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Résumé jurisprudentiel : la mauvaise foi administrative est analysée dans l’arrêt Horne

29 mars 2018

Horne v Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, 2018 NSCA 20 (disponible uniquement en anglais)

Juge en chef de la Nouvelle-Écosse MacDonald, juges d’appel Fichaud et Bourgeois

Michael D. Wright, Craig M. Garson, c.r., et Danielle E. Stampley pour l’appelante (intimée dans l’appel incident)

Marjorie Hickey, c.r., Peter Rogers, c.r., et Ian Dunbar pour l’intimée (appelante dans l'appel incident)

27 février 2018

La Dre Horne était cardiologue à l’hôpital Queen Elizabeth, qui est géré par la Capital District Health Authority (Régie régionale de la santé Capital). Elle a été nommée à l’hôpital sachant qu’elle effectuerait beaucoup d’activités de recherche, ce qui était indiqué dans sa lettre de nomination. Ses recherches cliniques nécessitaient des données concernant les patients ayant une insuffisance cardiaque qui fréquentaient l’une des cliniques de l’hôpital appelée Heart Function Clinic et qui acceptaient de participer à l’étude à titre volontaire.

La relation de la Dre Horne avec le directeur de la clinique était difficile et s’est détériorée. Il a déposé plusieurs plaintes visant la Dre Horne, et le chef de division de cette dernière lui a envoyé une lettre l’avertissant que son manque de collégialité pourrait se traduire par la révocation de ses privilèges. Le chef de division a réalisé que son amitié avec le directeur de la clinique le plaçait dans une situation de conflit d’intérêts. Il a par conséquent demandé à la directrice du service de la Dre Horne de se charger de l’enquête. Cependant, malgré la révélation de son conflit d’intérêts, le chef de division a continué à traiter l’affaire au fond. La directrice du service a ultérieurement écrit à la Dre Horne une lettre dans laquelle elle modifiait sommairement ses privilèges et suspendait ses essais cliniques. La régie de la santé a conclu que la modification sommaire n’avait pas été justifiée. Cependant, il a fallu quatre ans avant qu’elle ne rende ses privilèges à la Dre Horne. Pendant cette période, ses recherches ont périclité, en partie parce que la suspension de ses privilèges avait coupé son accès aux patients et réduit le taux de participation à un niveau l’empêchant d’obtenir des subventions de recherche.

La Dre Horne a poursuivi la régie de la santé, au motif que ses privilèges avaient été modifiés de mauvaise foi et en violation de son contrat, et que la modification l’avait empêché de poursuivre sa carrière en recherche. Elle alléguait que le chef de division, agissant au nom de la régie de la santé, avait inclus les motivations du directeur dans le processus administratif, avec l’acquiescement de la directrice du service.

L’affaire a été tranchée par monsieur le juge Boudreau, de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse (consulter : 2016 NSSC 169, disponible uniquement en anglais) qui a affirmé l’irrecevabilité des revendications contractuelles de la Dre Horne, ne lui laissant que la mauvaise foi administrative comme cause d’action. Il a en outre affirmé que les dommages-intérêts pour la perte de carrière de recherche de la Dre Horne étaient une simple composante des dommages-intérêts au titre de la perte de réputation. Le jury a accordé à la Dre Horne des dommages-intérêts s’élevant à 1,4 million de dollars au titre de l’indemnisation pour la mauvaise foi administrative.

La Dre Horne a interjeté appel, affirmant que le juge du fond n’aurait pas dû empêcher le jury de se prononcer sur son allégation de violation de son contrat, et aurait dû évaluer les dommages-intérêts pour la perte de sa carrière de recherche comme des dommages-intérêts distincts. 

