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L’honorable Mary Moreau

Mary MoreauQuelle expérience de votre carrière juridique vous a le mieux préparé à votre travail au sein de la magistrature?

Je voudrais développer un peu cette question. Je crois que les outils les plus utiles que j’aie développés comme avocate, puis comme juge, datent de l’époque où j’étais étudiante au baccalauréat en philosophie. J’ai toujours été curieuse – au point d’en être agaçante, selon des sources bien informées. La philosophie m’a permis de canaliser cette curiosité dans un certain cadre de pensée critique. J’ai appris que les problèmes étaient des prismes que l’on devait tourner et retourner pour en voir toutes les facettes, et que les normes sociales devaient être évaluées soigneusement en fonction de leur fin. Ces leçons, que j’ai assimilées au début de la vingtaine, m’ont beaucoup servi, tant en pratique privée qu’à la magistrature. Lorsqu’on étudie les problèmes à travers une lentille multidimensionnelle, on risque moins de négliger des détails susceptibles de faire échouer des solutions par ailleurs viables. C’est particulièrement vrai en droit de la famille. Ça nous aide à mettre en doute les présupposés et à creuser sous la surface pour comprendre les motivations profondes et mettre au point des solutions efficaces et durables. On m’a appris à « appuyer sur le bouton pause » avant de rendre une décision du banc et, dans mon rôle administratif actuel, à prendre le temps d’examiner les questions et les solutions sous tous les angles.

Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?

Je crois que ma réponse sera dans le prolongement de ma réponse précédente. Un système accusatoire peut mener à des positions trop arrêtées. Ça commence dès la rafale de requêtes préalables au procès : au fil de la procédure, on érige des murs qui seront difficiles à faire tomber. Je suis une fervente partisane de la médiation. Les parties peuvent s’égarer dans un processus accusatoire et le rôle des médiateurs permet de tracer des voies vers le règlement du conflit. Les avocats et les juges seront de plus en plus appelés à jouer un rôle axé sur les solutions. Ils devraient s’exercer dès maintenant à peler les couches qui font obstacle au règlement du conflit, à aller au cœur du problème et à présenter des solutions ingénieuses. Je crois que les principes de la justice réparatrice, fondés sur la restauration du bien-être des personnes dont la vie a été bouleversée par un méfait ou une injustice, offrent un terrain propice à la réconciliation pour tous les types de conflits. Les juristes qui abordent les questions juridiques en ayant à l’esprit les principes de la justice réparatrice – respect, participation, soutien, responsabilisation – sont bien placés pour favoriser un règlement rapide, et ce, dans toutes les sphères du conflit humain. Je crois qu’une carrière fondée sur la mise en pratique constante de ces principes serait très enrichissante sur le plan personnel.