Dans l’affaire MacLean v. Workers Compensation (PEI), 2019 PECA 9, la Cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard a conclu que le Tribunal d’appel des accidents du travail (TAAT) avait agi raisonnablement en refusant à un travailleur de remettre en litige des questions auparavant tranchées.
Contexte
Le travailleur a déclaré à la Commission des accidents du travail (Workers Compensation Board) une blessure à la cheville subie lors d’une livraison de meubles. Faisant droit à la réclamation, la commission a indemnisé le travailleur et, une fois ce dernier apte à reprendre le travail, a fermé le dossier. Quelques mois plus tard, le travailleur a déclaré des maux de dos à la commission. Une hernie discale étant en cause, la chirurgie s’imposait.
Au cours des six années suivantes, le travailleur a fait plusieurs réclamations pour ses maux de dos; toutes ont été rejetées par la commission au motif que ces douleurs n’étaient pas liées à la blessure à la cheville de la première réclamation. Le travailleur a demandé deux fois que son dossier soit réexaminé à la lumière de nouveaux éléments de preuve. Ses efforts en ce sens ont été vains; ses deux appels au TAAT ont ultimement été rejetés.
Le travailleur a ensuite déposé une troisième requête en réouverture de dossier pour cause de nouveaux éléments de preuve. Selon lui, en se concentrant sur la blessure à la cheville déclarée à l’origine, la commission aurait accordé trop peu de poids aux nouvelles preuves concernant ses maux de dos. Devant le refus de cette troisième requête et d’un nouvel appel au TAAT, le travailleur a interjeté appel devant la Cour d’appel.
Décision
La Cour d’appel a jugé que les renseignements fournis par le travailleur ne constituaient pas de nouveaux éléments de preuve au sens de la politique publiée par la commission1. Elle a par ailleurs conclu que le dossier n’étayait pas la prétention du travailleur voulant que la commission n’ait pas accordé à la preuve le poids nécessaire2. Toute la preuve contemporaine à l’accident de travail décrivait une blessure à la cheville; les premières allusions à des maux de dos n’ont fait surface qu’une fois le dossier originel clos. Selon la Cour d’appel, la théorie avancée par le travailleur quant à la source de ses maux de dos et les renseignements médicaux connexes avaient tous été pris en compte par la commission et par le TAAT dans des décisions antérieures3.
La décision du TAAT à l’étude découle de la troisième requête présentée par le travailleur pour cause de nouveaux éléments de preuve; aussi la Cour d’appel a-t-elle avisé ce dernier qu’un appel ne peut servir à remettre en litige des questions tranchées dans d’autres décisions, son raisonnement étant qu’à défaut d’un appel interjeté dans les délais prescrits, toute décision antérieure produit « définitivement » ses effets pour les parties et « l’on ne peut la contester indirectement en en appelant d’une décision postérieure4 ». Par conséquent, la Cour d’appel n’a pas fait droit à la contestation indirecte du travailleur. Elle a d’ailleurs souligné que toute tentative de contourner les canaux appropriés de réexamen ou d’appel nuit au système de justice administratif5.
Conclusion
Par ce rappel des règles interdisant la contestation indirecte et la remise en litige de questions tranchées, la Cour d’appel vient solidifier le système de justice administrative. Au fil des ans, divers mécanismes législatifs de réexamen et d’appel ont vu le jour, et c’est par eux que doit passer toute contestation de l’exactitude ou de l’équité d’une décision administrative avant d’arriver devant les tribunaux. Or, comme le rappelle à juste titre la Cour d’appel, lorsque ces canaux ne sont pas empruntés comme il se doit ou en temps utile, il reste très peu de marge d’intervention judiciaire.
Jonathan Coady est associé – et, Cullen Mullally, stagiaire – chez Stewart McKelvey.