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Devrais-je partager cela? Présenter les enfants sur les médias sociaux des parents

04 décembre 2018

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Notre empreinte sur les médias sociaux est souvent une collection très étudiée de renseignements, d’idées et d’images qui correspondent de très près à notre identité. Que nous assistions à quelque chose sur Facebook, que nous affichions un programme d’exercices sur Instagram, que nous affichions une photo Snap lors d’une réunion familiale ou que nous affichions des renseignements professionnels sur LinkdIn, ce que nous montrons reflète ce que nous espérons être notre meilleure facette. Alors qu’est-ce que cela signifie lorsqu’être parent est au cœur de ce qui définit la vie de quelqu’un?

Les photos de bébé retracent des moments précieux et peuvent montrer des jalons importants dans la vie d’un enfant. Par le passé, les photos d’enfance avaient leur place dans des albums dont on tournait les pages à l’occasion d’un anniversaire ou d’autres réunions familiales, créant souvent une grande « gêne » pour leurs vedettes désormais devenues adolescentes. Désormais, sur la page d’un média social d’un parent, une photo prise lors d’une échographie pourrait bien être la première d’une litanie décrivant les premiers moments de l’existence d’un enfant, puis toute sa croissance. Cependant, pour cet enfant les dommages potentiels excèdent largement le legs d’une présence en ligne largement dessinée par ses parents.

Un récent rapport publié par le commissaire à l’enfance (Children’s Commissioner) du Royaume-Uni soulève des préoccupations à propos de l’incidence sur son avenir de la collecte et de la publication des données concernant un enfant. Des dommages plus immédiats pouvant découler de la révélation à des inconnus, grâce à la photographie, du lieu où se trouve l’enfant à sa capacité à accéder à un emploi ou à se procurer une assurance, les implications des affichages effectués par les parents sur un média social sont vastes, inconnues et imprévisibles.

En 2015, le Commissariat à la protection de la vie privée (CPVP) du Canada a adopté la réputation et la protection des renseignements personnels comme des priorités stratégiques, s’engageant à « [A]ider à créer un environnement en ligne où les gens peuvent se servir d’Internet pour explorer leurs intérêts et se développer comme personnes sans craindre que leur trace numérique n’entraîne un traitement injuste ». Le CPVP reconnaît la complexité des réputations en ligne et le fait que la population canadienne s’inquiète que « les gens portent généralement des jugements en se fondant sur les renseignements qu’ils lisent au sujet d’autres personnes, ou sur les images qu’ils voient, souvent sans bénéficier d’un contact personnel et pas nécessairement dans le contexte prévu ». Le renforcement des protections visant le secteur privé et le fait de permettre au public de demander aux moteurs de recherche le déréférencement de certains renseignements pour le site Web font partie des solutions.

Le document de discussion du CPVP mentionne brièvement, au sujet des enfants, que leurs parents téléchargent « leurs photos et des anecdotes amusantes à leur propos dès leur plus tendre enfance », mais la discussion sur la protection des renseignements personnels des enfants passe immédiatement au contenu créé par les enfants eux-mêmes.

Il y a aussi une question de cyberjustice alors que la technologie et les algorithmes héritent des idées préconçues des personnes qui les créent. Si les décisions fondées sur les données peuvent être objectives à première vue, il faut cependant effectuer un examen plus minutieux des hypothèses sur lesquelles sont fondés la collecte et le traitement des données pour éviter de reproduire l’inégalité sociale.

S’agissant des enfants, il existe deux catégories principales de préoccupations. La première est celle des incidences personnelles et sociales du partage excessif des données par les parents. Les enjeux revêtent ici la forme du développement psychologique et émotionnel de l’enfant en ce qu’il est influencé par des situations vécues au sein de la famille comme la négligence et la maltraitance, et des facteurs sociaux comme l’intimidation et la cyber intimidation. La deuxième est l’identité de l’enfant. Une présence accrue sur les médias sociaux risque de rendre publiques des informations qui peuvent être utilisées pour usurper son identité. Les données recueillies dans les appareils électroniques des parents, ainsi que l’équipement de maison intelligente tel que Next ou l’Alexa d’Amazon est une porte ouverte invitant aux abus de la part des sociétés, des politiciens et des escrocs. Les données prédictives et la biométrie pourraient aussi imposer des contraintes imprévues sur l’avenir des enfants.

Le rapport de la Commission du droit de l’Ontario intitulé La diffamation à l’époque de l’Internet a examiné la capacité des enfants et des jeunes à s’exprimer eux-mêmes, leur autonomie et leur contrôle. Les recherches effectuées par mesdames Bailey et Steeves ont révélé que les adolescents font preuve d’une compréhension très approfondie de la façon de construire et de protéger leur réputation dans un contexte dans lequel la distinction entre la présence en ligne et hors ligne perd de plus en plus de son sens. Le rapport souligne les dommages qui peuvent être causés lorsqu’une image ou des renseignements personnels sont publiés en l’absence de consentement.

Les parents devraient être prudents quant à la façon dont ils décrivent leurs enfants en ligne, aux publics auxquels ils offrent ces renseignements et à la façon dont leur enfant devenu adolescent, jeune adulte, puis adulte, pourrait percevoir cette information. La capacité de l’enfant à examiner et à approuver l’image est le facteur le plus important à prendre en compte. L’une des mesures à prendre est de donner la possibilité à l’enfant d’accorder son consentement en connaissance de cause quant à sa propre représentation. Demander sa permission à un enfant l’encourage à développer sa capacité à s’exprimer tout en lui enseignant comment envisager ses besoins et désirs personnels, et à fixer et communiquer des limites.

Ainsi, une « adorable » vidéo d’un enfant qui fait quelque chose d’embarrassant pourrait avoir sa place dans un courriel envoyé à ses grands-parents ou pourrait être visionnée en toute hilarité entre amis autour d’un bon repas, mais mieux vaut ne pas la publier sur les médias sociaux. Le fait de demander préalablement la permission de l’enfant avant de publier’une photo prise à l’occasion de la remise d’un diplôme illustre facilement le respect témoigné envers les souhaits de l’enfant tout en permettant aux parents d’être fiers de leur enfant sans égard à la publication de l’image sur les médias sociaux.

Limité au départ aux personnes qui étudiaient dans une université, Facebook a ouvert ses portes à tout un chacun en 2006, l’année du lancement de Twitter. La première photo a été affichée sur Instagram en 2010, année du lancement de Snapchat. La première génération d’enfants qui ont grandi à l’ère des médias sociaux n’en est encore qu’à l’adolescence. Par conséquent, on ne connaît pas encore les conséquences de la publication de tous ces renseignements.

Il incombe aux gouvernements et aux décideurs d’encadrer une utilisation transparente et responsable des données concernant les enfants par les entités qui recueillent les données, qu’elles appartiennent au secteur public ou au monde privé. Les parents devraient envisager les incidences à long terme que ces affichages pourraient avoir sur leurs enfants, agir dans l’intérêt supérieur de leurs enfants et, autant que faire se peut, faire participer leur enfant à la décision quant à ce qui sera affiché en ligne à son sujet.

Jesse Blackman est candidat au diplôme Juris doctor à la Faculté de droit Robson Hall, promotion de 2020

Références

Who knows what about me? A Children’s Commissioner report into the collection and sharing of children’s data. Novembre 2018 (disponible uniquement en anglais).

Jane Bailey et Valerie Steeves. Defamation Law in the Age of the Internet: Young People’s Perspectives. Law Commission of Ontario. Juin 2017 (disponible uniquement en anglais).

Plan stratégique du CPVP

Rapport du CPVP : Consultation sur la réputation en ligne