4.2. Système de justice pénale pour les adolescents

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« Attendu que le Canada est partie à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et que les adolescents ont des droits et libertés, en particulier ceux qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits, et qu’ils bénéficient en conséquence de mesures spéciales de protection à cet égard »

Préambule de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
R. c. C.D.; R. c. C.D.K., [2005] 3 R.C.S. 668, 2005 CSC 78
R. c. D.B., [2008] 2 R.C.S. 3, 2008 CSC 25

La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents du Canada fait référence explicitement à la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention »); elle contient des processus et des peines applicables aux jeunes âgés de 12 à 17 ans afin de renforcer leurs droits et leurs protections. Elle crée également certaines infractions. Le Code criminel du Canada et d’autres mesures législatives pénales, comme la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, s’appliquent aux jeunes, à moins que leurs dispositions soient incompatibles avec celles contenues dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.

Des instruments internationaux portant sur les droits de la personne tels que la Convention fournissent un contexte d’interprétation de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Charte canadienne des droits et libertés et d’autres dispositions en droit canadien liées à la justice pénale pour les adolescents :

  • Prévention : La prévention de la récidive en s’attaquant aux causes profondes de la criminalité chez les jeunes et en reconnaissant leurs droits économiques, sociaux et culturels
  • Déjudiciarisation : La déjudiciarisation en dehors du système officiel de justice pénale pour les adolescents, y compris l’arrestation, la poursuite et l’incarcération
  • Prononcé de la peine : Réaction proportionnelle à l’infraction; recours à une grande variété de mesures
  • Placement sous garde, détention, incarcértion : Mesures de protection spéciales lors des arrestations et des placements sous garde; aucune détention illégale ou arbitraire; incarcération seulement en tant que dernier recours et durant la période la plus courte possible; aptitude à contester la détention; séparation des jeunes et des contrevenants adultes
  • Réadaptation et réinsertion sociale : Réadaptation psychologique; réinsertion dans la communauté des jeunes et la société en général
  • Processus : Droit d’être entendu et d’avoir une opinion qui doit être dûment prise en considération dans les procédures judiciaires; participation parentale, confidentialité et vie privée; représentation juridique; droit des jeunes à des causes entendues avec célérité, en lien avec les considérations spéciales des jeunes en matière de perception du temps
  • Dignité : questions liées aux spécificités propres à chaque sexe; questions de soins spéciaux; évitement de traitements dégradants; liens avec la famille

Les questions de justice pour les enfants et les adolescents sont étroitement liées à la Charte. Si votre cause concerne un enfant autochtone, d’autres considérations s’appliquent (voir l’affaire R. c. Gladue, [1999] 1 RCS 688, 133 CCC (3d) 385.

Droit international

  • Articles 37, 40, 2, 3, 6 et 12 de la Convention
  • Article 12 (droit des personnes handicapées à la reconnaissance de leur personnalité juridique), article 13 (accès à la justice) et article 14 (liberté et sécurité de la personne) de la Déclaration sur les droits des personnes handicapées (des Nations Unies)
  • « instrument à caractère non contraignant » qui aide à interpréter les instruments internationaux portant sur les droits de l’homme :

Convention relative aux droits de l’enfant (des Nations Unies)

Tous les droits énoncés dans la Convention sont indivisibles et interdépendants. Dans le contexte du système de justice pénale pour les adolescents, les articles suivants peuvent être considérés comme plus pertinents, mais ils ne doivent pas être interprétés séparément des autres articles de la Convention.

Article 37 : Droit de ne pas être soumis à des traitements dégradants et à des châtiments; l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible. Tout enfant privé de liberté a le droit d’être séparé des adultes, de rester en contact avec sa famille, d’avoir rapidement accès à l’assistance juridique ou à toute autre assistance appropriée, de contester la légalité de sa privation de liberté devant un tribunal ou une autre autorité compétente et à ce qu’une décision rapide soit prise en la matière.

Article 40 : Droit à une application régulière de la loi dans le système de justice pénale, ainsi qu’à des considérations spéciales concernant la prestation de services juridiques, la participation de la famille, la protection de la vie privée, les procédures expéditives, l’importance des possibilités de traiter des affaires sans recourir à des procédures judiciaires officielles, la disponibilité de diverses décisions et la promotion de la réinsertion sociale des adolescents.

