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La clarté du libellé des polices d’assurance est importante : Busato c. Gore Mutual Insurance Company

15 décembre 2025 | Elizabeth (Betsy) Segal, Daniel Barber et Kassandra Starnes

Dans l’affaire Busato v. Gore Mutual Insurance Company, 2025 BCCA 79, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a infirmé une décision rendue à l’issue d’un procès sommaire par la Cour suprême de la Colombie-Britannique et refusant d’accorder une couverture d’assurance à M. Busato, qui avait perdu sa maison à Peachland, en Colombie-Britannique, en avril 2017. La compagnie d’assurance, Gore Mutual Insurance Company, avait rejeté la demande de M. Busato, en invoquant une exclusion de police d’assurance pour les propriétés impliquées dans la culture de marihuana.

M. Busato souffrait de douleurs chroniques découlant de cinq opérations chirurgicales subies entre 2006 et 2013 et Santé Canada lui avait accordé une licence lui permettant de cultiver et de posséder jusqu’à 73 plants de marihuana à des fins médicales..

En juin 2014, M. Busato a souscrit une police d’assurance habitation auprès de Gore Mutual, qui comprenait une couverture contre les incendies, qu’il a renouvelée chaque année. En avril 2017, un incendie survenu dans sa cuisine a entrainé la perte totale de sa maison. Après la présentation d’une demande d’indemnisation, l’assureur a découvert que M. Busato cultivait 25 plants de marihuana et a refusé de couvrir le sinistre en invoquant l’exclusion suivante de la police :

[Traduction] « Nous n’assurons pas les dommages directs ou indirects, en tout ou en partie :

[…] 32 aux habitations ou structures privées isolées ou aux biens personnels non répertoriés qu’elles contiennent, utilisés en tout ou en partie pour la culture, la récolte, la transformation, la fabrication, la distribution ou la vente de marihuana ou de tout produit dérivé de la marihuana ou de toute autre substance figurant à l’annexe (Article 2) du Règlement sur les stupéfiants en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. »

M. Busato a intenté un procès contre Gore Mutual Insurance Company pour obtenir une couverture. À l’issue d’un procès sommaire devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le juge de première instance a estimé que l’exclusion ne présentait aucune ambiguïté et que l’assureur était en droit de s’appuyer sur elle pour refuser la couverture.

Le juge de première instance a suivi la démarche adoptée par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Pietrangelo v. Gore Mutual Insurance Company, 2011 ONCA 162, qui portait sur une police d’assurance presque identique comportant la même exclusion. Le juge de première instance a analysé l’exclusion en trois sous-catégories distinctes, disjonctives (la signification de l’une n’est pas modifiée ou altérée par une autre), excluant la couverture : (1) les habitations ou les structures privées isolées… utilisées pour la culture, la récolte, la transformation, la fabrication, la distribution ou la vente de marihuana; (2) tout produit dérivé de la marihuana ou en contenant; et, (3) toute autre substance relevant de l’annexe (Article 2) du Règlement sur les stupéfiants en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Le juge a estimé que la première sous-catégorie était « claire et sans ambiguïté », que la deuxième sous-catégorie ne s’appliquait pas en l’espèce et que la troisième était « moins clairement formulée ». En fin de compte, le juge a adopté la conclusion de l’arrêt Pietrangelo, estimant que l’exclusion était sans ambiguïté et que toute ambiguïté découlant de la troisième sous-catégorie, moins clairement formulée, ne pouvait l’emporter sur la clarté des deux premières sous-catégories. M. Busato a fait appel.

La Cour d’appel a accueilli l’appel. La Cour d’appel a convenu avec le juge de première instance que la « troisième catégorie » était effectivement obscure parce que les lois applicables, le texte législatif d’habilitation et les annexes avaient été cités de manière incorrecte. Toutefois, le juge de première instance a mal interprété l’exclusion en divisant artificiellement la clause en sous-catégories. En substance, en créant la troisième situation exclue (peu claire), le juge de première instance a réécrit l’exclusion au « désavantage de l’assuré ».

À cet égard, la Cour d’appel a critiqué le juge de première instance pour s’être appuyé sur l’affaire Pietrangelo, qui concernait une activité illégale; un locataire avait provoqué une explosion en fabriquant de la résine de cannabis. Le juge de première instance a cité, mais a semblé ignorer la preuve de Gore Mutual dans l’affaire Pietrangelo, selon laquelle l’assureur avait pour objectif de limiter l’exposition aux substances illégales et aux activités interdites. M. Busato cultivait légalement des plantes de marihuana à des fins médicales en vertu d’une licence valide de Santé Canada.

En outre, la Cour d’appel a réaffirmé que les contrats d’assurance devaient être interprétés en fonction des attentes raisonnables d’une personne moyenne cherchant à obtenir une assurance, plutôt que par des personnes maîtrisant les subtilités du droit des assurances.1 Le raisonnement du juge de première instance s’est heurté à ce principe d’interprétation : une telle personne ne comprendrait ni le problème de la législation ni la lecture de l’exclusion comme comportant trois sous-catégories distinctes de couverture exclue, chacune séparée par le « ou » disjonctif du juge de première instance. L’exclusion était ambiguë et devait être interprétée de manière restrictive, à l’encontre de l’assureur, conformément au principe contra proferentem.

Enfin, la Cour d’appel a déclaré qu’elle aurait accordé un redressement pour la confiscation en vertu de l’article 32 de la Loi sur les assurances. Le juge du procès sommaire avait appliqué une interprétation restrictive qui ne correspondait pas à l’objectif réparateur primordial de la disposition, à savoir protéger le public contre des conditions d’assurance injustes ou déraisonnables.2 Dans le cas de M. Busato (qui exerçait une activité légale), l’application de l’exclusion serait injuste et déraisonnable.

Enseignements clés

Pour que les assureurs excluent la couverture des pertes liées à la culture légale de marihuana, l’exclusion doit être claire et sans ambiguïté. La Cour d’appel a souligné que les polices d’assurance devaient être interprétées comme le ferait une personne moyenne qui demande une couverture, et plutôt qu’à travers le prisme de technicités juridiques ou de connaissances spécialisées en matière d’assurance.

Fin de notes

1 Banque Nationale de Grèce (Canada) v. Katsikonouris, [1990] 2 SCC 1029 à 1045, 1990 CanLII 92.

2 Marche v. Halifax Insurance Co., 2005 SCC 6 au para. 34.