Certains frais juridiques engagés dans le cadre de demandes pour recevoir le versement des pensions alimentaires pour enfant ou pour conjoint peuvent être déduits des impôts. Si vous exercez le droit de la famille au Canada, vous avez une obligation envers vos clients qui cherchent à obtenir ces paiements, de les aider à obtenir cette déduction. À mon avis, tous les clients qui ont ce genre de demande méritent de recevoir une lettre de leur avocat; lettre qui peut être présentée à l’Agence du revenu du Canada à titre de justificatif de la déduction.
Dans certaines régions, la fourniture de lettres qui indiquent les dépenses des bénéficiaires au titre des frais connexes à l’obtention de la pension alimentaire peut être affaire de routine. Cependant, en Saskatchewan, cette pratique est loin d’être universelle. Les juristes pourraient ne pas apprécier une suggestion selon laquelle la pratique de l’envoi de cette lettre devrait être normalisée alors qu’ils ont l’impression de n’avoir ni les ressources ni le temps pour le faire. Pourtant, il ne fait aucun doute que ces lettres sont dans l’intérêt de la plupart des clients.
Selon les articles 3.78 à 3.84 du Folio de l’impôt sur le revenu S1-F3-C3, les frais juridiques et comptables, qui peuvent être engagés lorsque des conseils d’experts sont nécessaires, encourus pour présenter des demandes connexes à l’obtention de la pension alimentaire pour enfants ou pour conjoint peuvent être demandés à la ligne 221 de la déclaration de revenus et de prestations T1 générale. Il s’agit des frais engagés aux motifs suivants :
- établir le montant de pension alimentaire pour enfant et du conjoint exigible;
- présenter une demande d’augmentation du montant de la pension exigible;
- présenter une défense face à une demande de réduction du montant de la pension exigible;
- présenter une demande de recouvrement des arriérés de pension alimentaire;
- présenter une demande pour faire en sorte que les versements au titre de la pension alimentaire pour enfants effectués avant l’entrée en vigueur des lignes directrices ne soient pas imposables.
Qui plus est, le montant de toute déduction doit être réduit pour refléter tous les dépens ou remboursements obtenus par le bénéficiaire en lien avec la demande, comme les ordonnances d’attribution des dépens. En outre, il faut remarquer que la déduction fiscale ne peut être demandée que par les bénéficiaires de la pension alimentaire. Les débiteurs qui s’opposent à des demandes de pension alimentaire pour enfant ou conjoint ne peuvent bénéficier d’aucune déduction. (Veuillez remarquer que le Folio de l’impôt sur le revenu S1-F3-C3, entré en vigueur le 24 novembre 2015, remplace le bulletin d’interprétation IT–530R, soit le document de référence antérieur concernant le caractère déductible des frais juridiques connexes aux pensions alimentaires.)
La rédaction de lettres à des fins fiscales, exige des juristes qu’ils indiquent avec précision les frais engagés en lien avec des enjeux touchant à la pension alimentaire et déduisent tous dépens accordés à leur sujet. Naturellement, cela pose un certain risque de mise en jeu de la responsabilité au cas où l’ARC effectue une vérification des frais juridiques demandés au titre de la déduction, et cela pourrait exiger du juriste qu’il consacre des heures non facturables à la justification de la déduction.
Cette charge de travail peut être, en partie, allégée au moyen de la mise en œuvre d’une procédure pour déterminer les frais déductibles et veiller à ce que des lettres soient automatiquement envoyées à tous les clients à la fin de l’exercice.
Notre bureau a une politique qui exige de tous les avocats qu’ils impriment un registre organisé en fonction du nom des clients et contenant les honoraires reçus au cours de l’année civile précédente. Les juristes examinent le registre et estiment la portion des frais de chacun des clients attribuables à l’obtention d’une pension alimentaire pour enfant ou conjoint, compte tenu du fait qu’ils devront justifier leur répartition des frais si l’ARC l’exige. En fonction du logiciel comptable utilisé par votre bureau, la création d’un tel registre ne devrait pas être trop difficile.
