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Une nouvelle dimension pour les obligations des directeurs et administrateurs : projet de loi C-97

26 août 2019

Les administrateurs de sociétés canadiennes devraient connaître l’existence du projet de loi C-97 car il formule des changements importants apportés à leurs obligations. En modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSP), le projet de loi C-97 élargit la catégorie de parties prenantes auxquelles les administrateurs doivent penser lorsqu’ils gèrent une société.

Le projet de loi C-97 codifie le traitement judiciaire accordé par le passé à cette question et ajoute de nouveaux contours aux obligations légales des administrateurs. Il est d’une importance vitale, pour les conseils d’administration dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions, qu’ils comprennent ces nouvelles évolutions.

Élargissement des obligations

Le projet de loi C-97 clarifie l’obligation de loyauté envers la société, qualifiée d’obligation fiduciaire, incombant aux administrateurs. Plus précisément, cherchant à faire correspondre la législation de plus près avec l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976 1, le projet de loi explique les facteurs dont les administrateurs peuvent tenir compte lorsqu’ils agissent au mieux des intérêts de la société.

En modifiant la LCSP, le projet de loi C-97 propose aux administrateurs des facteurs à envisager lorsqu’ils agissent au mieux des intérêts de la société. Plus précisément, ils peuvent tenir compte de considérations connexes à l’environnement, au gouvernement, aux créanciers, aux intérêts supérieurs de la société à long terme, ainsi que d’autres facteurs. Qui plus est, la législation telle qu’elle est rédigée suggère qu’aucun de ces intérêts ne prend automatiquement préséance sur les autres. Par conséquent, la prise de mesures au mieux des intérêts de la société dépasse la simple prise en considération des intérêts des seuls actionnaires. Les administrateurs peuvent tenir compte d’autres parties prenantes (créanciers, gouvernement, environnement, créanciers obligataires, etc.). Cette disposition légale constitue un rejet législatif express d’une approche de la gouvernance des sociétés axée sur la primauté des actionnaires.

Application du précédent

Le projet de loi C-97 fait mieux correspondre la législation avec l’arrêt de principe rendu par la Cour suprême du Canada dans l’affaire BCE2. La LCSP édicte actuellement : « Les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l’exercice de leurs fonctions, agir : a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société; b) avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente »3.

Dans l’arrêt BCE, la Cour explique que l’obligation n’est pas due uniquement aux actionnaires ou à tout autre groupe quelconque intéressé de la société, mais que « […] les administrateurs ont une obligation fiduciaire envers la société, et uniquement envers la société […] »4. La Cour énumère ensuite plusieurs groupes de parties prenantes dont les administrateurs peuvent tenir compte alors qu’ils s’acquittent de cette obligation, certains sont déjà indiqués.

Alors que le projet de loi C-97 codifie cet arrêt de principe, les administrateurs disposaient déjà de l’option d’envisager des préoccupations autres que les intérêts des actionnaires en vertu de l’arrêt BCE. Il importe de noter que la portée du projet de loi C-97 pourrait être plus vaste que celle de l’arrêt BCE. Ainsi, le projet de loi C-97 mentionne expressément les groupes de parties prenantes que sont les retraités et les pensionnés; groupes qui ne figurent pas dans l’arrêt BCE. Qui plus est, la liste proposée dans le projet de loi C-97 n’est pas exhaustive. Les administrateurs peuvent par conséquent envisager des parties prenantes qui ne sont pas mentionnées dans la législation.

Conclusion

Alors que d’aucuns pourraient dire que le projet de loi C-97 et l’arrêt BCE « diluent » les obligations des administrateurs, le projet de loi n’aura probablement pas d’incidence importante sur la prise de décision par les administrateurs. En contrepartie de l’identification des bénéficiaires de leur obligation fiduciaire, le projet de loi C-97 accorde aux administrateurs une plus grande souplesse et leur permet d’envisager les intérêts de diverses parties prenantes lorsqu’ils prennent une décision. Même dans les cas de fusions-acquisitions, lorsque les intérêts des actionnaires cibles sont primordiaux, le projet de loi C-97 ne se traduira probablement pas par de grands changements pour les administrateurs, bien qu’on puisse avancer qu’il accroît le fardeau qui pèse sur les administrateurs d’envisager des parties prenantes dont ils auraient pu ne pas tenir compte dans d’autres circonstances.

Anita Anand est professeure en résidence dans le cabinet Torys LLP.


  1.  BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69.
  2.  BCE, paragraphe 40.
  3. Loi canadienne sur les sociétés par actions, LSC 1985 chapitre C-44, article 122.
  4. BCE, paragraphe 66.