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Le blocus des produits bitumineux proposé par la C.-B. : quelques options juridiques sont disponibles

26 mars 2018

Le gouvernement de Colombie-Britannique a récemment annoncé qu’il envisageait une série de mesures proposées pour limiter les expéditions, par chemin de fer ou par oléoduc, de bitume dilué en provenance des exploitations de sables bitumineux de l’Alberta, plantant le décor pour un litige sur le plan constitutionnel. Si les propositions sont promulguées, cette réglementation soulèvera directement des questions liées au commerce interprovincial régies par le droit fédéral et aux accords commerciaux interprovinciaux. Les défenseurs des projets d’oléoducs et les expéditeurs pourraient se voir confrontés à la perspective d’entamer des contestations constitutionnelles si les nouveaux règlements proposés entrent en vigueur. Cependant, la jurisprudence récente suggère que d’autres recours juridiques plus immédiats, y compris des injonctions, pourraient être disponibles pour empêcher que ces parties ne subissent des préjudices.

Les règlements proposés

Le 30 janvier 2018, le ministre de l'Environnement et de la Stratégie de lutte contre les changements climatiques de la Colombie-Britannique, George Heyman, a proposé une série de nouveaux règlements qui limiteraient l’augmentation de la quantité de bitume dilué transporté dans la province par chemin de fer et oléoduc. Il a affirmé que les nouveaux règlements imposeraient des restrictions sur l’augmentation du transport du bitume dilué jusqu’à [traduction] « ce que nous soyons certains de notre capacité à nettoyer un déversement accidentel ».

Cela a des conséquences importantes sur un grand nombre de producteurs et d’expéditeurs de pétrole albertains et suscite de considérables enjeux juridiques du point de vue constitutionnel. Les chemins de fer et les oléoducs qui traversent les frontières provinciales sont assujettis à la législation fédérale et relèvent de la compétence du gouvernement fédéral. De récents projets d’oléoducs ont déjà reçu l’approbation de l’Office national de l’énergie du Canada et du cabinet fédéral. Par conséquent, le gouvernement de la Colombie-Britannique sera probablement confronté à d’importants obstacles juridiques s’il cherche à réglementer ce qui est transporté dans un oléoduc ou sur une voie ferrée relevant de la réglementation fédérale.

Les mesures proposées mettent également en jeu les dispositions d’un certain nombre d’accords commerciaux internationaux, dont le New West Partnership Trade Agreement (NWPTA) et  l’Accord de libre-échange canadien. Mis en œuvre en 2013, le NWPTA est un accord passé entre les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba qui crée le plus vaste marché interprovincial sans entrave du Canada. L’article 3 du NWPTA (intitulé No Obstacles) prévoit que chaque partie est tenue de veiller à ne pas prendre de mesures qui restreindraient ou gêneraient l’exercice du commerce, quelles qu’en soient leurs modalités, sur le territoire des parties ou la réalisation d’investissements entre les parties. De même, l’un des principaux objets de l’Accord de libre-échange canadien est d’établir un ensemble de règles commerciales exhaustif pour promouvoir le cadre commercial interne canadien et éliminer les barrières techniques qui pourraient s’opposer au commerce. Toute restriction du transport du bitume dilué risque d’entrer en conflit avec les modalités et objectifs tant du NWPTA que de l’Accord de libre-échange canadien, voire de les violer.

Injonction

Le temps et les dépenses connexes à une contestation constitutionnelle complète pourraient inciter les producteurs et expéditeurs à rechercher des recours juridiques plus opportuns et efficients. Une récente série de décisions renforce la perspective d’obtention d’une injonction. Une fois une loi promulguée, la compétence judiciaire en matière de contrôle entre en jeu, créant la possibilité de demande d’injonction pour suspendre l’application de la loi en attendant que soit tranchée la question de sa constitutionnalité.

Depuis les quelques dernières années, les demandes d’injonctions contre des gouvernements se sont multipliées dans le cadre de l’évaluation de la constitutionnalité de nouvelles lois. Dans chacun de ces cas, les tribunaux ont suspendu la mise en œuvre et l’application de la nouvelle législation en attendant l’issue de l’examen sa constitutionnalité.

La possibilité de demander une injonction à titre de recours contre les politiques et décisions d’un gouvernement a été améliorée par la récente décision rendue dans l’affaire ENMAX Energy Corporation v Balancing Pool (disponible uniquement en anglais). La Cour a accordé une injonction obligatoire contre une société constituée en vertu d'une loi de l’Alberta pour défaut d’exécution de ses obligations légales et réglementaires. La Cour a affirmé qu’ENMAX avait démontré prima facie de façon convaincante que la société constituée en vertu d'une loi de l’Alberta ne s’acquittait pas de ses obligations légales, qu’ENMAX allait subir un préjudice irréparable du fait du défaut d’exécution de ses obligations légales par l’organisme et que la prépondérance des inconvénients jouait en faveur de l’exécution de ses fonctions légales par la société constituée en vertu d'une loi de l’Alberta. Pour obtenir de plus amples détails, veuillez lire notre Blakes Bulletin : Alberta Court of Queen’s Bench Grants Mandatory Injunction Against Balancing Pool (disponible uniquement en anglais)

Conclusion

Les producteurs et les expéditeurs qui cherchent à expédier leur bitume dilué en passant par la Colombie-Britannique disposent d’un vaste arsenal d’armes juridiques en cas de promulgation, à titre de loi, des nouvelles politiques proposées. Les mesures proposées soulèvent des questions constitutionnelles que seul le temps permettra de régler. Bien que les contestations constitutionnelles de la validité de textes législatifs puissent nécessiter de longues attentes avant d’être réglées, on peut espérer obtenir une injonction afin de limiter l’exécution et l’application desdits textes en attendant une décision quant à leur constitutionnalité.

Peter W. Hogg, Dalton W. McGrath et Michael O'Brien font partie du cabinet Blake, Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L./s.r.l.