Pour illustrer cette procédure, imaginez qu’un client a dépensé 5 000 $ au titre des frais juridiques en 2018 pour obtenir un divorce et les ordonnances définitives concernant la garde, le temps parental, la pension alimentaire pour enfant, la pension alimentaire du conjoint et la répartition des biens. Si un temps plus ou moins égal a été consacré à chacun de ces six enjeux, on peut estimer qu’un tiers des frais est connexe à la pension alimentaire, ce qui se traduit par des frais déductibles de 1 667 $ desquels serait déduit un tiers de tous les dépens ordonnés. (Cependant, il est très rare que chaque catégorie de recours exige que l’avocat y consacre le même montant de temps. Il devrait examiner minutieusement la façon dont chacun des dossiers a été géré avant de déterminer la portion des frais du client qui pourrait être déductible.)
Il existe d’autres façons d’estimer le montant des frais du client qui est déductible. Ainsi, le personnel peut rédiger des lettres à des fins fiscales à partir d’une liste de clients compilée par tous les juristes. Cette liste devrait comporter les informations suivantes :
- nom et coordonnées du client,
- frais juridiques engagés par ce client au cours d’une année d’imposition donnée (total $),
- proportion de ces frais consacrée à l’obtention de la pension alimentaire (proportion %)
- montant des dépens convenus ou ordonnés (dépens $),
- calcul de la proportion des dépens par rapport à l’obtention de la pension alimentaire (total $ moins dépens $, multiplié par proportion %)
Une fois la liste ci-dessus dressée, une lettre générale peut être rédigée et envoyée en remplissant les blancs. Par exemple :
Vous pourriez avoir le droit de déduire les frais juridiques que vous avez engagés en 2018 au titre de votre demande de pension alimentaire pour enfant ou conjoint ou les deux.
En 2018, vous avez payé en tout total $ au titre des frais juridiques. Ce total doit être compensé par le montant des dépens qui vous ont été accordés, soit dépens $. À mon avis, une proportion d’environ proportion % du montant net est liée à l’obtention de la pension alimentaire, ce qui se traduit par un total de frais juridiques déductibles de ______ $.
Vous pourriez souhaiter obtenir les conseils d’un comptable concernant la demande de cette déduction à la ligne 221 de votre déclaration de revenus pour 2018.
Il est prudent d’inclure une clause qui limite votre responsabilité; clause qui entrera en jeu au cas où l’ARC conteste votre répartition des frais. Il est aussi prudent de rédiger les lettres destinées aux clients en imaginant qu’elles feront l’objet de contestations et que vous devrez justifier votre évaluation.
Vous pouvez aussi limiter votre responsabilité en utilisant d’autres moyens tels que les suivants :
- communiquer aux clients le montant total des frais juridiques engagés et leur laisser le soin d’évaluer le montant consacré à la demande de la pension alimentaire pour enfant ou conjoint,
- mettre en place un deuxième système de comptabilisation du temps pour effectuer le suivi du temps consacré aux demandes de pensions alimentaires,
- faire montre de prudence dans le calcul de la proportion des frais attribuables à la demande de pension alimentaire,
- indiquer clairement dans votre lettre qu’il est difficile d’estimer le temps consacré à l’obtention de la pension alimentaire étant donné qu’en droit de la famille les diverses questions juridiques sont généralement dépendantes les unes des autres.
Les juristes spécialisés en droit de la famille devraient rédiger une lettre à des fins fiscales à chaque fois qu’un client pourrait avoir le droit de déduire les frais connexes à la demande d’une pension alimentaire pour enfant ou conjoint. La rédaction de ces lettres fait partie de nos obligations envers nos clients et devrait être une pratique normalisée dans l’ensemble de la profession, sans égard au temps qu’il faut pour les rédiger.
Beau Atkins est associé dans le cabinet Edge Family Law à Saskatoon