Principes directeurs de la Convention : non-discrimination (article 2); intérêt supérieur de l’enfant (article 3); développement holistique de l’enfant (article 3); participation de l’enfant (article 12)

Déclaration sur les droits des personnes handicapées (des Nations Unies)

Article 12 : Droit des personnes handicapées à la reconnaissance de leur personnalité juridique

Article 13 : Accès à la justice

Article 14 : Liberté et sécurité de la personne

Sources d’interprétation

Observations générales du Comité des droits de l’enfant (CDE) nos 9, 10, 11 et 12

Instruments internationaux portant sur les droits de la personne « à caractère non contraignant »

Les quatre instruments internationaux portant sur les droits de la personne « à caractère non contraignant » suivants fournissent une orientation relativement à la manière d’interpréter les droits énoncés dans la Convention :

Lois fédérales

Lois provinciales ou territoriales

 

  • Lois sur le système de justice pour les jeunes – il existe des lois provinciales et territoriales qui régissent le processus judiciaire et la détermination des peines dans le cas d’infractions à des lois ou à des règlements provinciaux ou territoriaux commises par des adolescents.
  • Défenseur (ou représentant) de l’enfance et de la jeunesse – des provinces et des territoires peuvent étendre le rôle de défenseur aux adolescents confrontés au système de justice pénale, comme en Alberta, où ces derniers ont accès au Bureau du défenseur des enfants et des jeunes. Voyez qui est le défenseur des enfants et des jeunes ou le représentant de l’enfance et de la jeunesse dans votre ressort.

Jurisprudence

  • R. c. T.J.M., [2021] CSC 6 énonce qu’un juge de la Cour supérieure a la compétence pour entendre et décider d’une demande de mise en liberté provisoire, présentée par un adolescent accusé d’une infraction mentionnée à l’art. 469 du Code criminel et que cette compétence est détenue simultanément à celle des juges des tribunaux de la jeunesse désignés de la province. R. c. K.J.M., [2019] CSC 55 énonce que bien que le système juvénile requiert un délai lors d’un procès, il n’exige pas un délai garanti par la Constitution différent de celui prévu par l’arrêt Jordan pour les adultes. Les plafonds fixés dans l’arrêt Jordan lorsqu’un sursis est demandé en deçà des délais peut permettre une analyse propre au cas qui intègre des considérations spéciales pour les adolescents, et ce, pour au moins cinq raisons :
    • Premièrement, les jeunes ont une perception du temps différente et une mémoire moins bien développée que les adultes, ce qui a pour effet de réduire leur capacité à prendre conscience du lien qui existe entre les actes et leurs conséquences. Ce lien peut devenir moins clair si les délais sont trop longs et cela peut diminuer l’efficacité de toute mesure entreprise. Toutefois, une intervention en temps opportun renforce ce lien.
    • Deuxièmement, le délai d’attente peut avoir une plus grande incidence psychologique sur les adolescents que sur les adultes.
    • Troisièmement, les souvenirs d’un adolescent ont tendance à s’estomper plus rapidement que ceux des adultes, de sorte qu’il peut lui être plus difficile de se souvenir des situations passées en cas de délai prolongé, ce qui peut à son tour porter atteinte à sa capacité à répondre et à se défendre pleinement, un droit qui est protégé par l’art. 7 de la Charte.
    • Quatrièmement, l’adolescence est une période de développement cérébral, cognitif et psychosocial rapide. Lorsqu’un délai prolongé sépare le comportement délictueux de la sanction correspondante, l’adolescent peut éprouver un sentiment d’injustice, car ses pensées et ses comportements peuvent avoir considérablement changé depuis que le comportement répréhensible a eu lieu.
    • Cinquièmement, la société a un intérêt à voir les adolescents réadaptés et réinsérés dans la société le plus rapidement possible. Pour toutes ces raisons, les affaires juvéniles doivent être traitées rapidement et en temps opportun.
  • L’affaire R. c. L.T.H., [2008] 2 RCS 739, 2008 CSC 49 mentionne que, relativement aux déclarations, le ministère public doit établir une renonciation valide hors de tout doute raisonnable; la police doit déployer des efforts raisonnables pour adapter l’explication au niveau de compréhension d’un adolescent.
  • L’affaire R. c. D.B., [2008] 2 RCS 3, 2008 CSC 25 mentionne que la présomption de culpabilité morale moins élevée des adolescents est un principe de justice fondamentale. La Cour suprême du Canada a invoqué les motifs suivants :
    • en raison de leur âge les adolescents sont plus vulnérables, moins matures et moins aptes à exercer un jugement moral
    • l’historique législatif qui a conduit à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) appuie cette conclusion;
    • le principe se reflète également dans les engagements internationaux du Canada, notamment dans la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies;
    • le principe est essentiel au bon fonctionnement du système de justice; il peut être défini avec suffisamment de précision pour constituer une norme fonctionnelle permettant d’évaluer l’atteinte à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne;
    • le principe est appliqué depuis des décennies aux poursuites contre des adolescents au pays.
  • L’affaire R. c. L. (D.O.), [1993] 4 RCS 419, 1993 46 (CSC) a maintenu la constitutionnalité de l’article 715.1 du Code criminel permettant l’utilisation du témoignage enregistré sur bande vidéo d’un enfant victime de violence sexuelle à l’aide d’une méthode contextuelle d’interprétation législative qui examine le contexte politique, social et historique plus large. L’article 715.1 du Code criminel est une réaction contre la domination et le pouvoir que les adultes, à cause de leur âge, ont sur les enfants; il rend la participation au système de justice pénale moins pénible et moins traumatisante pour les enfants et les adolescents, tout en favorisant la conservation de la preuve et la découverte de la vérité.

