La Cour provinciale de l’Alberta a un solide programme d’éducation qui comprend du droit de fond et de plus en plus de formations sur les circonstances historiques, culturelles et actuelles de toutes les personnes qui comparaissent devant elle. La Cour provinciale de l’Alberta continue d’explorer des façons de soutenir et de donner une voix à tous les gens qui comparaissent dans ses salles d’audience, et d’explorer d’autres mécanismes de résolution de différends. Les roues de la justice tournent peut-être plus lentement que ce que certains souhaiteraient, mais elles tournent bel et bien.