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La Cour fédérale rejette la requête en injonction interlocutoire pour suspendre la politique de séjour obligatoire à l’hôtel en raison de la COVID-19 mise en œuvre par le gouvernement fédéral

17 mai 2021

Contexte

Le gouvernement du Canada a mis en œuvre une politique de séjour obligatoire à l’hôtel qui exige de toutes les personnes qui voyagent par avion qu’elles séjournent à leurs propres frais pendant trois jours dans des hôtels autorisés par le gouvernement lors de leur entrée au Canada puis, après s’être soumises à un test de dépistage de la COVID-19, terminent leur quarantaine de 14 jours à la maison.

Les demandeurs ont déposé une requête en injonction interlocutoire pour suspendre l’application de cette politique en attendant les résultats de leur contestation constitutionnelle visant la politique, dans laquelle ils feraient valoir que la politique enfreint les droits que leur confère la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), et qu’ils pourraient effectuer leur quarantaine en toute sécurité à la maison.

Le défendeur soulignait les incidences mondiales de la pandémie de COVID-19 et le risque grave pour la santé publique au Canada, faisant valoir que la politique sur le séjour à l’hôtel réduit les risques d’introduction et de propagation accrue du virus de la COVID-19 et de ses variants sur le territoire, en réduisant le risque d’importation de cas en provenance de l’étranger.

Décision de la Cour fédérale

La Cour fédérale a utilisé le critère des trois conditions applicable aux injonctions provisoires, qui exige que (1) la contestation constitutionnelle soulève une question sérieuse à juger, (2) les demandeurs subiront un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée, et (3) la prépondérance des inconvénients joue en faveur de l’octroi de l’injonction.

En ce qui concerne la première condition du critère, la Cour a conclu à l’existence d’une question sérieuse à juger en ce qui a trait aux arguments des demandeurs selon lesquels la politique sur le séjour à l’hôtel enfreint leurs droits garantis par les articles 7 et 9 de la Charte. La Cour a souligné qu’il ne s’agissait pas d’une décision quant au fond de l’argument, mais une simple observation qu’ils ne devraient pas être écartés à ce stade précoce de l’instance. Eu égard à cette conclusion, la Cour a déclaré qu’il n’était pas nécessaire de commenter les autres arguments des demandeurs fondés sur l’article 6, le paragraphe 10b) et les paragraphes 11d) et e) de la Charte.

Concernant la deuxième condition du critère, la Cour a indiqué que les préjudices irréparables sont généralement décrits comme des préjudices qui ne peuvent être quantifiés du point de vue monétaire ou qui ne peuvent être remédiés. Le préjudice ne peut être fondé sur une simple hypothèse, mais doit être établi au moyen d’éléments de preuve suffisamment probants. Ladite preuve doit démontrer l’existence d’une forte probabilité qu’un préjudice irréparable sera causé et non pas qu’il est simplement possible.

Les demandeurs ont décrit la politique sur le séjour à l’hôtel comme une détention obligatoire dans une installation fédérale, ce qui leur causerait [traduction] « un préjudice émotionnel, relationnel et spirituel dévastateur » qui ne peut être compensé financièrement et qui est irréparable.

Cependant, la Cour a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni d’éléments de preuve étayant leur argument selon lequel la politique sur le séjour à l’hôtel leur causerait le préjudice allégué. Elle a conclu que n’étaient pas manifestes les raisons pour lesquelles un court séjour dans un hôtel avant une quarantaine supplémentaire à domicile causerait inévitablement un tel préjudice. En outre, la Cour a également souligné que bien que les demandeurs aient un droit protégé par la Charte de quitter le Canada et d’y revenir, ils connaissaient tous les restrictions en vigueur lorsqu’ils ont quitté le territoire ou celles qui ont pris effet en leur absence. En raison de la nature changeante de la pandémie de COVID-19 et des variants causant des préoccupations, aucun d’entre eux ne pouvait prétendre être surpris par les mesures de santé publique rigoureuses imposées aux voyageurs qui reviennent au Canada. Par conséquent, la Cour a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi l’existence d’un préjudice irréparable.

En ce qui a trait à la troisième condition du critère, la Cour a souligné qu’une évaluation de la prépondérance des inconvénients s’impose pour pouvoir déterminer la partie qui subira le préjudice le plus grave du fait de l’octroi ou du refus de l’injonction interlocutoire, en attendant une décision sur le fond. Cette condition du critère acquiert une signification particulière dans une affaire comportant une demande de suspendre l’application d’une loi, d’un règlement ou d’un décret puisque la Cour doit trancher en se fondant sur l’hypothèse que la loi vise le bien public et satisfait à un objectif public valide.

Les demandeurs ont tenté de réfuter cette présomption en faisant valoir que la politique sur le séjour à l’hôtel n’est pas efficace, n’est pas appuyée par des preuves scientifiques, ni n’est justifiée dans une société libre et démocratique.

La Cour a rejeté les arguments des demandeurs, concluant que la preuve appuie amplement la position du défendeur selon laquelle la politique sur le séjour à l’hôtel fournit un niveau supplémentaire de protection contre l’importation et la transmission de la COVID-19 et de ses variants au Canada, et qu’il s’agit d’une précaution rationnelle prise en réponse à une menace réelle et imminente pour la santé publique. La Cour a conclu que la preuve appuie largement l’affirmation du défendeur aux termes de laquelle toute suspension ou interruption du régime existant nuirait gravement et immédiatement à la santé publique.

Par conséquent, la Cour a conclu qu’il ne serait ni juste ni équitable d’accorder l’injonction interlocutoire et a rejeté la requête.

Enseignements

Cette affaire démontre la tension continue entre les graves préoccupations en matière de santé publique suscitées par la pandémie de COVID-19 et les préoccupations quant aux répercussions du confinement sur les droits et libertés individuels. Cette décision est la réplique parfaite d’une autre décision récemment rendue par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’affaire Canadian Constitution Foundation v. Attorney General of Canada, 2021 ONSC 2117, portant refus d’une injonction visant à suspendre l’application de la politique sur le séjour obligatoire à l’hôtel. Bien qu’il reste à voir comment ces contestations constitutionnelles se termineront, les décisions qui ont été publiées à ce jour suggèrent que les tribunaux continuent à s’en remettre au gouvernement et aux préoccupations en matière de santé publique en confirmant les lois d’urgence mises en œuvre en réponse à la pandémie de COVID-19.


Christopher Wirth est avocat plaidant et associé chez Keel Cottrelle LLP à Toronto. Il est président sortant de la Section du droit administratif. Alex Smith est avocat chez Keel Cottrelle LLP à Toronto et membre du comité de direction de la Section du droit relatif à l’éducation de l’Association du Barreau de l’Ontario.