3. Erreurs courantes dans la publicité des services juridiques

Les problèmes suivants constituent des erreurs courantes que commettent les juristes lorsqu’ils font la publicité des services qu’ils offrent :

Classements

Les classements de tierces parties comme « Meilleur avocat » et « Meilleurs avocats au Canada » publiés tous les ans par le Globe and Mail et d’autres constituent un moyen de plus en plus populaire pour les juristes de se démarquer dans leurs marchés respectifs.

Bien que seul le Code de déontologie du Barreau de l’Ontario commente expressément le fait que cette pratique n’est pas professionnelle, la participation à des systèmes de classement de tierces parties peut également contrevenir aux normes du Code type ainsi qu’aux règles d’autres provinces et territoires.

Selon le commentaire du Code de déontologie du Barreau de l’Ontario, il n’y a rien de fâcheux avec des systèmes de classement équitables et objectifs fondés sur des processus valides et méritoires. Le commentaire ajoute que si les classements risquent d’induire en erreur, de dérouter ou de tromper, ils contreviennent aux règles.

Dans son guide intitulé Ethical and Effective Advertising (publicité éthique et efficace), la Law Society of Alberta énonce également que les mentions à des récompenses ou à des distinctions qui reflètent véritablement le service professionnel ou civique d’un juriste ne contreviennent pas aux règles. Les endossements de tierces parties qui ne sont pas authentiques ou qui risquent d’induire en erreur, de dérouter ou de tromper (comme les mentions « le meilleur » juriste) sont interdits par le devoir d’un juriste de ne pas induire le public en erreur, car les clients éventuels comprennent ou apprécient peu la façon dont ces classements sont produits.

L’une des façons pour les juristes d’utiliser ces classements de manière éthique est d’inclure une description de ce que signifie la récompense. Par exemple, la publicité peut expliquer que le classement « meilleur avocat » fait référence à un scrutin effectué auprès de collègues et non à un commentaire sur la qualité du travail du juriste.

Les juristes doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils utilisent ces classements comme des outils publicitaires à leur avantage afin d’éviter d’induire le public en erreur. L’obligation de ne pas induire en erreur se retrouve dans le Code type et dans tous les codes de déontologie des ordres professionnels de juristes. Les systèmes de classement qui ne sont pas authentiques peuvent être une source de désinformation et constituer une publicité inappropriée et contraire à l’éthique.

Dans une décision rendue par le Tribunal du Barreau de l’Ontario, un avocat a reconnu avoir eu recours à des services de marketing qui suggéraient qu’il offrait un service de qualité supérieure par rapport à d’autres juristes et faisaient mention d’endossements trompeurs de tierces parties et d’une spécialisation sans attestation adéquate. En ce qui concerne l’utilisation des classements, le Tribunal a statué que certains des classements i) ne comprenaient pas une évaluation de ses connaissances ou de son expérience juridiques dans un domaine particulier; ii) ne reflétaient pas son rendement en tant qu’avocat spécialisé en préjudices corporels; ou iii) n’incluaient pas de commentaires à son égard ou d’évaluation de lui faits par des clients ou d’autres personnes connaissant son travail. Il a donc été reconnu coupable de manquement professionnel1.

Plusieurs classements populaires de juristes canadiens sont menés par des groupes de médias juridiques :

Peu importe qu’un juriste soit nommé dans ces systèmes ou dans d’autres systèmes de classement, les méthodes doivent être examinées pour déterminer si l’évaluation est vraiment authentique ou s’il s’agit d’un concours de popularité où les juristes ayant obtenu le plus grand nombre de votes sont reconnus comme les « meilleurs » juristes dans leur domaine ou d’un système de classement fondé sur le fait de payer pour avoir une bonne réputation où les juristes sont classés en fonction de leurs contributions financières. 

Expertise/spécialisation 

Il a été suggéré que l’expertise est le facteur le plus important pour de nombreux clients lorsqu’ils souhaitent obtenir des conseils juridiques2. Comme le nombre de professionnels du droit qualifiés a augmenté, les juristes et les clients se sont tournés vers la perception de la spécialisation comme outil pour distinguer un juriste d’un autre.

La spécialisation est courante dans des professions comme la médecine et la dentisterie, mais la plupart des institutions légales canadiennes et des organismes administratifs canadiens n’offrent pas de certificats de spécialisation. Certains codes de déontologie interdisent aux juristes de se qualifier de spécialistes. Dans les provinces ou les territoires où les juristes sont autorisés à inclure une spécialité dans leur publicité, les clients éventuels doivent pouvoir vérifier cette prétention, sinon la désignation peut induire en erreur.

