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À huis clos : La violence familiale en Saskatchewan

20 février 2018

La Saskatchewan est connue pour son paysage plat, ses champs de blé ainsi que ses hivers froids et secs. Elle abrite plus de 100 000 lacs, produit plus de joueurs de la LNH par habitant que toute autre province du Canada et compte la seule circonscription fédérale à avoir été représentée par trois premiers ministres (Sir Wilfred Laurier, William Lyon Mackenzie King et John Diefenbaker)1. Toutefois, la Saskatchewan présente également le plus haut taux de crimes de violence domestique et interpersonnelle déclarés par la police de toutes les provinces2. Pour chaque 100 000 habitants de la Saskatchewan, 489,4 doivent composer avec la violence familiale. Ce taux – le double de la moyenne canadienne – est presque trois fois plus élevé qu’en Ontario, où le taux d’actes déclarés est le plus bas au pays en dépit de sa population beaucoup plus importante.

En réaction au tollé général qu’a suscité l’assassinat de Latasha Gosling et de ses trois enfants en 2015 aux mains de son conjoint, qui s’est ensuite enlevé la vie, la province a mis sur pied un projet pilote dans le but d’examiner les décès liés à la violence familiale. Au mois de mai de 2017, la commission de la violence familiale de la Saskatchewan a publié un rapport intermédiaire.

Le rapport contient des renseignements sur les homicides domestiques commis en Saskatchewan entre 2005 et 2014. « Durant cette période de référence, 48 homicides liés à la violence familiale, ainsi que neuf suicides connexes, ont eu lieu en Saskatchewan », constate le rapport. « La plupart des victimes étaient des femmes alors que la majorité des agresseurs était des hommes. Plus du tiers des victimes étaient âgées de moins de 21 ans et près des deux tiers ont été attaqués dans leur propre domicile3». Soixante-dix pour cent des personnes interrogées dans le cadre de l’étude liée à ce rapport indiquaient n’avoir jamais communiqué avec la police, préférant recourir à leurs amis, à leur famille et à des services communautaires, comme des refuges ou des travailleurs sociaux4.

Les données ci-dessous, issues de Statistique Canada, mettent en relief les conséquences disproportionnées que subissent les femmes lorsqu’il est question de violence familiale :

  • Les femmes sont assassinées quatre fois plus souvent que les hommes.
  • Les femmes sont victimes de plus de 75 pour cent des tentatives de meurtre.
  • Dans 83 pour cent des cas, les victimes sont les conjointes des agresseurs.
  • De 2004 à 2014, les femmes âgées de 25 à 29 ans représentaient le groupe le plus à risque d’être victime d’un homicide par leur conjoint, suivi par les femmes âgées de 35 à 39 ans.
  • Les femmes âgées de 15 à 19 ans étaient treize fois plus susceptibles d’être victimes d’un homicide par leur conjoint que les hommes de la même catégorie d’âge.
  • Six des dix collectivités canadiennes présentant le plus haut taux de violence contre les femmes et filles autochtones se trouvent dans le nord de la Saskatchewan5.

En plus des répercussions personnelles et communautaires, un coût financier est également associé à la violence familiale et interpersonnelle. À Regina seulement, lorsque l’on tient compte des frais des services juridiques, sociaux et de soins de santé, ainsi que des montants que perdent les victimes, il est estimé que chaque incident de violence familiale coûte 112 000 dollars. Dans l’ensemble de la Saskatchewan, les systèmes et les individus dépensent tous les ans quelque 450 millions de dollars6.

Depuis la publication du rapport, le gouvernement de la Saskatchewan a modifié la Saskatchewan Employment Act afin d’accorder dix jours de congé sans solde aux survivants de violence familiale. Toutefois, des groupes de défense soutiennent que cela est insuffisant pour les aider réellement. La Residential Tenancies Act, 2006 (Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation) a également été modifiée pour permettre aux survivants de violence familiale de résilier leur bail de façon anticipée. Un projet de loi émanant d’un député demandait l’octroi de cinq journées de congé payées, ainsi qu’une période supplémentaire sans solde d’un maximum de 17 semaines. Il décrivait également l’obligation de tout employeur qui soupçonne un employé d’être victime de violence familiale de protéger cet employé et d’accepter qu’un trouble de stress post-traumatique soit invoqué comme motif pour demander un congé 7. Ce projet n’a pas été adopté.

Malgré la tendance globale à la baisse des taux d’infractions avec violence, la violence familiale et interpersonnelle est un fléau mortel dont on ne parle pas qui mine la Saskatchewan. Nos amis, familles, clients et collectivités assument les conséquences de cette violence. Nous avons l’obligation de prendre conscience de la situation, de nous former par rapport à cet enjeu et de promouvoir l’éradication de cette violence dans nos collectivités.

Carly Romanow est la directrice générale et une avocate-conseil à l’interne de Pro Bono Law Saskatchewan.

Notes de bas

1 Giles, David, « 10 Things You Might Not Know About Saskatchewan » (2015).

1 Madeline Kotzer, « Who were the people whose 48 homicides informed Sask.’s 1st domestic violence death review? » (2018).

1 Ministère de la Justice, gouvernement de la Saskatchewan, « Saskatchewan Domestic Violence Death Review Interim Report: Pilot – Phase 1 May 2017 », page 4.

1 Idem, page 11.

1 Idem, page 10.

1 Idem, page 5.

1 Ashley Martin, « Sask. Government grants 10 days of leave from work to survivors of interpersonal violence » (2017).