3.6. Participation de l’enfant

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Le droit de participer

Un enfant qui est capable d’exprimer des opinions a le droit de participer. Cela comporte deux aspects : 

  • le droit de l’enfant d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant;
  • le droit de voir ces opinions dûment prises en considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité.

Observation générale no 12 [OG no 12]

La participation de l’enfant est essentielle à la prise de bonnes décisions sur les questions qui le concernent, que l’enfant soit une partie ayant qualité pour agir, la personne visée par la procédure, un témoin ou une tierce partie touchée par la décision. Le vécu d’un enfant est différent de celui des adultes et la prise en considération de ce vécu peut contribuer à de meilleures décisions judiciaires ou administratives, tant pour l’enfant que pour des personnes de son entourage. Aux termes du paragraphe 12(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies (« la Convention »), « [les] États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ».

La participation de l’enfant est directement (inextricablement) liée à l’intérêt supérieur de l’enfant (OG no 14, par. 43) et est liée à tous les autres articles de la Convention en tant que droit de fond et principe directeur. Elle nécessite : que l’enfant reçoive l’information d’une façon qu’il comprend sur la situation et sur son rôle dans celle-ci; qu’on lui procure des espaces propices où il pourra exprimer ses opinions et poser des questions sur les enjeux qui le concernent; qu’on l’informe du résultat des décisions qui le touchent en un langage qu’il comprend. Elle requiert également que les décideurs entendent, examinent et prennent dûment en considération les opinions de l’enfant lorsqu’ils doivent rendre des décisions à son sujet. La participation de l’enfant éclaire à la fois le processus auquel il est mêlé et la décision finale qui sera rendue à son égard. Elle aide à rendre les interactions avec l’enfant, ainsi que les actes posés en son nom, plus sensibles à sa réalité et à ses droits, tant dans le contexte des processus que dans celui de la décision prise au bout du compte.

La participation de l’enfant peut être mise à effet par le recours à un processus en cinq étapes (OG no 12, par. 41 à 47) :

  1. préparer l’enfant;
  2. entendre ses opinions;
  3. évaluer sa capacité;
  4. prendre dûment ses opinions en considération et lui expliquer la décision rendue;
  5. s’occuper des plaintes, recours et réparations : rendre des comptes à l’enfant.

Il est impossible d’appliquer correctement l’intérêt supérieur de l’enfant si les conditions essentielles de la participation de l’enfant (article 12) ne sont pas remplies. De même, l’intérêt supérieur de l’enfant assure la fonctionnalité de sa participation en facilitant l’accomplissement de son rôle essentiel dans toutes les décisions qui ont une incidence sur sa vie.

La participation est un processus et non une mesure ponctuelle

(OG no 12, par. 13)

La participation est respectée lorsque l’enfant :

  • choisit de participer, directement ou par l’intermédiaire d’un représentant; on doit donner à l’enfant, chaque fois que c’est possible, l’occasion d’être entendu directement (OG no 12, par. 35);
  • dispose d’un espace adapté aux enfants où il peut participer et poser des questions;
  • est informé sur tous les aspects du processus, y compris son rôle dans celui-ci;
  • a la capacité de participer, peu importe son âge, s’il est capable de discernement, c’est-à-dire s’il est capable de se forger une opinion de manière autonome; il n’y a aucune limite d’âge et il n’y a pas de présomption initiale d’incapacité (OG no 12, par. 20-21);
  • n’est pas interrogé plus souvent que nécessaire (OG no 12, par. 24);
  • est informé sur la façon dont ses opinions ont été prises en ligne de compte dans une décision rendue, et cette information lui est communiquée d’une façon qu’il peut comprendre.

L’âge ne détermine pas à lui seul l’importance de l’opinion d’un enfant. Il faut évaluer au cas par cas la façon dont les opinions de l’enfant seront « dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité » (OG no 12, par. 29). L’information, l’expérience, l’environnement, les attentes sociales et culturelles et le soutien dont bénéficie l’enfant sont autant de facteurs qui contribuent au développement de sa capacité de se faire une opinion.

Droit international

Sources d’interprétation

Droit canadien

Lois fédérales

En vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1, l’adolescent ou son avocat participent aux instances (p. ex. aux termes de l’article 119, l’adolescent et son avocat peuvent avoir accès aux dossiers) et la participation du jeune est inextricablement liée à toutes les dispositions où l’intérêt supérieur de l’adolescent est mentionné dans la loi.