La règle 4.3-1 du Code type énonce qu’un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes. Le commentaire souligne que le but de la publicité est de donner des renseignements visant à aider la clientèle potentielle à choisir un juriste ayant les compétences et les connaissances appropriées pour une cause en particulier. La règle explique que le fait de prétendre posséder une expertise ou une spécialisation laisse entendre que le juriste a répondu à certaines normes ou certains critères de compétence vraisemblablement établis ou reconnus par son ordre professionnel.

Par ailleurs, lorsqu’un ordre professionnel de juristes accorde un agrément pour une spécialisation, comme le fait l’Ontario, il peut être approprié d’inclure ce renseignement dans une publicité. Le commentaire du Code type énonce que si un cabinet exploite ses activités ou qu’un juriste exerce la profession juridique dans plus d’une province ou d’un territoire, dont l’un accorde un agrément, la publicité faite par ce cabinet ou par ce juriste faisant mention du statut de spécialiste ou d’expert qui est diffusée simultanément dans la province ou le territoire qui reconnaît le statut n’est pas contraire à la présente règle si l’autorité ou l’organisme d’agrément est nommé.

Les règles parallèles mises en oeuvre par les ordres professionnels de juristes dans l’ensemble des territoires juridiques canadiens comportent diverses exigences qui précisent comment et quand les juristes peuvent se déclarer être des experts. Le tableau suivant présente la règle de chacun des ordres professionnels de juristes par rapport à la règle 4.3-1 du Code type : 

Ordre professionnel de juristes - Alberta

Règle

4.3 Un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes 

Commentaire 

Identique au Code type

Ordre professionnel de juristes - Colombie-Britannique 

Règle 

[TRADUCTION] 4.3-0.1 Un juriste peut énoncer dans toute activité de marketing une préférence quant à l’exercice de la profession juridique dans un ou plusieurs domaines du droit s’il exerce régulièrement dans chacun des domaines du droit à l’égard duquel le juriste souhaite déclarer avoir une préférence. 

[TRADUCTION] 4.3-1 Sauf disposition contraire de la Legal Profession Act, les règles de la Law Society, ou du présent code ou sauf autorisation contraire par les conseillers, un juriste :

  1. ne doit pas utiliser le titre de « spécialiste » ou une désignation semblable qui laisse entendre qu’il possède un statut spécial reconnu ou a obtenu un agrément dans toute autre activité de marketing; 
  2. doit prendre toutes les mesures raisonnables pour décourager l’utilisation, en lien avec le juriste par une autre personne, du titre de « spécialiste » ou de toute autre désignation semblable laissant entendre qu’il possède un statut spécial reconnu ou a obtenu un agrément dans toute activité de marketing. 

Commentaire 

s/o

Ordre professionnel de juristes - Manitoba 

Règle

4.3-1 L’avocat ou le cabinet d’avocat peut, dans sa publicité, annoncer qu’il est avocat généraliste – ou que ses membres sont des avocats généralistes –, si tel est le cas.

4.3-2 L’avocat peut annoncer qu’il préfère exercer dans un domaine du droit en particulier, à la condition que la publicité ne prétende pas, directement ou indirectement, qu’il est spécialiste ou expert.

4.3-3 L’avocat peut annoncer que son exercice du droit est limité à un domaine du droit en particulier ou qu’il exerce dans un domaine du droit, si telle est la réalité.

Commentaire 

Le commentaire relatif à cette règle soutient qu’un juriste peut mentionner un domaine du droit dans sa publicité à la condition que ces affirmations soient exactes, mais ne comprennent pas de latitude pour permettre à un spécialiste d’utiliser le fait d’être agréé dans d’autres provinces et territoires. 

Ordre professionnel de juristes - Nouveau-Brunswick

Règle

4.3-1 Un avocat praticien ou un cabinet ne peuvent annoncer leurs services juridiques à l’aide des mots « spécialiste », « spécialisé », « expert », « expertise » ou leurs équivalents. 

Commentaire

Identique au Code type 

Ordre professionnel de juristes - Terre-Neuve 

Règle

4.3-1 Un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes. 

Commentaire

Identique au Code type

Ordre professionnel de juristes - Territoires du Nord-Ouest

Règle

4.3-1 Un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes. 

