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Une taille unique ne suffit pas : directives vestimentaires des tribunaux canadiens

10 avril 2019

Le port de la toge par les avocats remonte au Moyen-Âge et est, depuis, considéré comme une tradition immuable de la profession juridique. Il peut cependant parfois être sujet à controverse, certains allant jusqu’à remettre sa pertinence en question dans le contexte de la profession juridique du 21e siècle. En revanche, il a été affirmé que la toge est un moyen d’instaurer l’égalité dans le prétoire en éliminant les conversations hors sujet portant sur la comparution des juristes, particulièrement lorsqu’il s’agit d’avocates.

Le Forum des avocates de l’ABC s’intéresse depuis plusieurs années aux politiques sur la tenue vestimentaire dans l’ensemble du Canada. En 2016, dans le cadre de Réunion de la mi-hiver à Ottawa, il a proposé une résolution intitulée « Modifier les directives des tribunaux concernant la tenue vestimentaire pour accommoder la grossesse », qui a été adoptée par le Conseil. Elle exhortait tous les tribunaux canadiens à adopter des directives de pratique autorisant les avocates à déroger aux strictes exigences vestimentaires lorsqu’elles sont enceintes et à informer le tribunal, dans la dignité et le respect, de leur tenue modifiée.

Les règles sur la tenue vestimentaire applicables aux juristes au Canada diffèrent en fonction des tribunaux devant lesquels ils comparaissent. Ces derniers peuvent être classés dans trois catégories : (1) aucune dérogation possible à la règle sur la tenue vestimentaire, quelle que soit la raison, (2) exception de la tenue vestimentaire au motif d’une grossesse, et (3) dérogations à la tenue vestimentaire pour raisons personnelles. Dans la première catégorie, les règles du tribunal prescrivent les circonstances dans lesquelles la toge doit être portée, mais ne comportent aucune dérogation explicite à la règle ni instruction quant à la demande d’une dérogation. Dans la deuxième catégorie, les règles du tribunal prévoient expressément une dérogation pour modifier la toge de l’avocate pour cause de grossesse. La dernière catégorie prévoit des dérogations en cas de « situation personnelle », ce qui peut inclure la grossesse ou une incapacité qui exigerait que le juriste porte une toge modifiée.

La majorité des tribunaux canadiens, y compris les cours d’appel, tombent dans la première catégorie, à savoir qu’ils n’ont aucune dérogation explicite à leurs directives sur la tenue vestimentaire. Aucun tribunal, quel qu’il soit, en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec, au Nouveau-Brunswick, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut n’a de dérogation explicite aux règles sur la tenue vestimentaire.

Seules trois cours d’appel au Canada possèdent des dérogations explicites à leurs règles sur la tenue vestimentaire. L’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard ont des dérogations explicites en cas de grossesse et seul le Manitoba a une dérogation pour situation personnelle. La Cour suprême du Canada, elle non plus n’a pas de dérogation explicite en cas de grossesse, mais elle indique que tout juriste qui ne peut satisfaire aux exigences de bienséance dans la salle d’audience doit présenter une demande par écrit au registraire pour pouvoir porter une toge modifiée.

Les tribunaux de l’Ontario et de l’Île-du-Prince-Édouard, la Cour suprême de Terre-Neuve, la Cour du banc de la Reine du Manitoba et la Cour d’appel fédérale ont des dérogations explicites aux règles sur la tenue vestimentaire pour cause de grossesse.

Enfin, seules sept cours au Canada, soit la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, la Cour d’appel et la Cour provinciale du Manitoba, la Cour du banc de la Reine de la Saskatchewan, la Cour suprême et la Cour territoriale du Yukon, et la Cour fédérale du Canada, prévoient des dérogations aux règles sur la tenue vestimentaire en raison d’une situation personnelle, ce qui peut couvrir la grossesse ou une incapacité.

C’est, et de loin, au Manitoba que l’on trouve l’ensemble le plus complet de dérogations aux règles sur la tenue vestimentaire, qui sont applicables devant les tribunaux de toutes les instances.

Dans tous les tribunaux du Canada, les juristes doivent informer le tribunal avant l’audience qu’ils porteront une toge modifiée et fournir les raisons de la modification.

Pour que la toge continue à être un symbole positif de la profession juridique, les règles des tribunaux doivent refléter les réalités de la comparution des avocats et avocates dans l’ensemble du Canada. Adopter des règles sur la tenue vestimentaire inclusives profite non seulement aux avocates, mais aussi aux avocats qui, en raison d’une incapacité ou de leur taille, pourraient trouver que les règles en place sont trop restrictives et inaccessibles. De simples modifications pour permettre une plus grande souplesse des règles sur la tenue vestimentaire indiquera que tous les juristes sont les bienvenus et inclus dans les prétoires du Canada.

Carly Romanov est directrice générale et avocate chez Pro Bono Law Saskatchewan.