Considérations spéciales

  • Tous les adolescents accusés d’un acte criminel ont le droit de recevoir des conseils par le truchement de l’aide juridique, peu importe leur revenu.
  • Si vous agissez à titre de conseiller juridique pour un enfant, connaissez les règles du barreau qui peuvent influer sur votre rôle, mais sachez aussi qu’elles peuvent être sujettes à l’interprétation de la même manière que d’autres lois concernant les enfants. (Voir la section du Cadre obligatoire et la section de la représentation juridique des enfants dans la présente Trousse d’outils sur les droits de l’enfant).
  • Renseignez-vous sur les questions médicales qui peuvent influer sur les enfants, comme l’ensemble des troubles causés par l’alcoolisation fœtale (ETCAF), et sur d’autres troubles organiques cérébraux qui ont une incidence sur la condition physique, l’aptitude à transmettre un plaidoyer, etc., ainsi que sur des questions sociales telles que les séquelles des pensionnats autochtones.

Outils de pratique essentiels

  • Adaptez la communication en fonction des jeunes. Ne supposez pas qu’un adolescent peut lire ou qu’il se situe à un niveau de littératie en particulier. Présentez-lui le contenu de tous les rapports qui le concernent, particulièrement les évaluations psychologiques ou psychiatriques. Les jeunes ne peuvent pas participer efficacement s’ils ne comprennent pas ce qui leur arrive, bien qu’ils puissent vous dire qu’ils le comprennent; demandez-leur de vous dire ce que cela signifie pour avoir plus de certitude.
  • Comprenez ce que cela signifie d’avoir été élevé dans un système de protection de l’enfance plutôt que dans un milieu familial, puis adaptez-vous en conséquence.
  • Adaptez votre analyse en fonction d’un tribunal pour adolescents, qui est différent d’un tribunal pour adultes. Par exemple, un adolescent a le droit de décider s’il veut être jugé par un juge d’un tribunal provincial dans le cas d’un homicide. Cela pourrait s’avérer la meilleure approche, étant donné la longueur du délai préalable à la tenue de l’enquête préliminaire. De plus, les juges de tribunaux pour adolescents peuvent être plus cléments à l’étape de la détermination des peines.
  • Surveillez les échéances. Si votre client a 21 ans lors du prononcé de la peine dans le cas d’une accusation d’homicide, il ne pourra pas bénéficier d’une ordonnance du Programme de placement et de surveillance dans le cadre d’un programme intensif de réadaptation. Ainsi, regardez bien vos calendriers! Il s’agit d’un programme de contribution à l’intention des provinces et des territoires pour la prestation de programmes et de services thérapeutiques spécialisés pour les jeunes qui ont des problèmes de santé mentale et qui sont condamnés pour crime grave avec violence.
  • Essayez de rester en contact régulier avec l’adolescent, en particulier s’il purge une peine de placement sous garde. Les adolescents peuvent ne pas savoir qu’ils peuvent demander un examen d’un chef d’accusation ou si leur situation peut rendre un tel examen probable. Les examens ne doivent pas être fondés sur la bonne conduite de l’adolescent, quoique, en pratique, cela puisse être nécessaire.

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