Commentaire

Identique au Code type 

Ordre professionnel de juristes - Nouvelle-Écosse 

Règle

[TRADUCTION] 4.3-1 Un avocat praticien ou un cabinet ne peut annoncer ses services juridiques à l’aide des mots « spécialiste », « spécialisé », « expert », « expertise » ou leurs équivalents. 

Commentaire

Adopté en fonction des commentaires 1, 3 et 4 contenus dans le Code type. 

Ordre professionnel de juristes - Nunavut 

Règle

4.3-1 Un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes. 

Commentaire

Une remarque selon laquelle le Barreau du Nunavut n’est pas doté de processus d’agrément a été ajoutée au commentaire contenu dans le Code type. 

Ordre professionnel de juristes - Ontario

Règle

4.3-1 Un avocat ne doit pas s’annoncer comme spécialiste dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé à ce titre dans ce domaine par le Barreau.

Commentaire

Le commentaire [2] a été adapté comme suit : 

Le paragraphe 20 (1) du Règlement administratif no 15 du Barreau sur les spécialistes agréés prévoit que les avocats qui ne sont pas des spécialistes agréés ne doivent pas utiliser de titre qui laisserait raisonnablement entendre qu’ils le sont. 

Ordre professionnel de juristes - Île-du-Prince-Édouard 

Règle

[TRADUCTION] 4.2-1 Un avocat praticien ou un cabinet juridique ne peut annoncer ses services juridiques à l’aide des mots « spécialiste », « spécialisé », « expert », « expertise » ou leurs équivalents. 

Commentaire

Adopté en fonction des commentaires 1, 3 et 4 contenus dans le Code type.

Ordre professionnel de juristes - Québec

Règle

Titre II, chapitre I, section I (avocats) 10. L’avocat ne peut s’attribuer des qualités ou des habiletés particulières, notamment quant à son niveau de compétence ou à l’étendue ou à l’efficacité de ses services professionnels, que s’il est en mesure de les justifier. 

Il ne peut non plus attribuer des qualités ou des habiletés particulières quant au niveau de compétence ou quant à l’étendue ou l’efficacité des services des autres membres du Barreau ou des personnes avec qui il exerce sa profession au sein d’un cabinet, que s’il est en mesure de les justifier. 

Code de déontologie des notaires, chapitre 1 : 3. Le notaire doit favoriser les mesures de formation et d’information du public dans les domaines où il exerce sa profession. 

Commentaire

s/o

Ordre professionnel de juristes - Saskatchewan 

Règle

[TRADUCTION] 4.3-1 Un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes. 

Commentaire

Identique au Code type avec l’ajout de ce qui suit : [5] Un juriste ne peut pas utiliser le titre de « spécialiste », d’« expert », de « chef de file » ou une désignation semblable qui laisse entendre qu’il possède un statut spécial reconnu ou a obtenu un agrément dans toute publicité, communication destinée au public ou tout autre contact avec un client éventuel, à moins d’y être autorisé conformément à la présente règle. 

Ordre professionnel de juristes - Yukon

4.3-1 Un juriste ne doit pas annoncer sa spécialité dans un domaine particulier à moins d’avoir été agréé comme spécialiste dans ce domaine par l’ordre professionnel de juristes.

Commentaire

Identique au Code type 

Bien que certaines provinces et certains territoires reprennent mot à mot le libellé du Code type, d’autres apportent de petits changements, notamment des règles plus précises sur l’utilisation de mots comme « spécialisé en » ou « expert », ou ont inclus d’autres commentaires. Certaines provinces et certains territoires ont choisi de ne pas utiliser du tout le libellé du Code type et de plutôt maintenir leurs propres règles en ce qui a trait à l’expertise ou à la spécialisation.

Dans une décision du tribunal disciplinaire de la Law Society of Alberta, un avocat a été officiellement réprimandé pour avoir annoncé qu’il était un expert en droit de l’immigration sans avoir obtenu d’agrément officiel pour justifier sa prétention3.

Dans une autre décision, le tribunal disciplinaire du Barreau de l’Ontario a imposé une mesure disciplinaire à un membre pour avoir fait une publicité trompeuse dans laquelle il était fait mention de succès dans ses dossiers antérieurs sans avis de non-responsabilité, et pour avoir fait mention d’une spécialisation en l’absence d’agrément. Le Tribunal a souligné ce qui suit4 :

[TRADUCTION] Le site Web induisait le public en erreur, était déroutant, trompeur et inexact parce qu’il commercialisait les services auprès des clients au motif que le cabinet de M. D’Alimonte était un cabinet juridique dont les membres possédaient beaucoup d’expérience alors que la vérité était que le cabinet était composé d’un juriste exerçant seul possédant très peu d’expérience. Il s’agit d’une violation particulièrement flagrante de son obligation parce que les clients recherchent des juristes, et que les juristes annoncent les services qu’ils offrent auprès de clients, en fonction de leurs compétences et de leur expertise. 

