Alors que commence le compte à rebours pour la légalisation du cannabis à des fins récréatives au Canada, les provinces et les producteurs de cannabis en puissance ont activement spéculé sur les possibles paramètres de l’emballage et de l’étiquetage des produits qu’édictera le règlement d’application de la Loi sur le cannabis. Le lundi 19 mars 2018, Santé Canada a répondu à ces questions avec une multitude d’exigences quant à l’emballage des produits dans le cadre de son rapport qui résume les résultats du processus de consultation. Santé Canada déclare avoir souhaité publier ce rapport pour aider les producteurs, les provinces, les territoires et autres intervenants à se préparer en vue de l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis. Présentement, la plupart des détenteurs actuels de permis de production de cannabis à usage médical, sinon tous, ont déjà établi leur stratégie de commercialisation et leur image de marque pour le marché du cannabis à des fins récréatives. Les renseignements résumés dans ce rapport pourraient signifier, au mieux, la possibilité de la nécessité de modifier les stratégies de création d’images de marque existantes et, au pire, la conception de nouvelles stratégies de commercialisation ou d’établissement d’une image de marque.
De façon générale, le rapport confirme le cadre réglementaire proposé par Santé Canada à l’égard des éléments indiqués ci-dessous.
Licences et permis
Les personnes interrogées ont indiqué appuyer le système d’octroi de licences proposé et les exigences réglementaires correspondantes pour chaque catégorie de licence, y compris celles visant la microculture et la microtransformation, pour aider à promouvoir la participation des producteurs à petite échelle au secteur du cannabis.
Accès continu au cannabis à des fins médicales
Les personnes interrogées appuyaient le maintien d’un système distinct (en vertu du Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales) qui continuerait à autoriser les personnes, dont le praticien de la santé le recommande, à accéder au cannabis à des fins médicales.
Exigences quant aux habilitations de sécurité
Quarante-cinq pour cent des personnes interrogées ont déclaré être d’accord avec les exigences proposées quant aux habilitations de sécurité, alors que 35 % ne l’étaient pas et ne s’accordaient pas sur la façon de qualifier la proposition, soit imposant un fardeau trop lourd au secteur ou étant trop laxiste. Cependant, une forte majorité des personnes interrogées ont convenu que les personnes ayant des antécédents d’activités criminelles non violentes à faible risque devraient être en mesure d’obtenir une habilitation de sécurité et de participer aux activités du secteur légal du cannabis; un point que Santé Canada a déclaré qu’il examinera lors de la rédaction du projet de règlement.
Réglementation des produits du cannabis
Une forte majorité des personnes interrogées appuyaient la proposition du gouvernement de ne pas restreindre le type de formes de produits pouvant être fabriqués et vendus dans les catégories de produits permises, y compris le cannabis séché, l’huile de cannabis, ainsi que les plantes et les graines de cannabis. Un grand nombre des personnes interrogées ont également exhorté le gouvernement à autoriser la vente d’une gamme de produits, y compris les formes comestibles et concentrées du cannabis, dès l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis, s’appuyant sur la nécessité pour ce secteur d’être en mesure de proposer le même éventail de produits que celui actuellement proposé de façon illicite. Le rapport de Santé Canada a néanmoins affirmé qu’une réglementation requise des produits comestibles et autres concentrés contenant du cannabis sera mise en œuvre dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis afin de permettre l’élaboration de règlements spécifiques adressant les risques uniques en leur genre posés par ces catégories de produits.
Exigences quant à l’emballage et à l’étiquetage
Ce qui est le plus frappant à propos du rapport sommaire de Santé Canada, c’est la réponse donnée par le gouvernement aux intervenants du secteur, qui déclaraient presque unanimement que pour préparer des produits conformes aux règles sur l’emballage et l’étiquetage à temps pour l’entrée en vigueur de la législation, il leur faudrait être certains, dès que possible, de la teneur des exigences du règlement.
Parmi les recommandations en matière d’emballage et d’étiquetage, Santé Canada a posé les exigences suivantes concernant l’image de marque des produits :
- un seul autre élément de marque (en plus du nom commercial) pourrait être affiché. Cet élément pourrait comprendre par exemple un slogan ou un logo. Si l’élément de marque est constitué d’un texte, la police de caractères ne devrait pas être plus grande que celle de la mise en garde, et elle devrait être d’une seule couleur uniforme. Si l’élément de marque est un graphique, une image ou un logo, il ne devrait pas être plus grand que le symbole du cannabis normalisé;
- il sera interdit d’afficher une autre image ou un autre graphique;
- l’arrière-plan des étiquettes ou des emballages devra avoir une seule couleur uniforme (à l’intérieur et à l’extérieur);
- il sera interdit d’utiliser des couleurs fluorescentes ou métalliques;
- les couleurs doivent contraster avec les couleurs du symbole de cannabis normalisé et l’arrière-plan des messages de mise en garde en matière de santé;
- les étiquettes et les emballages ne pourront pas avoir de revêtement (p. ex., ils ne pourraient pas être glacés), de gaufrage (images en saillie ou creuses), de texture, de feuilles, de découpes permettant de voir le contenu de l’emballage sans ouvrir celui-ci, ou d’étiquettes détachables;
- tout suremballage devra être transparent;
- il sera interdit d’insérer tout encart dans un emballage.
Qui plus est, le gouvernement fédéral a renforcé son approche axée sur la santé publique en dictant des normes concernant l’emplacement des renseignements, des mises en garde en matière de santé, en prévoyant un symbole du cannabis normalisé, ainsi que des exigences d’étiquetage détaillées pour le cannabis frais, le cannabis séché et les diverses huiles de cannabis.
Presque la moitié du rapport vise l’image de marque et l’étiquetage des produits du cannabis proposés à des fins récréatives. Cela suscite probablement un soupir de soulagement chez les détaillants provinciaux qui, jusqu’à maintenant, ne savaient pas avec certitude quels seraient les produits qu’ils pourraient stocker. Quant à eux, les détenteurs actuels de licences de production du cannabis à des fins médicales pensent sans doute que ce rapport qui contient des exigences supplémentaires est un « rabat-joie » en ce qu’il semble éliminer toute possibilité d’emballage tape-à-l’œil et combiner les exigences d’étiquetage imposées aux produits dérivés du tabac et celles applicables au cannabis à usage médical. Étant donné le nombre de producteurs qui ont déjà commencé à concevoir leur stratégie de création d’une image de marque du cannabis à des fins récréatives en espérant récupérer une clientèle une fois ce dernier devenu légal, il sera intéressant de constater la mesure dans laquelle le rapport résumé de Santé Canada déclenchera une course à la modification de l’image de marque avant l’entrée en vigueur de la Loi sur le cannabis.
Christelle Gedeon et Barbara Miller sont associées, et Ryan Schnier est avocat, dans le cabinet Fasken à Toronto