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Le terme « développement » à l’article 6 doit être interprété :
[…] au sens le plus large et en tant que concept global, embrassant le développement physique, mental, spirituel, moral, psychologique et social. Les mesures d’application devraient viser à assurer le développement optimal de tous les enfants.
La Convention relative aux droits de l’enfant (« la Convention ») reflète un nouveau paradigme du développement de l’enfant, selon lequel l’enfant est un acteur social central en droit, dans les politiques et dans la pratique, et il contribue à façonner son propre développementNote de bas de page 1 Cette approche est axée sur les points de vue, les expériences vécues, les droits et la participation de l’enfant. Elle met en question la façon traditionnelle et restrictive dont la théorie du développement de l’enfant présente des suppositions universellement admises sur les enfants comme étant des « faits », théorie qui conçoit les enfants comme étant des personnes incompétentes en évolution vers l’âge adulte, et qui a souvent pour résultat de subordonner le droit de l’enfant de participer à une série de droits axés sur la protection et sur la fourniture des soins d’entretien. Le modèle traditionnel de conception de l’enfant fournit une norme de comparaison sur laquelle le système judiciaire en est couramment venu à se fonder pour évaluer la compétence, au détriment du droit de participation de l’enfant.
La conception du développement de l’enfant repose traditionnellement sur des théories psychologiques basées sur les travaux de Jean Piaget, selon lesquelles un enfant franchit des étapes liées à l’âge vers le stade adulte dans le même ordre, et généralement au même âge, que les autres enfants. Si un enfant ne se trouve pas au stade correct de développement associé à son âge et s’écarte d’une « courbe normale » correspondant à cette perception universelle de l’enfance, il est considéré comme ayant besoin d’une intervention professionnelle. Cette approche peut conduire à des conclusions concernant les enfants en général, mais non à des conclusions sur un enfant en particulier dans le cadre concret de la pratique.
La notion de l’enfant en tant que participant potentiellement actif au sein d’un réseau relationnel comme celui de la famille, de l’école, de la collectivité ou de la société, se trouve au cœur de la Convention. La reconnaissance d’une approche holistique vis-à-vis de l’enfant permet à celui-ci de contribuer de façon significative à l’élaboration de politiques et pratiques efficaces dans le cadre du système de justice.
Il n’est pas suffisant de se concentrer uniquement sur les aspects biologiques ou cognitifs du développement qui sont propres à un enfant; on doit plutôt mettre l’accent sur sa faculté d’agir et sa compétence, ce qui a les incidences suivantes :
- la priorité est accordée à la capacité de l’enfant en tant que participant;
- les mesures prises pour donner effet aux droits de protection et d’entretien sont basées sur le point de vue de l’enfant et sont plus pertinentes;
- les possibilités d’interagir avec l’enfant se trouvent accrues.
Le thème principal de l’article 6 de la Convention peut être illustré comme étant un triangle inversé dans lequel la protection et l’entretien, occupant la position prédominante, cèdent le pas à la participation.
Vue d’ensemble des différences entre l’approche traditionnelle du développement et l’approche du « nouveau » paradigme
Thèmes principaux d’une approche du développement | Thèmes principaux d’une approche du « nouveau » paradigme | Implications |
---|---|---|
Universalisme | Diversité | L’expérience de l’enfance que vit l’enfant est reconnue dans un contexte culturel. |
L’enfant conçu comme « étant en train de devenir » un adulte | L’enfant conçu comme « faisant actuellement partie intégrante » du monde | Les droits de l’enfant deviennent une caractéristique de son présent et non de son avenir (place dans la société). |
Franchissement de stades conduisant en fin de compte à une compétence d’adulte | L’enfant conçu comme un producteur de sens compétent | La façon de comprendre les enfants n’est pas basée sur des suppositions d’adulte, mais sur une interaction avec l’enfant à titre individuel. |
L’enfant vu comme dépendant des adultes pour la réponse à ses besoins (protection et entretien) | L’enfant vu comme acteur participant à part entière | Les enfants sont considérés comme contribuant d’une manière valide au façonnement du monde social dont ils font partie. |
Pour plus de renseignements, consulter : Revue canadienne des droits des enfants
Droit international
- Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, article 6
Sources d’interprétation
- Observations générales nos 5, 12 et 14 sur la Convention
Jurisprudence
- Gillick v. West Norfolk and Wisbech Area Health Authority, [1986] 1 AC 112, [1985] 3 All ER 402, [1985] 3 WLR 830, [1986] 1 FLR 224, [1986] Crim LR 113, 2 BMLR 11 : affaire concernant le droit des adolescents à consentir à des traitements médicaux.
