En tant que nouveaux étudiants en droit, nous devons prendre soin de notre santé mentale et voir à notre bien-être. Il y a au moins trois bonnes raisons de nous en soucier dès le début de notre carrière, surtout depuis la pandémie.
Raison numéro un
Tout d’abord, il n’y a pas de santé sans santé mentale. Selon l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), « la santé mentale ne consiste pas seulement à éviter les problèmes de santé mentale. Votre santé mentale est affectée par de nombreux facteurs de votre vie quotidienne, comme le stress d’avoir à concilier votre travail avec votre santé et vos relations ». Il faut faire un effort régulier pour « rester en forme et en bonne santé mentalement tout au long de sa vie ».
Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) est utilisé à la fois par l’American Psychiatric Association (APA) et par le Conseil médical du Canada (depuis 2014). Le DSM-V définit tous les types de maladies mentales et de troubles mentaux pouvant être diagnostiqués. Selon l’APA, la santé mentale est affaire de bon fonctionnement au quotidien, c’est-à-dire [traduction] « (1) des activités productives (travail, école, aide naturelle), (2) des relations saines et (3) la capacité de s’adapter au changement ». La maladie mentale se définit par [traduction] « des changements importants dans la pensée, les émotions ou le comportement » et « une détresse ou des problèmes de fonctionnement dans les activités sociales, professionnelles ou familiales ». Si l’on se fie à ces définitions, il n’y a pas de véritable santé ni de vie productive sans une bonne santé mentale.
Quelques faits sur la santé mentale
Selon Statistique Canada, un Canadien sur cinq a eu besoin de soins de santé mentale en 2018. Bien que les gens puissent connaître des hauts et des bas tout au long de leur vie, l’apparition de la plupart des problèmes de santé mentale se produit au début de la vingtaine, selon les données de l’APA. L’ACSM indique que plus de 28 % des personnes âgées de 20 à 29 ans souffrent chaque année d’une mauvaise santé mentale. C’est assurément une nouvelle alarmante pour les jeunes adultes, y compris les étudiants et étudiantes en droit.
En 2016, la distribution par genre des titulaires canadiens d’un titre universitaire (« certificat, diplôme ou grade universitaire au niveau du baccalauréat ou supérieur ») dans les professions et les études juridiques, âgés de 25 à 34 ans, était de 59,4 % pour les femmes et 40,6 % pour les hommes. Prenons l’exemple de Toronto. L’enquête de la faculté de droit Osgoode Hall sur ses admissions de 2019 révèle que 58 % des membres de sa nouvelle cohorte d’étudiants étaient âgés de 20 à 24 ans. Une autre tranche de 24 % était âgée de 25 à 29 ans. Le profil des étudiants du baccalauréat en droit (JD) à l’Université de Toronto pour la même année montre que 89 % des étudiants de première année sont passés par le volet général selon la même proportion en matière de leur âge.
Selon les plus récentes données du Law School Admissions Council sur les candidats au LSAT (examen d’admission standardisé des facultés de droit), seul un petit pourcentage d’entre eux, entre 2,5 et 4,1 % (selon la région), ont plus de 40 ans.
Raison numéro deux
Deuxièmement, la profession juridique dans son ensemble s’inquiète de la santé mentale de ses membres. Notre culture professionnelle carbure à la performance, à la concurrence et au succès, ce qui favorise l’adoption d’habitudes de travail malsaines menant à l’épuisement professionnel.
L’Association du Barreau canadien (ABC) a mis sur pied un comité spécial, le Sous-comité ABC Bien-être, qui mène des recherches sur tous les aspects de la santé mentale et du bien-être des professionnels du droit. En 2012, l’Association a mené un sondage sur les questions liées au bien-être des juristes. Les résultats sont éloquents : « Cinquante-huit pour cent des avocats, juges et étudiants en droit interrogés ont connu un stress important ou un épuisement professionnel; 48 % ont ressenti de l’anxiété; 25 % ont souffert de dépression. » Cinquante-sept pour cent des juristes interrogés étaient préoccupés par les heures de travail. « Le stress/l’épuisement professionnel et l’anxiété étaient les deux problèmes perçus comme les plus répandus dans la profession juridique (94 % et 68 %, respectivement). »
Les répondants ont en outre souligné la nécessité de transformer au plus vite la culture de la profession juridique, afin de réduire la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale et au fait de demander de l’aide. Les déclarations suivantes illustrent bien les enjeux liés à la santé mentale dans la profession juridique :
- « Changement de culture : se montrer vulnérable est perçu comme fatal à la carrière. »
- « Démystifier. Les problèmes de santé mentale et émotionnelle et les problèmes de comportement sont encore tabous dans notre milieu […]. »
- « Une meilleure éducation pour atténuer l’anxiété que ressentent les juristes à l’idée d’être “démasqués” comme une personne ayant des problèmes. »
Le Comité de sensibilisation à la santé mentale de la Section des jeunes juristes de l’ABC reconnaît que la profession juridique est aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Pour Candice Ashley Pollack, membre à titre particulier de la section, « les juristes font partie des trois principaux groupes professionnels confrontés à des problèmes de toxicomanie, avec les médecins et les policiers ». Pour lutter contre la stigmatisation associée aux problèmes de santé mentale et encourager les juristes à prendre soin d’eux-mêmes, de jeunes juristes ont lancé une campagne sur les réseaux sociaux avec le mot-clic #ConcilierDroitEtMieux-ÊtrePour.
Enfin, l’ABC propose aux étudiants et étudiantes en droit la série « Solutions », fait la promotion du bien-être et a encouragé le réseautage par l’intermédiaire de cafés virtuels – pour tisser des liens et parler – pendant la pandémie.
Raison numéro trois
Troisièmement, des mesures de soutien particulières destinées aux étudiants en droit sont apparues sur les campus. Une coalition de six facultés de droit ontariennes, menée par l’Université York, s’est notamment formée dans le but de veiller à la santé mentale des étudiants et étudiantes en droit. L’Ontario Law School Mental Health Initiative (c’est son nom) a mené à la création de diverses ressources et mesures de soutien offertes aux professeurs et aux étudiants, dont (1) un réseau officiel de l’administration des facultés de droit ontariennes, (2) un site Web complet offrant des ressources et des soutiens aux étudiants en droit, et (3) des programmes de soutien par les pairs pour les étudiants en droit de l’Ontario.
En conclusion, les étudiants en droit sont à risque de développer des problèmes de santé mentale. Il existe plusieurs facteurs : l’âge, les heures d’étude excessives, les exigences accrues des facultés, la culture professionnelle et l’anxiété engendrée par les incertitudes de notre époque.
Cet article est reproduit avec permission. Il est initialement paru dans Law360 (anciennement The Lawyer’s Daily), une publication de LexisNexis Canada.
Oksana Romanov est étudiante de troisième année à la faculté de droit Lincoln Alexander de l’Université métropolitaine de Toronto. Elle est membre du comité de direction de la Section des étudiants et étudiantes en droit de l’Association du Barreau de l’Ontario et ambassadrice de sa faculté de droit. Pour en apprendre davantage, visitez son profil sur LinkedIn.