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L’honorable Julia Shin Doi

The Honourable Julia Shin DoiQuel cheminement vous a mené au monde du droit et à la magistrature?

Mon cheminement vers le droit a commencé par l’immigration de ma famille au Canada de Séoul en 1969, alors que je n’avais que deux ans. Ayant grandi comme l’une des rares personnes racisées de mon école, j’ai été victime d’un racisme à la fois manifeste et subtil, ce qui m’a aidé à développer une profonde appréciation de l’équité et de la représentation en faveur de la défense des droits.

J’ai fait des études de premier cycle en anglais avant d’être admise à la faculté de droit Osgoode Hall. Fait intéressant, mon père, en apprenant que j’avais été acceptée, a immédiatement envisagé que je devienne juge, une idée profondément enracinée dans la tradition juridique coréenne où l’on peut entrer dans la magistrature après la pratique juridique et une formation spécialisée.

Au cours de ma première année à Osgoode Hall, j’ai eu le privilège d’entendre le discours inspirant de la juge de la Cour suprême Bertha Wilson, « Les femmes juges changeront-elles vraiment la donne?  ». Ce moment a renforcé mon aspiration à poursuivre une carrière juridique.

Après avoir fait un stage et pratiqué en litiges à Toronto, j’ai fait la transition vers la pratique du droit commercial et du droit des sociétés chez Gowling WLG à Ottawa. J’ai coécrit un ouvrage sur les dispositions contractuelles et l’interprétation, Behind and Beyond Boilerplate: Drafting Commercial Agreements, j’ai enseigné le droit des sociétés, le droit commercial avancé et le droit contractuel dans des facultés de droit, puis j’ai pratiqué comme juriste d’entreprise et, finalement, comme avocate générale. Pendant mes années de juriste dans un contentieux, je me suis entretenue avec de nombreux juges qui m’ont prodigué de précieux conseils sur le rôle des juges et sur le processus de candidature à la magistrature.

En 2023, j’ai été nommée première juge canadienne d’origine coréenne à la Cour supérieure de la région de Toronto et première femme juge d’origine coréenne à la Cour supérieure de l’Ontario.

Quelle expérience de votre carrière juridique vous a le mieux préparé à votre travail au sein de la magistrature?

Mon expérience comme avocate générale dans une université m’a apporté la meilleure préparation qui soit pour mon travail à la magistrature. À ce titre, j’ai prodigué des conseils dans un large éventail d’affaires juridiques, y compris dans les domaines du droit des sociétés, du droit commercial, de la gouvernance d’entreprise, du droit contractuel, de la propriété intellectuelle, de la protection de la vie privée, du droit de l’immobilier, du droit de l’emploi, du droit administratif et même du droit constitutionnel.

J’étais aussi responsable de la gestion des litiges touchant l’université, ce qui m’a exposé à une variété de questions juridiques complexes. De plus, mon élection à titre de conseillère du Barreau de l’Ontario m’a permis d’agir comme arbitre au tribunal du Barreau et d’en présider le comité des politiques. Cette expérience a considérablement affiné mes compétences en matière de prise de décision, de rédaction de jugement et de connaissance des processus de droit administratif, qui sont des compétences clés des juges.

Au-delà de l’expertise juridique, mon rôle d’avocate générale était en grande partie axé sur la communauté, un aspect essentiel d’un poste à la magistrature. En tant que juge, vous êtes une personnalité publique et vous devez respecter l’intégrité du système juridique. Le temps que j’ai passé à ce poste a renforcé ma capacité à gérer ces responsabilités avec confiance.

Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?

Ayant passé de nombreuses années dans l’éducation, je considère la représentation comme une forme d’enseignement. Lorsqu’ils comparaissent devant un tribunal, les juristes doivent se considérer comme des éducateurs et les juges comme des élèves.

La meilleure représentation consiste à guider les juges dans l’affaire d’une manière structurée et claire, ce qui implique de comprendre les questions des juges et d’y répondre de façon réfléchie. De plus, structurez vos arguments pour qu’ils correspondent à la façon dont les décisions judiciaires sont habituellement rédigées, en commençant par les faits, puis par les questions juridiques, les critères applicables, la jurisprudence pertinente et l’application du droit aux faits.

Un solide cadre de représentation comprend ce qui suit :

  1. Qu’est-ce que c’est? Définissez clairement le problème et expliquez-le.
  2. Pourquoi est-ce important? Expliquez son importance.
  3. Qu’attendez-vous du juge ou de la juge? Présentez une demande de mesure réparatoire directe et bien pensée.

Pour ce faire, abordez les aspects suivants : qui, quoi, où, quand, pourquoi, comment et combien. Les juristes peuvent présenter leurs arguments plus efficacement et peuvent guider les juges.

Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?

Les juges sont des décideurs indépendants et impartiaux qui assument leurs responsabilités avec le plus grand sérieux. Nous sommes dévoués, diligents et conscients des grandes conséquences de nos décisions sur des particuliers et sur la société. Les juges ne sont pas seulement des arbitres de différends, ils sont également des fonctionnaires engagés à faire en sorte que justice soit rendue de façon équitable et transparente. Plusieurs d’entre nous ont été nommés à la magistrature en raison de notre profond intérêt envers le service public et de notre désir de contribuer à une société juste. Le public devrait avoir confiance dans la magistrature, sachant que les juges travaillent sans relâche pour appliquer la loi de façon équitable et pour prendre des décisions qui trouvent leur origine dans des principes juridiques et des valeurs sociétales.

Après trente ans de pratique, c’est un privilège d’être juge, car j’ai l’occasion de plonger dans le droit et de l’appliquer pour rendre des décisions justes.