Lois provinciales et territoriales

Les lois adoptées par les provinces et les territoires contiennent certaines dispositions relatives à la participation de l’enfant, notamment :

  • Les opinions de l’enfant sont un facteur à prendre en considération pour déterminer son intérêt supérieur en vertu des lois sur la famille et la protection de l’enfance.
  • Un enfant âgé de plus de 12 ans a le droit de recevoir un avis d’instance et de participer à une audience de protection de l’enfance (p. ex. Child, Family and Community Service Act, RSBC 1996, ch. 46, articles 33.1, 34, 36, 42.2, 44, 46, 49, 55, 55.01, 57 ou 58; voir aussi la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, L.R.O 1990, ch. C.11, article 39).
  • L’enfant est reconnu comme étant une partie à l’instance (p. ex. Child, Family and Community Service Act, RSBC 1996, ch. 46, art. 39).
  • La nomination d’un avocat pour un enfant dans une procédure judiciaire est prévue, par exemple, par la Family Law Act de la Colombie-Britannique, qui permet au tribunal de nommer un avocat pour l’enfant au titre de l’article 203 si le degré de conflit entre les parties entrave leur aptitude à agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant et s’il est nécessaire de protéger cet intérêt supérieur. Les honoraires de l’avocat ne sont pas assumés par le gouvernement dans cette province, mais le tribunal peut répartir le coût entre les parties ou imputer la totalité des frais à l’une des parties. Certaines provinces disposent de bureaux ou d’organisations qui se consacrent à la représentation juridique des enfants dans certains domaines, par exemple le Bureau de l’avocat des enfants en Ontario et le Child Legal and Educational Resource Centre à Calgary. (Voir aussi la section de la trousse portant sur la représentation juridique.)

Jurisprudence

A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), [2009] 2 R.C.S. 181, 2009 CSC 30 (CanLII) : Cet arrêt a confirmé le droit de l’enfant de participer aux décisions sur l’administration d’un traitement médical ayant une incidence sur lui et offrait une liste de questions à poser, non pas à titre de formule, mais à titre d’exemple afin d’aider d’autres tribunaux à évaluer dans quelle mesure les volontés exprimées par l’enfant reflètent des choix véritables, durables et autonomes. La Cour concluait, au par. 114 :

[...] je conviens avec A.C. qu’il est intrinsèquement arbitraire de priver un adolescent de moins de 16 ans pris en charge par l’État de la possibilité de démontrer qu’il possède une maturité suffisante. J’estime toutefois que l’interprétation correcte du critère de « l’intérêt » visé au par. 25(8) de la Loi permet aux jeunes de se prévaloir, selon leur degré de maturité, de leur droit à l’autonomie décisionnelle.

B.J.G. v. D.L.G., 2010 YKSC 44 : L’arrêt contient une analyse de la Convention dans le contexte du droit de la famille. La Cour affirme que les enfants ont le droit légal d’exprimer leurs opinions, mais que la loi ne les oblige pas à le faire : ils peuvent choisir de ne pas participer. Si un enfant choisit de participer, le tribunal détermine tout d’abord s’il est capable de se forger ses propres opinions avant qu’il n’ait le droit légal de les exprimer. La capacité s’entend de la capacité cognitive de se former des opinions et de les communiquer. Les décideurs prennent en considération toutes les circonstances de l’affaire lorsqu’ils déterminent le poids à accorder aux opinions de l’enfant. Ce deuxième droit légal relatif à la valeur à accorder aux opinions repose sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il donne à l’enfant une voix et non le choix; l’enfant n’est pas tenu de prendre la décision qui relève de la responsabilité des adultes en cause (par. 26 à 28).

