Que souhaitez-vous que le public sache au sujet du système de justice?
Après trois ans en pratique privée en droit civil et pénal dans ma ville natale, au Québec, je suis passé de la Force de réserve à la Force régulière en tant qu’avocate militaire dans les Forces armées canadiennes, où j’exerce le droit militaire sous toutes ses formes, tant au pays qu’à l’étranger. En tant que procureure militaire régionale, j’ai rapidement compris que le système de justice militaire était basé sur le système de justice pénale et intégrait de façon générale les règles de common law et les principes du droit pénal bien que son caractère unique découle du Code de discipline militaire. Celui-ci définit notamment des infractions qui n’existent que dans le contexte militaire, comme l’insubordination, l’absence sans permission ou le mauvais traitement d’un subalterne. Plus important encore, il contient des dispositions qui assurent le respect des droits garantis à l’accusé par la Charte et des articles qui visent à renforcer l’indépendance judiciaire. Le décorum de la cour martiale et la mobilité de la cour, qui entend des causes partout dans le monde où se trouvent des troupes, reflètent évidemment la vie militaire. En d’autres termes, le système est conçu, comme sa contrepartie du système pénal, pour être équitable et conforme à la Charte tout en conservant ses qualités militaires. La Cour suprême du Canada a reconnu à quelques occasions la légitimité et le rôle du système de justice militaire, notamment dans l’arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 RCS 259. Le système a évolué au fil des ans et s’est adapté aux valeurs canadiennes. À titre d’exemple, les procédures du Code criminel qui visent à protéger la vie privée et la dignité des victimes d’agression sexuelle s’appliquent aux procès en cour martiale. La Loi sur la défense nationale contient par ailleurs des dispositions qui garantissent que les victimes ont voix au chapitre lors de la détermination de la peine.
Quels conseils donneriez-vous aux juristes qui comparaissent devant vous?
Tous les juges s’entendent pour dire que la préparation des juristes est essentielle, mais j’ajouterais que ceux-ci devraient préparer et présenter leurs dossiers en se concentrant sur les intérêts de leur client, et non sur leur propre promotion – qu’ils représentent la Couronne ou l’accusé. Je conseillerais donc aux juristes de laisser leur ego au vestiaire. Deuxièmement, les juristes devraient se concentrer sur le cœur du problème. Les juges ne veulent pas entendre un long compte rendu de la preuve ni une leçon en droit. Personnellement, je veux connaître la position du ou de la juriste sur l’affaire, son interprétation de la loi et ce qu’il ou elle considère comme le nœud de l’affaire. Ça m’aide à m’assurer que rien n’a été oublié. De fait, les arguments bien pensés sont généralement brefs et vont droit au but. Les juristes peuvent néanmoins faire valoir un point de vue dont le ou la juge des faits pourrait ne pas avoir tenu compte. Pour finir, je dirais qu’un système « accusatoire » n’est pas synonyme de « conflictuel ». Des juristes de parties adverses peuvent travailler ensemble pour servir les intérêts de leur client respectif avec professionnalisme et arriver à une solution mutuellement satisfaisante. La collégialité contribue grandement à l’efficacité et confère une plus grande crédibilité au système de justice et à la profession juridique dans son ensemble.