En raison de l’augmentation des seuils d’examen adoptée cette année, les étrangers qui se portent acquéreurs d’entreprises canadiennes seront probablement moins souvent tenus de demander son approbation au ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique au titre du critère des « avantages nets pour le Canada ». En parallèle, les acquisitions d’entreprises canadiennes, même de petite taille, y compris les investissements minoritaires, peuvent toujours faire l’objet d’un examen relatif à la sécurité nationale. Le rapport annuel du gouvernement concernant l'application de la Loi sur Investissement Canada publié en août dernier souligne le fait que ce genre d’examen demeure relativement rare. Cependant, les conséquences d’un tel examen peuvent être gravissimes (p. ex., désinvestissement d’une opération déjà terminée). Le rapport fournit également des perspectives sur les motifs pour lesquels les examens relatifs à la sécurité nationale peuvent être ordonnés, ce qui aidera les investisseurs étrangers en puissance.
Simplification de l’évaluation des avantages nets
L’examen des investissements étrangers réalisés au Canada en vertu du critère des avantages nets pour le Canada a été considérablement simplifié cette année, du moins pour les investisseurs du secteur privé (soit ceux qui ne sont ni contrôlés ni influencés par des gouvernements étrangers) de certains pays. Le 21 septembre 2017, le nouveau seuil pour l’examen prévu par l’Accord économique et commercial global Canada-Union européenne, a été considérablement accru pour les investisseurs de l’Union européenne, le plaçant à une valeur d’affaire de l’entreprise canadienne visée de 1,5 milliard de dollars. Cela signifie qu’un moins grand nombre d’opérations seront visées par le critère d'avantage net qui exige généralement des investisseurs qu’ils s’engagent envers le gouvernement notamment sur des points tels que les niveaux d’emploi, la participation de Canadiens et de Canadiennes à la haute direction, le maintien de fonctions du siège social au Canada, et les dépenses en capital.
L’augmentation du seuil prévu pour l’évaluation est une bonne nouvelle pour les investisseurs étrangers et pas seulement ceux de l’Union européenne. Les investisseurs du secteur privé de pays avec lesquels le Canada a conclu des accords de libre-échange profitent eux aussi du seuil plus élevé. Il s’agit du Chili, de la Colombie, du Honduras, du Mexique, du Panama, du Pérou, de la Corée du Sud et des États-Unis.
Outre le seuil plus élevé applicable aux investisseurs de l’Union européenne et aux pays signataires d’un accord de libre-échange avec le Canada, le gouvernement a accéléré l’augmentation du seuil applicable aux investisseurs d’autres pays membres de l’Organisation mondiale du commerce, le faisant passer de 800 millions de dollars à 1 milliard de dollars deux ans en avance.
Meilleure divulgation des examens relatifs à la sécurité nationale
Le rapport analyse le nombre d’investissements étrangers réalisés au Canada, leurs sources et les secteurs dans lesquels ils ont été effectués. Il fournit également un nombre restreint, mais utile, de perspectives concernant l’approche actuelle du gouvernement à l’égard du processus d’examen relatif à la sécurité nationale.
Fréquence des examens relatifs à la sécurité nationale
Le rapport est plus détaillé que ses prédécesseurs quant aux examens relatifs à la sécurité nationale applicables aux investissements étrangers, y compris leur fréquence et leurs résultats.
En 2016-2017, sur les 22 demandes, 715 avis et autres investissements examinés en raison de possibles enjeux de sécurité nationale, quatre avis ont été émis pour proroger la période nécessaire au gouvernement pour décider si un examen relatif à la sécurité nationale doit être ordonné. Dans deux de ces quatre cas, cet examen n’a pas eu lieu.
