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Avons-nous besoin d’une nouvelle Convention de Chicago? Ne la remplacez pas, améliorez-la!

17 janvier 2018

Il va sans dire que selon la mentalité de notre société contemporaine, quand une chose, n’importe quelle chose, ne fait plus son office, on s’en débarrasse plutôt que de la modifier ou de la réparer pour la faire correspondre à nos intérêts actuels. Cette mentalité est des plus évidentes dans le cadre des discussions que tiennent d’éminents universitaires et plusieurs acteurs du secteur de l’aviation quant à l’utilité, ou pour ceux qui sont les plus engagés, l’abolition, de la Convention de Chicago. Mais, qu’est-ce que la Convention de Chicago, et comment est-elle devenue un sujet brûlant sur la scène mondiale de l’aviation?

La Convention de Chicago a été conclue en 1944 afin que l’aviation civile puisse « se développer d’une manière sûre et ordonnée », comme l’énonce son préambule. Elle est entrée en vigueur en 1947. Alors que les années passaient, alors que le tout nouveau secteur de l’aviation devenait l’un des secteurs les plus importants de la planète, alors que de nouvelles technologies voyaient le jour, nombreux sont ceux qui ont commencé à s’interroger sur l’efficience de la Convention, et même sur sa raison d'être, dans ce nouveau contexte mondial. Malgré le fait qu’elle a été décrite comme la « constitution » du droit aérien, est-ce encore le cas eu égard aux critiques acerbes dont elle a fait l’objet?

D’aucuns considèrent la Convention de Chicago comme un texte inadéquat. Nous ne pouvons nous empêcher d’admettre que la majorité d’entre eux a raison. La Convention n’aborde, ni ne réglemente, la réduction des émissions dans ce secteur, la concurrence équitable et libéralisée dans un milieu défini par une mondialisation permanente des marchés ou les vols sous-orbitaux, malgré le document de travail publié en 2015 par l’Organisation de l’aviation civile internationale. Dans ce document, il a été reconnu que ces enjeux pourraient être assujettis au même régime. Qui plus est, le silence de la Convention de Chicago sur ces sujets et bien d’autres a conduit à une multitude d’accords bilatéraux sur les services aériens qui peuvent gravement nuire à l’uniformité du droit aérien, conduisant à une inévitable fragmentation de l’ensemble de ses textes.

Sans égard aux inconvénients présentés par la Convention de Chicago, n’oublions pas le rôle positif qu’elle a joué pendant les quelque cinquante ans qui se sont écoulés depuis son adoption. Son succès peut facilement être qualifié de « manifeste » étant donné le nombre de ses ratifications.

Même ceux qui soutiennent avec véhémence que la Convention de Chicago est désuète à l’égard de certaines questions ne peuvent qu’admettre qu’il serait presque impossible, chronophage et peu pratique d’adopter une nouvelle convention puisqu’elle pourrait créer des dispositions contradictoires qui détruiraient l’équilibre actuel.

Puisque ni l’abolition de la Convention ni sa conservation en son état actuel ne sont viables, que pouvons-nous faire?

La Convention elle-même recèle une possible réponse. Selon l’article 94, toute proposition d’amendement doit être approuvée par les deux tiers de l’Assemblée à l’issue d’un scrutin. Elle entrera alors en vigueur à l’égard des seuls États qui la ratifient. De cette disposition même pourrait découler une fragmentation encore plus dangereuse que celle déjà causée par les accords bilatéraux sur les services aériens, approfondissant encore la confusion. Heureusement, le paragraphe (b) de l’article 94 prévoit un « filet de sécurité » parfaitement adapté à cette situation en énonçant « tout État qui n'aura pas ratifié ledit amendement dans un délai déterminé après que cet amendement sera entré en vigueur cessera alors d'être membre de l'Organisation et partie à la Convention », donnant à la ratification des amendements un caractère quasi obligatoire pour les États qui veulent éviter d’être marginalisés.

En conclusion, au sein du régime juridique international et en vertu de la doctrine du parétianisme international, la ratification des conventions et l’adhésion à ces textes sont la pierre angulaire de la souveraineté étatique. Dans ce contexte, les États renoncent à une partie de leur souveraineté pour assumer des obligations en échange d’avantages. Étant donné la procédure d’amendement, il incombe aux États, en vertu de leur pouvoir discrétionnaire, de décider ensemble si les ambiguïtés et lacunes de la Convention de Chicago revêtent une telle importance qu’elles l’empêchent d’atteindre son objectif. Dans ce cas, les États devraient manifester leur volonté et la mettre en œuvre pour que leur objectif soit catégoriquement et parfaitement atteint, soit jusqu’à ce que les amendements proposés et ratifiés deviennent chacun un élément de fond de la « constitution » du droit aérien.

Yolanda Kalogirou est candidate à la maîtrise en droit aérien et spatial à l’Université McGill

Liste indicative des sources principales

  1. Brian F. Havel & Gabriel S. Sanchez, “Do We Need a New Convention de Chicago?” (2011) 11 Issues Aviation L. & Pol'y 7.
  2. Edward McWhinney, “International Law and the Freedom of the Air - The Convention de Chicago and the Future,” (1969) 1 Rutgers-Cam L.J.
  3. Helen Hart Jones, “Amending the Convention de Chicago and Its Technical Standards - Can Consent of All Member States Be Eliminated” (1949) 16 J. Air L. & Com.
  4. Organisation de l’aviation civile internationale, Historique de l’OACI et la Convention de Chicago, en ligne : https://www.icao.int/about-icao/History/Pages/FR/default.aspx .
  5. John Cobb Cooper, “The Convention de Chicago - After Twenty Years” (1965), 19 U. Miami L. Rev.
  6. Paul Stephen Dempsey, Public International Air Law (Montréal : Institute and Centre for Research in Air & Space Law, Université McGill, 2017).