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Droit correctionnel : le frère oublié du criminaliste

04 décembre 2020

Le droit correctionnel est souvent le frère oublié du criminaliste. Ce domaine du droit n’est pas enseigné dans votre programme de droit pénal et ce n’est certainement pas en droit administratif que vous vous penchez sur les arrêts de principe dans ce domaine. May c. Établissement Ferndale n’a pas exactement fait couler autant d’encre que les arrêts Vavilov ou Keegstra. Ce domaine reste dans l’ombre.

D’ailleurs, les juristes qui exercent le droit correctionnel savent combien il est difficile d’expliquer leur rôle aux autres : « Non, je ne juge pas leurs crimes de nouveau, je m’assure que leurs droits sont respectés pendant leur incarcération ».

Pour un grand nombre de personnes qui étudient le droit, le droit correctionnel peut sembler une tâche ingrate. Pourquoi quelqu’un voudrait-il travailler avec des personnes détenues dans des établissements fédéraux?

Cependant, trois aspects de ce domaine devraient piquer la curiosité de tout étudiant, à savoir les débouchés, les répercussions et la croissance. Ce domaine est loin d’être ingrat.

D’abord, en tant que jeune étudiant en droit embrassant la profession juridique, rares sont les occasions de représenter des clients. Ce n’est qu’en rêve que les étudiants en droit représentent réellement les clients. Et pourtant, dans le domaine correctionnel, ce n’est pas simplement réel ou encouragé, c’est nécessaire. Au cours des dernières années, en raison de la réduction du financement de l’aide juridique, les personnes détenues dans des établissements fédéraux ont reçu une assistance juridique amoindrie. Dans de nombreux cas, les cliniques juridiques organisées dans les prisons par les facultés de droit sont la seule option. Dans ces circonstances, les étudiants en droit peuvent représenter un détenu lors d’une audience de libération conditionnelle ou assumer le rôle de représentant du patient lorsqu’il reçoit des soins de santé.

Ensuite, le droit correctionnel vous permet de faire de véritables apports. Un grand nombre de personnes incarcérées dans des établissements fédéraux sont issues de communautés racialisées ou désavantagées. Ces détenus manquent souvent d’assistance juridique pendant leur incarcération. Pour eux, l’assistance apportée par une personne qui étudie le droit lors d’une audience disciplinaire ou concernant la libération conditionnelle est un atout incroyable.

Ainsi, si un détenu est déclaré coupable d’une grave infraction disciplinaire pendant son incarcération, comme la fabrication d’alcool ou le manque de respect envers un agent correctionnel, cela diminue ses chances de libération. En Ontario, depuis 2018, les juristes de l’aide juridique de service n’assistent plus aux audiences pour grave infraction disciplinaire en raison de considérables réductions du financement. Les personnes détenues dans les établissements fédéraux se retrouvent fréquemment sans aucune assistance juridique; une lacune que les étudiantes et étudiants en droit peuvent combler. Votre présence lors d’audiences disciplinaires peut constituer la différence entre la possible libération d’une personne ou une incarcération prolongée. Vous tenez, en partie, leur liberté entre vos mains.

Enfin, le domaine du droit correctionnel est une occasion d’élargir ses compétences et ses connaissances puisqu’il offre des possibilités inégalées d’apprendre de nouvelles choses en entrant en contact avec un certain nombre de domaines du droit en même temps, à savoir notamment le droit de la preuve, le droit administratif, et les contrôles judiciaires. À un niveau plus personnel, il permet à une personne de constater les injustices de visu. Il est déchirant, mais combien inspirant, d’entendre les détenus dans les établissements fédéraux parler de leurs difficultés personnelles, de leur lutte contre le racisme, de la discrimination, de leurs difficultés en matière de santé mentale, de leur vie dans la pauvreté. Pour ces personnes, les petites victoires sont importantes.

Comme le souligne Catherine Latimer, directrice générale de la Société John Howard du Canada : « Il y a bien longtemps, ma participation en tant qu’étudiante en droit au projet de l’Université Queen’s alors appelé Correctional Law Project, a tracé ma carrière. Le besoin est immense, mais immense aussi est la gratification. Si l’application de la primauté du droit et des droits protégés par la Charte à certains des membres de notre société les plus désavantagés, mal aimés et marginalisés vous tient à cœur, le droit correctionnel est fait pour vous ».

Ce domaine est en expansion alors que de plus en plus nombreuses sont les entités qui cherchent à soutenir les droits des personnes racialisées, marginalisées et désavantagées, du développement de services juridiques pour les personnes incarcérées sur la côte Ouest à l’expansion de la Dalhousie Prison Law Society en passant par celle du programme Prison Law Clinic de l’Université Queen’s. Cette année, la Faculté de droit de l’Université de Toronto a créé sa première association de droit correctionnel. La demande de juristes spécialisés en droit correctionnel n’a jamais semblé aussi forte.

La salle de réunion du conseil pourrait bien être la cafeteria, le café pourrait bien être instantané, et le client pourrait bien porter un habit orange, mais le droit correctionnel offre des débouchés inégalés aux jeunes étudiants et étudiantes en droit qui espèrent représenter des clients, faire une différence et croître, tant à titre personnel que professionnel. Si vous voulez voir les répercussions de notre Charte, de notre constitution et de nos lois où que ce soit, même derrière les barreaux, il n’y a pas mieux.

Murray Fallis est stagiaire à la Société John Howard du Canada. Son regard n’est absolument pas objectif sur ce sujet.