Droit canadien
- Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2 : Reflète une attitude en évolution au sein du système en ce qui concerne la reconnaissance du développement holistique des enfants; feuillet d’information de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations.
- B.J.G. v. D.L.G., 2010 YKSC 44 : Établit que tous les enfants ont le droit d’être entendus dans tous les processus judiciaires sans exception, que l’information fournie par les enfants sur un large éventail de questions pertinentes peut conduire à de meilleures décisions, et que si les enfants veulent participer, on doit examiner les options leur procurant le meilleur moyen de le faire.
Autres affaires et dispositions législatives pertinentes
- Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624
- Loi canadienne sur la santé (gouvernement du Canada, 2015)
- Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général), [2004] 3 R.C.S. 657
- A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), [2009] 2 R.C.S. 181, [2009] A.C.S. no 30
Considérations spéciales
La conception holistique du développement de l’enfant est étroitement liée à la participation de celui-ci, laquelle doit être significative :
- Une approche holistique du développement fait la synthèse entre le développementalisme et l’approche centrée sur l’enfant en mettant l’accent sur la faculté d’agir et la compétence de l’enfant. Dans la pratique, cela signifie :
- prioriser la capacité de l’enfant en tant que participant, de manière à favoriser son engagement à l’égard de ses droits et, de façon plus générale, de la loi;
- un mode d’action plus opportun en matière de protection et d’entretien, basé sur les points de vue exprimés par l’enfant;
- des occasions accrues d’interagir avec l’enfant, pourvu que certains thèmes soient reconnus;
- engager un dialogue avec l’enfant sur les questions qui le concernent au sens de l’article 12 de la Convention : l’apport de l’enfant est essentiel;
- avoir conscience de la façon profondément ancrée dont le développementalisme définit depuis si longtemps la conception de l’enfant au sein du système de justice, notamment pour ce qui est de la capacité de l’enfant à raisonner.
- Pour que la participation de l’enfant soit significative, il faut des objectifs clairs tels que la consultation, l’information et la contribution à la prise des décisions, de même que des pratiques permettant d’éviter les pièges liés à la répartition des pouvoirs ainsi qu’aux mauvaises communications et malentendus possibles concernant les obligations, les droits et les attentes au sein du processus.
- La participation de l’enfant est un champ d’activité nouveau et il faut prendre en considération non seulement les normes et directives générales, mais aussi les facteurs propres au contexte dans chaque cas.
- Afin de créer un climat propice à la participation, une première étape consiste à tenter d’établir un environnement tenant compte des interprétations différentes de la participation qu’ont les diverses parties prenantes. Les enfants en particulier, à cause de leur situation structurelle de subordonnés, sont susceptibles d’avoir des conceptions différentes de la responsabilité, des droits, des attentes, des relations, de la confiance et des conduites abusives (entre autres) de celles des professionnels adultes (qui peuvent aussi avoir eux-mêmes des interprétations divergentes en ce qui concerne des notions clés).
Pratiques essentielles
- Principe éthique : Les enfants sont des partenaires – réfléchissez aux suppositions que vous faites au sujet des enfants et aux effets de ces suppositions sur le statut des enfants au sein du système de justice.