Cinq examens relatifs à la sécurité nationale complets ont été effectués en 2016-2017, dont quatre résultaient de décrets du pouvoir exécutif, alors qu’un a été réalisé conformément à une ordonnance rendue par la Cour fédérale en novembre 2016 qui infirmait un décret pris par le gouvernement précédent en 2015 ordonnant le désinvestissement et qui renvoyait la question devant le ministre en vue d’un nouvel examen (l’affaire O-Net). Un dernier décret du pouvoir exécutif a été pris dans les cinq cas ayant fait l’objet d’un examen. Dans trois cas, il a été ordonné à l’étranger de se dessaisir du contrôle de l’entreprise canadienne. Dans deux cas, l’investissement a été autorisé sous réserve de conditions qui atténuaient, dans une mesure permettant la réalisation de l’investissement, les risques courus par la sécurité nationale tels qu’ils avaient été déterminés.
Ces résultats soulignent deux points au profit des investisseurs étrangers. En premier lieu, s’il existe un doute qu’il pourrait y avoir une préoccupation en matière de sécurité nationale dans le cadre d’une opération, les investisseurs devraient déposer les demandes appropriées plus de 45 jours avant la clôture afin de vérifier qu’un examen ne sera pas ordonné ou qu’un recours au désinvestissement ne sera pas invoqué. En second lieu, l’atténuation du risque couru par la sécurité nationale semble désormais un recours plus souvent accepté par le gouvernement dans certaines circonstances.
Le rapport souligne également le fait que le processus d’examen pourrait être de longue durée, soit plus de 200 jours si chacune des étapes du processus est suivie à la lettre dans son intégralité.
Motifs pour les examens relatifs à la sécurité nationale
Le rapport souligne en outre les facteurs de sécurité nationale qui, depuis 2012, ont justifié soit (i) une prorogation de la période pour envisager si un examen relatif à la sécurité nationale devrait être effectué, soit (ii) un décret du pouvoir exécutif ordonnant un examen relatif à la sécurité nationale. Il s’agit notamment des risques suivants :
- nuire aux capacités en matière de défense du Canada,
- transfert de technologies à double usage et de nature délicate ou de savoir-faire à l'extérieur du Canada,
- répercussions sur l'approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens,
- permettre la surveillance ou l'espionnage par des étrangers,
- nuire aux intérêts internationaux du Canada,
- implication ou facilitation du crime organisé.
Les facteurs les plus communs étaient les suivants : le risque de transfert de technologies à double usage et de nature délicate ou de savoir-faire à l'extérieur du Canada, le risque de nuire à l'approvisionnement de biens et de services essentiels aux Canadiens ou au gouvernement, et le risque de permettre la surveillance ou l'espionnage par des étrangers.
Vision d’avenir
Les investisseurs qui envisagent d’acquérir des entreprises canadiennes devraient accueillir positivement les efforts du gouvernement pour réduire le nombre d’évaluations fondées sur le critère des « avantages nets pour le Canada ». Cependant, cette simplification ne tient pas compte des investisseurs qui sont des entreprises d’État auxquels un seuil d’évaluation inférieur (une valeur comptable des actifs de l’entreprise canadienne visée de 379 millions de dollars) continue de s’appliquer. En outre, le présent gouvernement n’a pas renoncé officiellement à la politique édictée par son prédécesseur pour bannir les acquisitions de contrôle d’entreprises canadiennes du secteur des sables bitumineux par des entreprises d’État.
Les investisseurs étrangers et leurs conseillers trouveront utile l’assistance améliorée offerte par le gouvernement quant à l’examen relatif à la sécurité nationale au moyen de la publication de ses lignes directrices à la fin de l’an dernier et de ses meilleures communications concernant cet examen dans le rapport. Simultanément, quelques investissements ayant attiré l’attention des médias en 2017 (y compris l’affaire O-Net), certains groupes pensent que l’examen relatif à la sécurité nationale pourrait s’avérer plus subjectif, motivé par la politique et, par conséquent, plus imprévisible qu’on ne le pensait. Le bien-fondé de cette opinion est difficile à affirmer étant donné que malgré les efforts du gouvernement pour accroître la transparence, au Canada, le processus d’examen relatif à la sécurité nationale demeure très opaque.
Sandy Walker est associée dans le cabinet Dentons Canada LLP