La régie de la santé a interjeté un appel incident, alléguant que le juge Boudreau avait instruit le jury, à tort, sur les principes de la mauvaise foi administrative et ceux des dommages-intérêts, et plus précisément erré en indiquant que les dommages-intérêts au titre de la perte de réputation recouvraient la carrière de recherche de la Dre Horne. La régie de la santé a en outre allégué que le jury aurait dû être informé que certains aspects de la demande de dommages-intérêts de la Dre Horne étaient irrecevables et qu’en tout état de cause, l’octroi de 1,4 million de dollars constituait une erreur manifeste et dominante.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a rejeté l’appel de la Dre Horne. Monsieur le juge Boudreau a affirmé avec raison que les dommages-intérêts au titre de la perte des privilèges pouvaient être évalués du point de vue administratif mais non du point de vue contractuel. La Cour d’appel a cité les arrêts Rosenhek v Windsor Regional HospitalNote de bas de page1 et Shephard v Colchester Regional Hospital CommissionNote de bas de page2 pour appuyer l’affirmation qu’il n’existait aucune base contractuelle sur laquelle évaluer les dommages-intérêts au titre de la perte des privilèges hospitaliers. Les privilèges de la Dre Horne étaient intégralement régis par les règlements disciplinaires applicables, soit un ensemble complet de textes législatifs qui s’applique qu’il y ait ou non un contrat. Puisque les autres motifs d’appel de la Dre Horne présumaient que des dommages-intérêts découlaient de la responsabilité contractuelle, cette affirmation les privait de toute chance de succès.

La Cour d’appel a rejeté les appels incidents de la régie de la santé quant à la responsabilité. En ce qui concerne les principes de mauvaise foi administrative, selon les instructions générales données par monsieur le juge Boudreau au jury, pour qu’il y ait mauvaise foi, il faut conclure à l’inadvertance subjective, et la témérité était pertinente si la conduite du chef de division avait été dictée par la colère ou tout autre motif, ou si la directrice du service avait mené une enquête avec une telle négligence qu’elle avait agi avec mauvaise foi, malveillance ou ressentiment. Ce n’était pas une déclaration erronée de la norme applicable pour conclure à la mauvaise foi. Il n’était pas non plus erroné de communiquer au jury la théorie selon laquelle la mauvaise foi du chef de division et de la directrice du service était imputable à la régie de la santé. Le chef de division agissait au nom de la régie de la santé et, selon la théorie de la Dre Horne, ses privilèges ont été modifiés en raison du copinage qui avait entaché la prise de décisions administratives. Il incombait au jury de trancher si la preuve corroborait la théorie de la Dre Horne.

La Cour d’appel a accueilli les appels de la régie de la santé concernant les dommages-intérêts. S’agissant des instructions données au jury au sujet des dommages-intérêts, les instructions du juge Boudreau semblaient effectivement rejeter la forme pécuniaire des dommages-intérêts particuliers quant au rendement ou aux attentes qui étaient inclus dans la revendication contractuelle de la Dre Horne qui avait été rejetée. Cependant, les instructions données au jury n’expliquaient pas la distinction entre cette approche et la mesure appropriée des pertes recouvrables. Cela avait manifestement déconcerté les jurés. La décision préliminaire n’a par conséquent pas distingué correctement les éléments de l’atteinte à la carrière de recherche de la Dre Horne qui pouvaient être revendiqués et ceux qui ne le pouvaient pas, et ainsi, le montant était probablement augmenté de certains éléments que le jury n’aurait pas dû prendre en compte.

Les parties avaient antérieurement convenu que si le montant des dommages-intérêts devait être infirmé en appel, la Cour d’appel déterminerait celui qui était approprié. Elle a évalué les dommages-intérêts généraux à 800 000 $.

L’arrêt Horne est digne de mention en raison de son analyse très utile des principes de la mauvaise foi administrative dans le contexte de la modification des privilèges hospitaliers, et plus particulièrement en raison de sa confirmation au niveau de l’appel que les allégations de modification erronée de privilèges hospitaliers doivent être évaluées du point de vue administratif et non contractuel.

Préparé par Paul Saunders, stagiaire dans le cabinet Harper Grey LLP

Notes de bas de page

Notes de bas de page 1

[2007] OJ No 4486 (cour supérieure), autorisation d’appel rejetée 2010 ONCA 13 (disponibles uniquement en anglais).

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Notes de bas de page 2

[1995] NSJ No 5 (NSCA) (disponible uniquement en anglais).

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