- Intégration à l’espace collectif : Priorisez la participation plutôt que la protection et l’entretien; recherchez les espaces potentiels de participation de l’enfant au sein du système de justice.
- Rôle directeur : Dans quelle mesure pouvez-vous apprendre de l’enfant, et vice versa? Il s’agit d’acquérir des connaissances, de les gérer et de créer des moyens durables de relier ces connaissances à la pratique.
- Langage : Établissez un langage commun concernant les pratiques juridiques que les enfants aussi bien que les adultes pourront utiliser pour dialoguer dans l’ensemble du système de justice.
- Action : Agissez de manière à favoriser des occasions concrètes permettant à tous les participants (tant les adultes que l’enfant) d’être des partenaires dans un projet commun de justice. Engagez-vous dans une interaction significative avec l’enfant en adoptant une perspective holistique.
Voir Frankel et Fowler, 2013.
Ressources
- McNamee, Frankel, Pomfret, Birnbaum, « Background Paper on Article 6, UN Convention on the Rights of the Child », Childhood and Social Institutions Program, Dept. of Interdisciplinary Programs, King’s University College at Western, 2016
- Ministre de la Justice et procureur général du Canada, « Le point de vue de l'enfant dans la médiation et les autres méthodes de règlement extrajudiciaire des différends dans les cas de séparation et de divorce : une analyse documentaire » par Rachel Birnbaum, (Ottawa : Ministère de la Justice et procureur général du Canada, juin 2009) en ligne
- Susan Clark, « Slow Democracy: Power – Do We Talk About It In Polite Company » (24 May 2013), Orton Family Foundation (blogue), en ligne.
- Plan International, « Children’s Participation in Decision Making: Why Do It, When To Do It, How To Do I » (15 July 2015) en ligne.
- Alison Clark, « Ways of seeing: using the Mosaic approach to listen to young children's perspectives » in Beyond Listening: Children's perspectives on early childhood services (Bristol: Policy Press, 2005) en ligne.
- Save the Children, « Putting Children at the Centre: A Practical Guide To Children’s Participation » (2010) en ligne.
- Sam Frankel, « Social Learning Pillars » (2015)
- Sam Frankel, Sally McNamee & Alan Pomfret « Approaches to promoting ideas about children’s rights and participation: can the education of undergraduate students contribute to raising the visibility of the child in relation to child participation in Canada? » (2015) 2:1 Canadian Journal of Children’s Rights 26 (online).
- Saul McLeod, « Kohlberg » (2013), SimplyPsychology (blogue), en ligne.
- Saul McLeod, « Lev Vygotsky » (2014) SimplyPsychology (blogue), en ligne.
- Saul McLeod, « Jean Piaget » (2015) SimplyPsychology (blogue), en ligne.
- UNGA, 27th Special Sess, 6th Plen Mtg, GA Res S-27/2 « A world fit for children » (2002) en ligne.
- UNICEF, « Programming experiences in early child development » (November 2006), en ligne.
- Canada, « Un Canada digne des enfants » (2004), en ligne.
Notes de bas de page
Note de bas de page 1
Un « nouveau » paradigme proposé pour les études sociales de l’enfant rejette l’approche basée sur le développement pour accorder la priorité au point de vue de l’enfant, à ses expériences, à ses droits et à sa participation. Au cours des années 1970, un corpus croissant de travaux dans diverses disciplines a de plus en plus contesté la présentation de l’interprétation restrictive du statut de l’enfant comme étant un « fait ». Cette remise en question par les chercheurs a conduit à une révolution conceptuelle, ou à un « nouveau paradigme », reposant sur le principe que l’interprétation du statut des enfants doit aller au-delà des suppositions faites par les adultes et que les enfants doivent être reconnus comme étant des agents sociaux actifs, fonctionnant au sein du plus vaste réseau des structures sociales.