Le 23 janvier, les onze derniers pays membres de l’accord de Partenariat transpacifique ont annoncé la conclusion de leurs discussions portant sur une version révisée de l’accord de libre-échange. Rebaptisé Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), le nouvel accord a été signé au Chili, le 8 mars. Avec la signature de cet accord, le Canada continue à étendre et à diversifier ses principaux accords commerciaux régionaux au-delà de l’Accord de libre-échange nord-américain, qui fait à l’heure actuelle l’objet de négociations orageuses dont l’issue demeure incertaine. Il importe de souligner que le PTPGP actualise les modalités du commerce entre le Canada et le Mexique.
Les États-Unis se sont retirés du PTP le 30 janvier 2017, après la conclusion de l’accord avec les autres onze membres, soit l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam. Le texte juridique de l’accord avait alors déjà été finalisé et seules la mise en œuvre et la ratification restaient à faire. Le PTP aurait couvert environ 40 % du PIB mondial (évalué à 28,5 billions de dollars américains). Sans les États-Unis, la couverture du PTPGP est considérablement réduite puisqu’elle n’est que d’environ 13,6 % du PIB mondial (soit 10,2 billions de dollars américains). Cependant, malgré l’absence des États-Unis, l’accord crée d’importants nouveaux débouchés pour les exportateurs canadiens dans la région couverte par le PTPGP.
Ainsi, les secteurs canadiens de l’agriculture et de la pêche auront un accès préférentiel au marché s’agissant des marchés grand public et industriel des pays signataires. Avec l’élimination progressive des droits de douane, les marchandises canadiennes jouiront d’un avantage concurrentiel par rapport aux produits américains exportés sur ces marchés. Alors que le commerce entre les États-Unis et les pays signataires du PTPGP se poursuivra certainement, on peut s’attendre à ce que le nouvel accord fasse pencher la balance de la concurrence en faveur des producteurs canadiens, leur ouvrant de nouveaux débouchés d’exportation et de nouvelles chaînes d’approvisionnement. Au Japon, la plus vaste économie parmi celles des pays signataires du PTPGP, les entreprises canadiennes non seulement auront un avantage sur leurs concurrentes américaines, mais elles pourront également commercer sur les mêmes bases que leurs concurrentes mexicaines et australiennes (qui ont profité des avantages que leur offrent les accords commerciaux bilatéraux existants avec le Japon).
Comme il est susmentionné, la conclusion du PTPGP suscite en outre une nouvelle dynamique commerciale entre deux des trois membres de l’ALÉNA, soit le Mexique et le Canada, ce qui aura de possibles répercussions sur la renégociation de cet accord qui est actuellement en cours. Par exemple, dans le PTP original, les engagements à mettre en œuvre des protections plus rigoureuses de la propriété intellectuelle ont été d’importantes concessions face aux exigences américaines. Elles recouvrent de vastes modalités de protection du droit d’auteur et des brevets, des mesures de protection du marché fixe pour certains produits pharmaceutiques (p. ex. les médicaments biologiques), ainsi que d’autres engagements qui auraient exigé du Canada qu’il mette en œuvre des règles plus rigoureuses et plus strictes dans le domaine de la P.I. Toutefois, ces dispositions sont suspendues dans le PTPGP tel qu’il a été négocié, indiquant que le Canada et le Mexique pourraient ne plus souhaiter, à l’avenir, faire de telles concessions au profit des États-Unis. En revanche, le Canada et le Mexique pourraient avoir des difficultés à rejeter les exigences américaines faites dans le cadre de l’ALÉNA qui sont équivalentes aux dispositions du PTP qui ont été reconnues comme faisant partie intégrante du PTPGP. Il reste à voir comment les différences seront réconciliées dans le PTPGP et dans toute nouvelle version de l’ALÉNA découlant de nouvelles négociations s’agissant du respect des règles d’origine, particulièrement en ce qui concerne les seuils minimums de teneur en valeur régionale pour les véhicules à moteur.