A.M.R.I. v. K.E.R., 106 O.R. (3d) 1, 2011 ONCA 417 (C.A.) : L’affaire a pris naissance dans le contexte d’une demande sous le régime de la Convention de La Haye relativement à un enfant ayant obtenu le statut de réfugié au sens de cette dernière convention. La Cour a pris en considération la Convention relative aux droits de l’enfant et a établi que le poids à accorder à l’intérêt supérieur de l’enfant au titre de cette convention étayait solidement la conclusion qu’un juge saisi d’une demande relevant de la Convention de La Haye doit traiter le statut de réfugié de l’enfant comme donnant lieu à une présomption réfutable de risque de persécution si l’enfant est forcé de retourner dans son pays d’origine. La Cour a aussi cité l’article 12 de la Convention à l’appui de sa conclusion selon laquelle, dans le contexte d’un enfant réfugié, les opinions de l’enfant acquièrent une plus grande importance. Compte tenu des intérêts en jeu, la Cour a expressément conclu :

[TRADUCTION]

Une ordonnance de renvoi en application de la Convention de La Haye a des répercussions profondes et souvent déchirantes sur l’enfant touché. Lorsque le renvoi proposé fait intervenir les droits de l’enfant aux termes de l’article 7 de la Charte, comme en l’espèce, des protections procédurales significatives doivent être accordées à l’enfant. À notre avis, ces protections comprennent le droit : (1) de recevoir avis de la demande; (2) de recevoir une communication adéquate des arguments en faveur de l’ordonnance de renvoi; (3) d’avoir une possibilité raisonnable de répondre à ces arguments; (4) d’avoir une possibilité raisonnable de faire prendre en considération ses propres opinions sur le bien-fondé de la demande, eu égard à son âge et à son degré de maturité; (5) d’être représenté.

L.E.G. v. A.G., 2002 BCSC 1455 : La Cour a examiné la question des entrevues d’enfants par des juges et a fait les constatations suivantes :

  • Le pouvoir discrétionnaire de mener des entrevues d’enfants découle à la fois de la compétence parens patriae du tribunal et de son obligation, prévue par la loi, de prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant (facteur important, car en son absence, la Cour provinciale ne serait pas habilitée à faire de telles entrevues).
  • Lorsqu’il examine s’il convient ou non de mener une entrevue avec un enfant, le tribunal doit prendre en compte la pertinence d’un tel témoignage par rapport aux questions litigieuses, la fiabilité des informations ainsi obtenues et la nécessité de l’entrevue plutôt que de l’obtention des informations d’une autre manière; cet examen peut se faire vers la fin de l’audience, après que le tribunal a pris connaissance de suffisamment d’éléments de preuve pour mettre les opinions de l’enfant en contexte, ou au début, de telle sorte que les parties puissent produire des éléments de preuve pour répondre à toute préoccupation soulevée.
  • Le tribunal n’a pas besoin du consentement des parents ou des tuteurs. [TRADUCTION] « Bien qu’un parent ne puisse pas simplement opposer son veto à la réalisation d’une entrevue, les raisons précises pour lesquelles il ne donne pas son consentement peuvent être importantes pour la détermination de la pertinence, de la fiabilité et de la nécessité » (par. 6).
  • Bien qu’il puisse être préférable d’obtenir ces éléments de preuve par l’intermédiaire d’un spécialiste ou d’un ami de la cour, la regrettable réalité (par. 57) est que, souvent, les parties ne disposent pas des ressources nécessaires pour se prévaloir de tels services.

Dormer v. Thomas (1999), 65 B.C.L.R. (3d) 290 (B.C.S.C.) : La Cour décrit certaines des options dont le tribunal dispose pour s’acquitter de son obligation légale de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant et indique qu’il est souvent fait référence à trois modèles de représentation juridique des enfants :

  • L’ami de la Cour : Il est considéré comme un auxiliaire neutre du tribunal qui a pour rôle de faciliter la prise d’une décision judiciaire éclairée dans des instances relatives à la garde et aux droits de visite, et qui veille à ce que tous les éléments de preuve pertinents soient présentés au tribunal.
  • Le tuteur à l’instance : Il est nommé pour protéger les intérêts de l’enfant; il doit déterminer ce qu’est l’intérêt supérieur de l’enfant et soumettre au tribunal une opinion éclairée sur cet intérêt supérieur. L’opinion du tuteur ne doit pas nécessairement concorder avec les désirs de l’enfant.
  • Le défenseur de l’enfant : C’est en fait une personne qui intervient en faveur de l’enfant. Il s’agit du rôle plus traditionnel que jouent les avocats. Le défenseur doit présenter les désirs de l’enfant et tâcher d’en faire valoir la pertinence. 

