Le présent article est le résumé d’un article paru dans la revue Annals of Air and Space Law, Vol. 41 (2016) publiée uniquement en anglais par l’Institute of Air and Space Law de l’Université McGill. L’article intégral est à la disposition des abonnés de la revue ou peut être acheté.
Souhaitant comprendre si le changement est faisable, l’auteur de cet article examine le système bilatéral moins que parfait actuellement en place pour l’échange de droits de navigation aérienne. Pour ce faire, on y interroge l’histoire, on y effectue une analyse critique des forces et des faiblesses du bilatéralisme et on y envisage les autres options possibles.
Concluant que la faiblesse la plus essentielle du bilatéralisme réside dans la participation de l’État, cet article affirme en fin de compte que la survenance de changements importants est très improbable. Dans la Convention de Chicago1, les États se sont assuré une présence lors des négociations des droits de navigation aérienne en interdisant le survol de leur territoire par des vols réguliers sans autorisation préalable. En raison de cette présence garantie, les États sont habitués à un concept de souveraineté aérienne relativement absolue; concept auquel il est très peu probable qu’ils renonceront volontairement. Malheureusement pour les compagnies aériennes commerciales du monde entier, une évolution significative du bilatéralisme semble impossible sans cette renonciation volontaire.
Souveraineté aérienne et bilatéralisme
La souveraineté aérienne a été et demeure une doctrine essentielle de l’évolution du droit aérien international. C’est après la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle les États ont reconnu l’importance du maintien de la souveraineté entière et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de leur territoire, que la Convention de Chicago a vu le jour. Elle crée ce qui a été décrit comme une forme de propriété étatique sur l’espace aérien. Bien que les parties originales à la Convention aient réussi à convenir que les appareils ne pouvaient survoler le territoire d’autres États sans leur autorisation préalable2, elles n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une structure universelle pour la répartition des droits de navigation aérienne.
Cette incapacité, motivée par la considérable importance nationale attribuée par les États au secteur de l’aviation et par un déséquilibre entre les divers États quant à sa puissance, a suscité le besoin d’imposer des restrictions aux compagnies aériennes des États les plus puissants. En l’absence d’une entité internationale reconnue par tous pour choisir, imposer et veiller à l’application de ces restrictions, on s’en est remis à des accords bilatéraux pour ce faire. De nos jours, les 192 États parties à la Convention3 et un labyrinthe de 4 000 accords sur les services aériens remplissent cette fonction.
Bilatéralisme : une vue d’ensemble essentielle
Outre le fait que le système bilatéral est bien implanté et a servi de méthode souple pour rapprocher les intérêts des États opposés, et outre les éléments positifs présents malgré tout au sein des limitations du système, le bilatéralisme s’oppose manifestement au concept de mondialisation. D’ailleurs, le secteur des transports aériens est « limité par les frontières » en ce que les compagnies aériennes pénètrent sur les marchés étrangers mais demeurent fermement ancrées dans leur territoire d’attache, alors que d’autres secteurs fonctionnent dans un monde où le nationalisme économique est en voie de disparition. De fait, les compagnies aériennes qui souhaitent desservir des itinéraires internationaux se trouvent à la merci de leur État d’attache, qui doit non seulement avoir la volonté mais aussi la capacité de négocier une concession. Qui plus est, renforcé par le silence de la Convention de Chicago quant aux modalités de ces négociations, le bilatéralisme souffre cruellement des politiques de pression entre États et favorise le protectionnisme. La participation des États au bilatéralisme est clairement inquiétante.
Autres options improbables
Il existe des options, bien qu’une déréglementation totale soit peu probable en raison des liens entre les transports aériens internationaux d’une part et la sécurité nationale, la diplomatie, le commerce international, les communications et l’essor économique national d’autre part. Ainsi, il y a eu une occasion, qui existe probablement encore, d’étendre aux transports aériens la portée de l'Accord général sur le commerce des services de l’Organisation mondiale du commerce. Malheureusement, bien que l’OMC ait beaucoup à offrir à ce secteur, les principes sur lesquels elle est fondée diffèrent fondamentalement de ceux qui sous-tendent les transports aériens, et très limités ont été les changements qui sont survenus depuis le rejet par les États, en 1995, de l’inclusion du secteur des transports aériens. La possibilité d’un accord multilatéral à grande échelle pour remplacer le bilatéralisme a, elle aussi, des chances quasi inexistantes de prévaloir dans le contexte mondial actuel.
La Convention de Chicago, qui reconnaît expressément la souveraineté aérienne et exige l’autorisation étatique pour la pénétration dans l’espace aérien, a permis à toutes fins utiles aux États de se déléguer à eux-mêmes les pouvoirs connexes aux droits de navigation aérienne. Par conséquent, le droit international a permis aux États de s’assurer une participation aux négociations. Pour les États, une renonciation à cette prérogative reviendrait à [TRADUCTION] « s’éloigner de l’esprit de clocher que représente la souveraineté étatique absolue4 » ; renonciation qui serait peu probablement volontaire. D’aucuns ont affirmé5 qu’il faudrait d’abord atteindre une nouvelle étape de l’évolution de l’humanité avant que les États puissent accepter cette solution. Malheureusement, il semble que nous n’en soyons pas encore tout à fait là.
Ashley Taborda, diplômée du programme de juris doctor et de maîtrise en administration des affaires de l’Université Western en 2017, est actuellement stagiaire dans le cabinet Osler, Hoskin & Harcourt s.e.n.c.r.l./s.r.l à Toronto. Avant ses études en droit, elle a travaillé pendant sept ans pour Emirates Airlines à Dubaï, Émirats arabes unis.