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Le Canada criminalise les paiements de facilitation

26 janvier 2018

Lors de son entrée en vigueur, le 31 octobre 2017, le projet de loi S-14, Loi modifiant la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers a abrogé l’exception des « paiements de facilitation » prévue par la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers du Canada.

Un « paiement de facilitation » est une somme versée à un fonctionnaire du gouvernement en vue de faciliter l’approbation de certains types de transactions ou d’activités commerciales. Dans certains pays, les paiements de facilitation peu élevés sont considérés comme des frais officieux ou des « pourboires » plutôt que comme des pots-de-vin puisqu’ils favorisent un service de qualité au profit d’une personne y ayant déjà plein droit. Il importe, pour les ressortissants des pays de l’Amérique du Nord, de ne pas oublier que, dans un grand nombre de pays, l’État possède de très nombreuses entreprises. Par conséquent, des employés du secteur hôtelier, de la restauration, de l’installation de lignes téléphoniques ou du raccordement aux services publics et autres pourraient être des « fonctionnaires du gouvernement » aux fins des paiements de facilitation. Imaginez que vous vous installez dans un pays étranger et que vous ne pouvez pas relever votre courrier, téléphoner, vous chauffer ou obtenir un quelconque service public pour votre maison parce que la liste d’attente est longue de trois ans, sauf si vous « graissez des pattes » pour accélérer la prestation de services auxquels vous avez par ailleurs pleinement droit.

Les Américains ont été les pionniers de la législation visant à lutter contre la corruption. En vertu de leur loi intitulée Foreign Corrupt Practices Act, promulguée en 1977, les paiements de facilitation versés pour accélérer la prise de mesures ou la prestation de services gouvernementaux (obtention de permis, traitement de documents du gouvernement, protection policière, services postaux et publics) étaient autorisés car certains pays ne les considèrent pas comme des pots-de-vin tant qu’ils ne sont versés ni pour obtenir ou conserver des contrats commerciaux, ni pour créer un avantage injuste ou indu par rapport à une autre entreprise. Ces pays peuvent penser que de tels paiements font tout simplement partie du coût de l’exploitation d’une entreprise, particulièrement lorsque la rémunération des fonctionnaires de bas étage, en l’absence de ces versements, serait inéquitable. Traditionnellement, certains pays vendent des charges gouvernementales aux particuliers, puis autorisent ces particuliers à produire un revenu en monnayant leur charge moyennant le paiement de droits pour la délivrance de permis gouvernementaux.

La Convention des Nations Unies contre la corruption interdit les paiements de facilitation. Le statut juridique de ces paiements varie en fonction des pays. Le Canada les ayant désormais déclarés illégaux et les États-Unis continuant à les autoriser à condition qu’ils figurent sur les états financiers consolidés de la société, les sociétés canadiennes devront revoir leurs pratiques à l’échelle mondiale, particulièrement si elles ont une société mère ou des filiales aux États-Unis qui pourraient ne pas être au courant de la modification de la loi. Matière à réflexion : les chefs de nos Premières Nations sont-ils des « fonctionnaires du gouvernement »? L’échange de cadeaux dans le cadre de tractations avec nos peuples autochtones est-il désormais « hors la loi » en tant que « paiement de facilitation »?

David Debenham est avocat dans le cabinet McMillan LLP