Autres décisions

Considérations spéciales

  • Ne présumez pas que les opinions des adultes correspondent à celles de l’enfant.
  • Tous les enfants ont le droit de participer : la question n’est pas de savoir s’il convient ou non qu’un enfant participe, mais de savoir comment soutenir le mieux possible l’enfant et son droit de participer.
  • Afin de déterminer la meilleure façon de soutenir la participation d’un enfant, on doit comprendre le contexte de ce dernier.
  • L’endroit où l’enfant habite et les personnes qui contribuent à faciliter sa participation sont des facteurs qui détermineront les options et les mesures de soutien dont disposera l’enfant et, en définitive, la qualité de sa participation.
  • La méthode choisie et l’adulte qui facilite la participation de l’enfant peuvent avoir des répercussions sur la manière dont les opinions de l’enfant seront entendues, prises en considération et soupesées par le décideur : il faut veiller à ce que le choix soit judicieux.

Pratiques essentielles

Cinq étapes de mise en œuvre du droit de participation

(OG no 12, par. 40 à 47)

  1. Préparer l’enfant :
    • Informer l’enfant :
      • de son droit d’exprimer son opinion sur toute question l’intéressant et, en particulier, dans toute procédure judiciaire ou administrative;
      • des incidences que l’opinion qu’il aura exprimée aura sur l’issue du processus (p. ex., son opinion constitue un élément à prendre en considération dans la décision, mais c’est au décideur qu’il appartient de prendre la décision sur la suite des événements);
      • de la possibilité qu’il a de s’exprimer, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant, ainsi que des conséquences possibles de ce choix.
    • Le décideur doit adéquatement préparer l’enfant avant l’audience en lui expliquant comment, quand et où l’audience aura lieu et qui participera, ainsi qu’en tenant compte des opinions de l’enfant à cet égard.
  2. Entendre les opinions de l’enfant
    • Créer un environnement et un contexte favorables et encourageants.
    • L’audition de l’enfant devrait adopter la forme d’un entretien plutôt que d’un interrogatoire.
    • Il est préférable que l’enfant ne soit pas entendu en audience publique, mais dans des conditions de confidentialité.
  3. Évaluer la capacité de l’enfant
    • La capacité est la capacité cognitive de se forger des opinions et de les communiquer (B.J.G. v. D.L.G, 2010 YKSC 44, au par. 27).
  4. Le décideur explique l’issue du processus, comment l’opinion de l’enfant a été prise en considération et le poids qui lui a été accordé
    • Puisque l’enfant a le droit de voir ses opinions dûment prises en compte, le décideur doit :
      •  l’informer de l’issue du processus;
      • lui expliquer comment son opinion a été prise en considération.
  5. S’occuper des plaintes, recours et réparations
    • Rendre des comptes à l’enfant au sujet du processus et de son issue. 

Moyens d’améliorer la participation 

Moyens d’améliorer la participation pour qu’elle soit significative et : (OG no 12, par. 132 à 134) 

  • Transparente et instructive – fournir à l’enfant des informations exhaustives, accessibles, tenant compte de la diversité et adaptées à son âge sur son droit de participer.
  • Volontaire.
  • Respectueuse des opinions de l’enfant – p. ex., à l’égard du processus (l’enfant veut-il participer directement ou indirectement? Envisager une gamme d’options.) et de l’issue (opinions dûment prises en considération dans les décisions).
  • Pertinente par rapport à la vie de l’enfant.
  • Adaptée à l’enfant (p. ex. langage, environnement favorable et information bienveillante, écouter les propos de l’enfant).
  • Inclusive, en reconnaissance du fait que les enfants ne constituent pas un groupe homogène.
  • Respectant le fait que les capacités de l’enfant sont en évolution (l’âge n’est pas toujours un indicateur exact).
  • Soutenue par des adultes ayant reçu une formation appropriée.
  • Sûre et tenant compte des risques.
  • Responsable (y compris à l’égard de l’enfant) – p. ex., dire à l’enfant quel a été le résultat de l’opinion qu’il a exprimée et comment cette opinion a été prise en considération (ou non) dans les décisions rendues à son sujet.
  • N’oubliez pas que la participation n’est pas une mesure ponctuelle, mais bien un processus continu – prenez en considération l’opinion de l’enfant dans TOUTES les décisions qui le touchent (OG no 12, par. 13 et 133).

Outillez-vous afin de bien dialoguer avec l’enfant : assurez-vous de comprendre les dimensions du développement de l’enfant, de créer un rapport et d’adapter à l’enfant le langage, le ton, le rythme des conversations et les questions à poser. 

Ressources