Avant de faire mention d’une spécialisation dans un domaine donné, il est important de déterminer si l’utilisation de la désignation est permise dans la province ou le territoire en question. Si c’est le cas, les qualifications permettant de se déclarer un spécialiste doivent être satisfaites. Si ce n’est pas le cas, le Code type recommande d’indiquer une préférence ou une expérience dans un domaine du droit souhaité plutôt que de faire des déclarations non fondées quant à l’expertise. 

Témoignages de reconnaissance 

Il peut sembler avantageux d’inclure dans les publicités des témoignages de reconnaissance d’anciens clients. Le public compte beaucoup sur les évaluations de produits ou de services lorsqu’il prend des décisions d’achat.

Si les juristes souhaitent inclure des témoignages de reconnaissance dans les publicités, ils doivent d’abord s’assurer que leur code de déontologie n’interdit pas d’y inclure de tels témoignages. Si l’ajout de témoignages de reconnaissance est autorisé, les juristes doivent veiller à ce que les témoignages soient véridiques, qu’ils ne soient pas trompeurs et qu’ils soient fournis librement ou que tout versement d’une contrepartie au moyen d’un paiement ou de cadeaux soit divulgué. De plus, avant qu’un juriste ne rende public le témoignage de reconnaissance d’un ancien client, il doit obtenir l’autorisation de ce dernier. Le défaut d’obtenir cette autorisation peut faire en sorte de divulguer par inadvertance des renseignements confidentiels.

Termes comparatifs

La volonté de se démarquer auprès des clients éventuels dans un marché concurrentiel pousse les juristes à chercher de nouveaux moyens de distinguer les services qu’ils offrent de ceux des fournisseurs concurrents5. Par leur nature, les services juridiques sont immatériels, complexes et très personnels. Essentiellement, les cabinets juridiques ne vendent pas le droit, ils vendent l’expertise et les capacités des juristes du cabinet6. La commercialisation et la publicité sont essentiellement des outils permettant de se glorifier. L’une des façons efficaces pour les juristes de tenter de se démarquer est d’utiliser des comparaisons qui donnent l’impression qu’un ou certains juristes sont meilleurs ou plus performants que d’autres.

L’utilisation de termes comparatifs ou de superlatifs dans la publicité comme « le meilleur » ou « le meilleur, le plus grand, le plus rapide », ou le plus compétent est à la fois subjective et invérifiable. Les comparaisons suggèrent que les services fournis sont d’une qualité supérieure par rapport à ceux d’autres juristes ou fournisseurs de services juridiques, contrevenant ainsi à la règle 4.2-1 du Code type. Comme la plupart des ordres professionnels de juristes incluent une règle similaire dans leur code de déontologie, l’utilisation de termes comparatifs et de superlatifs risque de contrevenir aux règles du code de déontologie du juriste.

Tout compte fait, les juristes sont responsables du langage qu’ils utilisent pour faire la publicité de leurs capacités professionnelles. En tant que membres du barreau, quel que soit la province ou le territoire, chaque juriste a le devoir de connaître les règles qui s’appliquent à lui et de s’y conformer.


Pour en savoir plus :

William W. Yavinsky, « A Comparative Look at Comparative Attorney Advertising: Why Efforts to Prohibit Evaluative Rankings Spark Debate from Buffalo to Buenos Aires » (2007) 20:3 Georgetown Journal of Legal Ethics 969.

Notes de fin

1 Law Society of Ontario v. Mazin, 2019 ONLSTH 35

2 Sally J. Schmidt, Marketing the Law Firm: Business Development Techniques (New York: Law Journal Press 2004) à 1.2.

3 Law Society of Alberta v. Hansen, 2013 ABLS 5.

4 Law Society of Ontario v. D’Alimonte 2018 ONLSTH 86 aux paragraphes 45 et 46.

5 William W. Yavinsky, « A Comparative Look at Comparative Attorney Advertising: Why Efforts to Prohibit Evaluative Rankings Spark Debate from Buffalo to Buenos Aires » (2007) 20:3 Georgetown Journal of Legal Ethics, à la p. 969.

6 Sally J. Schmidt, Marketing the Law Firm: Business Development Techniques (New York : Law Journal Press 2004), à la p. 2.02.