Le bureau national de l'ABC sera fermé du 23 décembre 2025 au 1er janvier 2026 (inclusivement), et reprendra ses activités le 2 janvier 2026.

Skip to main content

La Loi sur la quarantaine : attention aux conséquences pénales pour les sociétés, les administrateurs et les dirigeants

30 avril 2020

Le gouvernement canadien a publié un arrêté d’urgence en vertu de la Loi sur la quarantaine, en vertu duquel toute personne qui pénètre sur le territoire canadien par la voie des airs, des mers ou des terres est tenue de s’isoler pendant 14 jours, quelle ait ou non des symptômes d’infection par le virus COVID-19. L’arrêté publié le 25 mars demeure en vigueur jusqu’au 30 juin 2020.

Les articles pertinents de la Loi

La personne qui ne se conforme pas aux termes de l’isolement obligatoire encourt une amende maximale de 750 000 $ ou un emprisonnement de six mois, ou les deux. En outre, toute personne qui en expose une autre à un danger imminent de mort ou de blessures graves, en contrevenant intentionnellement ou par insouciance à la Loi (y compris l’isolement obligatoire), est passible d’une amende maximale d’un million de dollars ou d’un emprisonnement allant jusqu’à trois ans, ou les deux. L’Agence de la santé publique du Canada a confirmé que des vérifications aléatoires seront effectuées pour vérifier le respect de l’isolement obligatoire et de la Loi.

L’isolement obligatoire peut également avoir d’importantes répercussions sur les sociétés et leurs dirigeants, plus particulièrement dans les secteurs désignés comme étant des services essentiels. La Loi impose expressément une obligation d’assurer la conformité sous peine de poursuites sanctionnées par une amende maximale de 750 000 $ ou un emprisonnement de six mois, ou les deux.

En premier lieu, l’article 73 de la Loi exige de chaque administrateur et dirigeant d’une société qu’il prenne toutes les mesures raisonnables pour veiller à ce que la société respecte la Loi.

En second lieu, l’article 74 de la Loi prévoit que pour que la responsabilité pénale d’une société soit engagée, il suffit de prouver qu’une infraction à la Loi a été commise par un employé ou un mandataire. Dans ces circonstances, le seul moyen de défense possible est de démontrer que (i) l’infraction a été commise à l’insu ou sans le consentement de la société et que (ii) la société a pris toutes les précautions voulues pour empêcher la perpétration de l’infraction.

Par exemple, un employé est revenu au Canada, en provenance des États-Unis il y a cinq jours. Personne dans la société ne savait que l’employé avait quitté le pays. L’employé revient au travail le lendemain de son retour, faisant fi de l’obligation d’isolement obligatoire.

Il est moins manifeste que la société ou ses administrateurs et dirigeants pourraient s’exposer à une possible enquête et à des poursuites, sauf s’ils peuvent indiquer les mesures proactives mises en place pour prévenir la transgression de l’employé et certains risques que cela a fait courir aux autres employés.

L’interprétation de la responsabilité de l’entreprise et des administrateurs

Les tribunaux canadiens ne se sont jamais prononcés concernant les articles 73 et 74 de la Loi. Néanmoins, on peut tirer des inférences de décisions portant sur les obligations « de prendre toutes les mesures voulues » et de « prendre toutes les mesures raisonnables » prévues dans d’autres lois fédérales. Par conséquent, la détermination de ce qui constitue les mesures voulues relève d’une analyse hautement objective et axée sur les faits. Elle exige que compte soit tenu de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans des circonstances similaires.

À tout le moins, les normes de diligence requise et de mesures raisonnables exigent de la société qu’elle établisse un protocole pour veiller au respect de la loi. Ce protocole doit prévoir la confirmation que les employés connaissent les exigences légales, et l’existence de voies de communication efficaces. Les employés doivent pouvoir demander des clarifications à la personne appropriée s’ils ont des doutes quant à la signification de quelque règle ou instruction que ce soit.

Les pratiques exemplaires pour garantir le respect de la loi

Les mesures mises en place pour s’acquitter des obligations imposées par la Loi devraient être communiquées aux employés dans les deux langues officielles, le cas échéant. Qui plus est, tous les employés devraient être tenus de confirmer qu’ils ont reçu et lu les nouvelles politiques. Enfin, il importe que les sanctions applicables en cas de non-conformité soient imposées et communiquées aux employés.

Les exemples ci-dessous sont des pratiques exemplaires qui peuvent être insérées dans une telle politique. Naturellement, cette longue liste non exhaustive devrait être adaptée aux réalités de chaque entreprise, particulièrement dans le cas des secteurs désignés comme fournissant des services essentiels.

  • Désignez une personne à laquelle les employés rendront compte.
  • Fournissez régulièrement des mises à jour à tous les employés.
  • Interdisez tous les déplacements d’affaires non essentiels.
  • Veillez à ce que les déplacements passés et futurs des employés à des fins professionnelles et personnelles soient signalés aux ressources humaines, de préférence à une personne désignée.
  • Autant que possible, imposez un arrêt temporaire des activités internes et externes en personne.
  • Refusez l’accès aux installations de l’entreprise aux employés visés par l’isolement obligatoire et, dans la mesure du possible, autorisez-les à travailler à distance.
  • Créez un numéro de téléphone ou une adresse électronique permettant à quiconque de rendre compte de toute non-conformité réelle ou présumée, sous le sceau de la confidentialité.
  • Veillez à ce que la direction rende compte régulièrement au conseil d’administration concernant le respect de la loi et des politiques internes.

Matthew S. Shadley est associé et Lauren Shadley est avocate dans le cabinet Shadley Bien-Aimé.

Léon H. Moubayed est associé et Sarah Gorguos est avocate dans le cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg