En juin dernier, dans le cadre d’un programme d’échange étudiant, j’ai eu la chance d’étudier le droit européen à la faculté de droit EBS de Wiesbaden, en Allemagne. Les cours étaient axés sur la nature unique de l’Union européenne. Le programme comprenait une série de visites : la Cour de justice européenne au Luxembourg, le Parlement européen et la Cour des droits de l’homme à Strasbourg et la Banque centrale européenne à Francfort.
Apprendre, c’est avant tout découvrir l’inattendu. Effectivement, j’ai eu droit à des surprises. J’en ai fait une liste en neuf points saillants :
- L’Union européenne est une structure supranationale : C’est la première chose qu’on enseigne en droit européen : chacun des 28 États membres transfère une partie de ses droits souverains à l’Union européenne, ce qui confère à cette dernière une autorité supérieure et le droit d’imposer des obligations juridiquement contraignantes. Toutefois, elle ne peut imposer des règlements et des directives qu’aux pays membres, jamais à leurs citoyens.
- Le pays qui souhaite entrer dans l’Union européenne doit répondre à trois critères non écrits, communément appelés les « critères de Copenhague ». Le futur pays membre doit satisfaire aux critères politique, économique et d’acquis communautaire : il doit avoir des institutions stables garantissant le respect des principes démocratiques et des droits de la personne, une économie de marché fonctionnelle, ainsi que la capacité de remplir ses obligations d’État membre de l’Union européenne.
- L’admission d’un nouveau pays membre doit faire l’unanimité. Autrement dit, chacun des 28 États membres a le droit de veto. Cela pose problème quand un pays vote systématiquement contre une admission en raison d’un grief historique. Par exemple, la Grèce vote toujours contre la Macédoine, au motif que celle-ci n’est pas un pays souverain, mais une province grecque.
- Du roumain au maltais en 3,8 secondes! Je reste sans voix devant la somme de temps et d’efforts consacrés à la traduction de chaque discussion, document ou décision que traitent les institutions de l’UE. Au total, celle-ci compte 24 langues officielles, ce qui fait travailler quelque 4 300 traducteurs et 800 interprètes à temps plein.
- On choisit très soigneusement le siège de l’arbitrage pour résoudre un différend au sein de l’UE. Un aspect de la résolution des différends internationaux a vraiment captivé mon intérêt : l’importance que revêt le choix du siège de l’arbitrage, car ce choix détermine quel droit national régira la procédure d’arbitrage. S’il est vrai qu’on peut simplement choisir un endroit commode pour les parties, celles-ci choisissent le plus souvent en fonction de la manière dont le pays en question fera respecter la décision ou les décisions du tribunal. Le « pays d’arbitrage » a la compétence exclusive pour ce qui est d’annuler une décision du tribunal. Actuellement, les choix les plus populaires sont la Suisse pour son impartialité et son efficacité, l’Autriche pour sa situation centrale et sa réputation de neutralité, et la Belgique pour sa capacité de mener les procédures en néerlandais, en français et en anglais et aussi en raison de la latitude dont y jouissent les parties concernant la portée de l’arbitrage et les règles procédurales.
- La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne interdit le clonage humain. La Charte, entrée en vigueur le 1er décembre 2009, permet aux citoyens des États membres d’intenter une action contre une institution de l’UE qui ne respecte pas la Charte. Cette charte « nouvellement entrée en vigueur » est divisée en sept rubriques : Dignité, Libertés, Égalité, Solidarité, Citoyenneté, Justice et Dispositions générales régissant l’interprétation et l’application de la Charte. Elle a apporté certaines innovations en désignant explicitement le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle comme motifs de discrimination interdits.
- La Banque centrale européenne est plus intéressante qu’on croit. Une banque centrale… quoi de plus banal? Mais attention, celle-ci vous réserve plus d’une surprise. La BCE est régie par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lequel énonce son champ de compétence, son objectif, son indépendance et sa gouvernance. Voici ce qui a le plus retenu mon attention :
- La BCE a pour objectif principal de garantir la stabilité des prix; elle vise à maintenir l’inflation juste sous la barre des 2 % dans la zone euro. L’inflation se situait à 1,3 % en date de juillet 2017, mais elle n’était qu’à 0,2 % en juillet 2016.
- L’Union européenne tire 80 % de son financement des banques plutôt que des parts publiques ou des investisseurs privés; cela découle surtout des relations que l’Europe a toujours eues avec les banques.
- La BCE est complètement indépendante.
- La Cour de justice européenne ne peut que vérifier la légalité des actes posés par la BCE; elle n’a aucun mot à dire concernant les aspects techniques.
- Si vous avez affaire au Parlement européen, bienvenue dans le « cirque »! Au Parlement européen à Strasbourg, j’ai tout de suite été frappée par le nombre de gens qui, mallette à la main, allaient et venaient dans l’édifice. Le Parlement a trois sièges : Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg. Les bureaux administratifs se trouvent à Luxembourg, et le Parlement siège trois semaines par mois à Bruxelles, et une semaine à Strasbourg. C’est pour cela qu’on le qualifie volontiers de « cirque ambulant ». Cet état de choses est impopulaire, car ces déplacements mensuels ajoutent au coût de fonctionnement du Parlement. Il a été proposé de modifier les traités de l’UE de manière à centraliser le Parlement à Bruxelles. Mais voilà : la France tient au siège du Parlement à Strasbourg et oppose son veto à un tel changement.
- Le Parlement européen peut opposer son veto au Brexit. L’article 50 des traités de l’Union européenne présente une explication de la procédure de retrait de l’UE. En vertu de cet article, tout État membre peut se retirer unilatéralement. Pour ce faire, il doit remettre une « lettre en vertu de l’article 50 » au président du Conseil européen. Une fois la lettre remise, le pays qui se retire dispose d’un délai de deux ans pour négocier les modalités de son retrait. Cette entente doit recevoir l’approbation d’une « majorité qualifiée » des pays membres, et le Parlement européen peut y opposer son veto.
Cette liste n’est pas exhaustive : j’ai appris bien plus durant mon programme d’échange estival. Ce sont les neuf points qui me semblent les plus directement liés aux événements actuels – et sans doute à venir – de la scène internationale. Je n’ai fait que m’initier aux lois et règlements de l’Union européenne, et j’ai hâte de m’y jeter à corps perdu, car j’ai soif d’en savoir plus.
Brittany Buna est en deuxième année de droit à l’université Thompson Rivers, à Kamloops.