En novembre 2017, le Canada a exprimé ses préoccupations quant à l’insuffisance de la protection offerte par le PTPGP aux secteurs culturels canadiens (c.-à-d., les médias canadiens, y compris les publications imprimées, les films, la musique ainsi que la diffusion télévisée et radiophonique). Ses hésitations sur ces points et sur un certain nombre d’autres ont empêché les parties de signer un accord de principe lors du Sommet de l’APEC au Vietnam. Elles ont, depuis, convenu que cette question notamment sera réglée au moyen de lettres d'accompagnement plutôt qu’en révisant et en modifiant considérablement le texte actuel de l’accord de PTP tel qu’il est incorporé par renvoi et modifié par le texte du PTPGP.
Le texte du PTPGP a été publié le 20 février. Très concis, il ne comporte que sept articles et une brève annexe.
Chose importante, l’article 1 incorpore par renvoi les dispositions consolidées du Partenariat transpacifique, et en fait une partie intégrante du PTPGP mutatis mutandis (tout en précisant que le PTPGP prévaudra dans la mesure de toute incompatibilité).
L’article 2 suspend indéfiniment l’application des dispositions du PTP énumérées dans l’annexe du PTPGP. Dans cette liste, figurent les dispositions du PTP dont les parties ont antérieurement convenu de suspendre l’application, telles qu’elles sont indiquées à l’alinéa 3 et à l’annexe II de la Déclaration ministérielle à propos du Partenariat transpacifique publiée en novembre 2017 (disponible uniquement en anglais sur ce site), et des dispositions supplémentaires issues de négociations qui ont récemment été finalisées. Un grand nombre des dispositions dont l’application est suspendue ne sont plus pertinentes au regard du nouvel accord, car il s’agissait de concessions faites aux États-Unis au cours des négociations originales du PTP.
Les autres articles sont de nature administrative, prévoyant l’entrée en vigueur du PTPGP, le retrait, l’adhésion, l’examen de l’Accord dans certaines circonstances, ainsi que l’authenticité et la primauté des versions rédigées en anglais, en espagnol et en français.
Le texte des nouvelles lettres d'accompagnement bilatérales, qui sera à l’origine de dispositions négociées plus approfondies du PTPGP, n’a pas encore été publié, mais sera rendu public « dès que possible ».
Dans le contexte du replis des États-Unis derrière des politiques commerciales protectionnistes et antimondialisation, les nouveaux accords régionaux multilatéraux tels que le PTPGP et l’Accord commercial et économique global entre le Canada et l’Union européenne revêtent une importante croissante pour le Canada, non seulement parce qu’ils ouvrent de nouveaux débouchés commerciaux et des alternatives commerciales aux intervenants canadiens, mais aussi parce qu’ils leur confèrent, sur d’importants marchés internationaux, des avantages concurrentiels sans précédent sur les exportateurs américains. Les négociations entre les États-Unis et l’Union européenne au sujet du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement sont actuellement suspendues. Par conséquent, ni le Japon, ni l’Union européenne, ne négocie actuellement dans un contexte bilatéral avec les États-Unis. En fonction de l’issue des négociations visant à la modernisation de l’ALÉNA, la participation du Canada à l’AECG et au PTPGP pourrait en faire un lieu stratégique pour l’investissement étranger direct en Amérique du Nord.
Daniel Hohnstein, Jennifer Radford et Greg Tereposky sont associés dans le cabinet Tereposky & DeRose LLP
Le cabinet Tereposky & DeRose LLP prodigue régulièrement des conseils concernant les accords commerciaux internationaux, y compris l’ALÉNA, l’AECG, et le prochain PTPGP. Si vous avez des questions concernant de possibles débouchés en vertu de ces accords commerciaux ou toute autre question connexe au commerce, nous sommes à votre disposition.