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La CAF précise les cas où on peut réclamer des CTI en l’absence de fournitures taxables

12 septembre 2018

Le paragraphe 141.01(2) de la Loi sur la taxe d’accise prévoit qu’un bien ou un service acquis pour utilisation dans une entreprise est réputé utilisé dans le cadre des activités commerciales seulement dans la mesure où le bien ou le service est utilisé afin d’effectuer des fournitures taxables ou détaxées. Par ailleurs, le paragraphe 141.1(3) prévoit que tout acte d’une personne à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une activité commerciale est réputé se produire dans le cadre d’activités commerciales.

Conceptuellement, dans les cas où un inscrit acquiert un bien ou un service à l’occasion de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une activité commerciale, mais n’a pas encore effectué ou a cessé d’effectuer des fournitures taxables, il y a un conflit apparent entre le paragraphe 141.1(3) et le paragraphe 141.01(2). Dans ce scénario, un inscrit serait réputé avoir effectué le bien ou le service dans le cadre d’activités commerciales en vertu du paragraphe 141.1(3), mais serait aussi réputé avoir effectué le bien ou le service dans le cadre d’activités non commerciales en vertu du paragraphe 141.01(2).

Dans ONEnergy Inc. v. Canada, 2018 FCA 54, la Cour d’appel fédérale a résolu ce conflit apparent en concluant que le paragraphe 141.1(3), étant la disposition plus particulière, l’emporte sur le paragraphe 141.01(2).

Dans l’arrêt ONEnergy, l’appelante/l’inscrite avait exploité une entreprise de télécommunications sous la dénomination Look Communications Inc. Pendant qu’elle exploitait cette entreprise de télécommunications, l’inscrite a offert un régime d’options d’achat d’actions et un régime de droits à la plus-value des actions à certains employés, administrateurs et consultants. À l’exercice, le régime DPVA permettait à ces porteurs de droits de recevoir un montant correspondant à la différence entre la juste valeur marchande des actions à l’exercice des droits et leur juste valeur marchande à l’attribution des droits.

En 2009, Look a vendu son spectre de télécommunications et sa licence de radiodiffusion du CRTC pour un produit net de 64 millions de dollars. Cela a concrètement mis fin à l’entreprise de télécommunications et à la création de fournitures taxables pour l’application de la TPS. Une partie du produit des ventes du spectre et de la licence a servi à payer l’annulation des options d’achat d’actions et des DPVA ainsi que les primes aux porteurs de droits, notamment les administrateurs, dirigeants, actionnaires et employés (collectivement appelés les « anciens dirigeants »).

En juillet 2011, Look, au nom de ses actionnaires, a intenté une poursuite pour manquement à l’obligation fiduciaire et détournement du produit des ventes du spectre et de la licence contre les anciens dirigeants, alléguant que des paiements excédentaires au montant de 14,7 millions de dollars avaient été effectués. Cela a inévitablement engendré des frais juridiques considérables et d’autres dépenses à l’égard desquels Look s’est fait facturer et a payé la TPS.

Une requête fondée sur la règle 58 a été présentée à la Cour canadienne de l’impôt en vue de la détermination de la question de droit consistant à savoir si les frais liés au litige avaient été engagés dans le cadre d’une activité commerciale en vertu de l’alinéa 141.1(3)a) de la LTA.

La CCI a déclaré que les frais liés au litige étaient personnels et n’avaient donc pas été engagés dans le cadre d’une activité commerciale en vertu de l’alinéa 141.1(3)a).

En appel, la CAF estimait que la CCI avait commis une erreur en concluant que les frais liés au litige étaient personnels. La CAF considérait les frais liés au litige comme une réclamation pour excédent de rémunération contre les anciens dirigeants. Étant donné que cette rémunération avait été versée pour les services rendus dans le cadre des activités commerciales de Look ou de la cessation de ces activités, la CAF était d’avis que ces frais n’étaient pas personnels.

Cela dit, la CAF a souligné que puisque Look avait cessé d’effectuer des fournitures taxables avant d’engager les frais juridiques, il y avait un conflit apparent entre les règles constitutives de présomption prévues aux paragraphes 141.01(2) et 141.1(3) de la LTA parce qu’il peut être difficile de soutenir qu’une dépense engagée après qu’un inscrit cesse d’effectuer des fournitures taxables est engagé en vue d’effectuer des fournitures taxables même si elle est faite dans le cadre de la cessation d’activités commerciales.

La CAF a résolu ce conflit en concluant qu’étant donné qu’il s’agissait d’une disposition plus particulière, le paragraphe 141.1(3) l’emportait sur le paragraphe 141.01(2) en raison de la règle d’interprétation législative de l’« exception implicite » qui prévoit qu’on ne peut pas appliquer une disposition générale de manière à écarter une disposition particulière. Ainsi, la CAF a conclu que le paragraphe 141.01(2) s’applique de façon générale, mais que lorsqu’un inscrit acquiert un bien ou un service, dans des cas où le paragraphe 141.1(3) s’applique (c.‑à‑d. dans le cadre de l’acquisition, de l’établissement, de l’aliénation ou de la cessation d’une activité commerciale), l’inscrit ne perd pas son droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants parce que cette personne n’effectue pas de fournitures taxables au moment de l’acquisition de ce bien ou de ce service.

Ayant conclu que le fait que Look n’effectuait plus de fournitures taxables ne constituait pas en soi une raison pour la priver de son droit de réclamer des CTI ayant trait aux frais liés au litige, la CAF était d’avis qu’il y avait un lien clair entre le litige et la cessation des activités commerciales de Look puisque l’excès de rémunération avait trait à des services rendus par les anciens dirigeants pendant que Look effectuait toujours des fournitures taxables. Pour ce motif, la CAF a conclu qu’il y avait un lien suffisant entre la cessation des activités commerciales de Look et les frais liés au litige pour permettre à Look de réclamer des CTI.

La CAF a donc accueilli l’appel et a confirmé que les frais liés au litige payés par Look avaient été engagés dans le cadre d’une activité commerciale en vertu de l’alinéa 141.1(3)a) de la LTA.

La décision rendue par la CAF dans l’affaire ONEnergy est certes une victoire agréable pour les contribuables. De façon plus importante, la conclusion de la CAF, selon laquelle lorsque le paragraphe 141.1(3) s’applique, une personne ne sera pas privée du droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants simplement parce que cette personne n’effectue pas de fournitures taxables au moment de l’acquisition de ce bien ou de ce service, est importante puisqu’elle fait en sorte que les entreprises canadiennes, particulièrement les entreprises en démarrage, soient traitées justement et ne soient pas aux prises avec une cascade de préoccupations fiscales (ce qui se produirait par exemple si les CTI étaient retardés au démarrage d’une entreprise).

Robert G. Kreklewetz et Steven Raphael exercent à Millar Kreklewetz LLP