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Le Comité de déontologie et de responsabilité professionnelle a préparé des réponses à 22 questions fréquemment posées au sujet du secret professionnel entre avocat et client et la confidentialité envers le client, plus particulièrement pour les conseillers juridiques d'entreprises. Veuillez-vous reporter aux dispositions de votre ordre professionnel pour prendre connaissance des règles détaillées dans votre ressort.
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1. Pourquoi est-il important d'établir une distinction entre l'obligation de confidentialité de l'avocat et le principe du secret professionnel entre avocat et client?
Lors de conversations courantes, on ne fait pas nécessairement la distinction entre l'obligation de confidentialité et la protection du secret professionnel entre avocat et client puisque les deux protègent les renseignements du client contre la divulgation. Toutefois, leurs racines en droit et les exceptions qui s'appliquent à chaque notion diffèrent. La connaissance de la source des obligations fait éviter des faux pas déontologiques.
Votre obligation déontologique de confidentialité s'applique à l'ensemble des renseignements que vous apprenez en travaillant pour votre client. Cette obligation existe nonobstant la source de l'information ou son niveau de confidentialité avant de s'inscrire dans la relation avocat-client.
Le fondement sur lequel repose cette obligation déontologique est, au Québec, le Code de déontologie des avocats et d'autres lois et, dans les autres provinces et territoires, les codes de déontologie du Barreau. Les codes décrivent aussi les exceptions à l'obligation déontologique de confidentialité; ces exceptions diffèrent dans certains territoires.
Votre obligation de confidentialité existe aussi en common law, découlant de la relation entre un avocat et son client. La common law n'a pas élaboré d'exceptions claires à cette obligation.
Par opposition, le secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement aux communications entre vous et votre client en vue de la prestation de conseils juridiques. Le secret professionnel est ancré dans la common law..
En 2010, la Cour suprême du Canada a déclaré, dans l'affaire Canadian Criminal Lawyers' Association concernant la Charte et l'accès à l'information, que « les seules exceptions reconnues au secret professionnel [entre avocat et client] sont la sécurité publique et le droit pour un accusé de présenter une défense pleine et entière, deux exceptions qui sont jalousement protégées ».1
À l'égard de l'obligation de confidentialité et du secret professionnel entre avocat et client, les clients peuvent consentir à la divulgation de l'information. Dans certains cas, on peut conclure qu'ils ont renoncé à la confidentialité ou au secret professionnel entre avocat et client .2
Notes de fin
1 Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23 (CanLII).2 Adam Dodek, « Solicitor-Client Privilege in Canada – Challenges for the 21st Century », document de travail pour l’Association du barreau canadien, février 2011, à la p. 21. -
2. Quelles sont les exceptions à l'obligation de confidentialité et au secret professionnel entre avocat et client?
L'exception relative à la sécurité publique - La Cour suprême du Canada et la plupart des codes déontologiques des barreaux reconnaissent une exception relative à la sécurité publique qui peut permettre ou obliger la divulgation dans les cas où un préjudice est imminent pour une personne.
Dans l'arrêt Smith c. Jones,3 la Cour suprême a conclu que les préoccupations en matière de sécurité publique écartent le secret professionnel entre avocat et client lorsque l'avocat croit raisonnablement qu'il existe une menace claire, sérieuse et imminente à la sécurité publique.4
De même, les codes de déontologie des barreaux prévoient des exceptions relatives à la sécurité publique à l'obligation déontologique de confidentialité. Le Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada prévoit que : « Un avocat peut divulguer des renseignements confidentiels sans en divulguer plus qu'il ne faut lorsqu'il a des motifs raisonnables de penser qu'il existe un risque imminent de mort ou de blessures graves et que la divulgation est nécessaire pour prévenir cette mort ou ces blessures graves » .5
Vérifiez auprès de votre barreau pour connaître la formulation précise de l'exception relative à la sécurité publique qui s'applique à l'obligation de confidentialité, particulièrement les types de préjudice futur couverts (activité criminelle, violence, lésions corporelles graves, etc.) et la nature facultative ou obligatoire de la responsabilité de l'avocat.
L'exception relative à la démonstration de l'innocence de l'accusé - Dans R. c. McClure6 la Cour suprême du Canada a reconnu l'existence d'une exception au secret professionnel entre avocat et client lorsque l'innocence de l'accusé est en jeu. Elle a interprété cette exception de façon très stricte et l'exception devrait s'appliquer seulement dans les cas les plus rares. Les renseignements divulgués par l'avocat sous le régime de l'exception relative à la démonstration de l'innocence de l'accusé ne peuvent être utilisés contre le client.
Il n'existe aucune décision publiée dans laquelle l'application de l'arrêt McClure a entraîné une ordonnance de divulgation de renseignements protégés par le secret professionnel entre avocat et client.
Vous remarquerez que les codes de déontologie ne traitent pas de l'exception relative à la démonstration de l'innocence de l'accusé dans le contexte de l'obligation de confidentialité. On ignore si les codes de déontologie interdiraient la divulgation dans les cas où l'exception relative à la « démonstration de l'innocence » de l'accusé pourrait s'appliquer.
La divulgation d'information : honoraires et allégations contre un avocat - Tous les codes de déontologie des barreaux permettent à l'avocat de divulguer de l'information confidentielle afin d'établir ou de percevoir des honoraires ou pour se défendre ou défendre l'un de ses collègues contre toute allégation portant sur les affaires d'un client, que ce soit en matière pénale, civile ou réglementaire (par exemple, une plainte auprès d'un barreau). Peu importe la situation, l'avocat ne doit pas divulguer davantage d'information que ce qu'exige la situation.7
Il n'existe toutefois aucune exception comparable quant au secret professionnel entre avocat et client. Par conséquent, même si les codes de déontologie peuvent permettre aux avocats d'utiliser les renseignements généralement protégés par l'obligation déontologique de confidentialité, il se peut qu'il soit toujours interdit aux avocats de divulguer des renseignements protégés par le secret professionnel entre avocat et client. Lorsque le client n'est pas la partie adverse, le secret professionnel entre avocat et client peut protéger l'information même si les codes de déontologie en permettent l'utilisation. Lorsque le client est la partie adverse, cette contradiction entre l'obligation de confidentialité et le secret professionnel entre avocat et client ne se produirait pas.
Notes de fin
3 Smith c. Jones, [1999] 1 R.C.S. 455.4 Ibid., au par. 77.5 Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, Règle 2.03(3)6 R. c. McClure, [2001] R.C.S. 445.7 Code type de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, précité note 5, Règles 2.03(4), 2.03(5) et 2.03(6). -
3. Quand existe-t-il un privilège de l'« intérêt commun » ou un « mandat conjoint » qui étend le secret professionnel entre avocat et client à des tiers?
Intérêt commun - Contexte d'un litige : Habituellement, lorsqu'un avocat divulgue avec l'autorisation du client des renseignements privilégiés à des tiers, la protection du secret professionnel est considérée comme ayant fait l'objet d'une renonciation. Cependant, si les parties ont un intérêt commun tel qu'il leur serait avantageux d'échanger des renseignements privilégiés, il n'y a pas de présomption de renonciation.
Au Canada, tous les renseignements privilégiés entre des parties qui ont un « intérêt commun » continuent d'être protégés par le secret professionnel entre avocat et client.
Le principe général a été décrit pour la première fois dans l'arrêt Buttes Gas & Oil c. Hammer (no. 3) .8 Dans cette affaire, Lord Denning a estimé qu'il serait avantageux pour le système contradictoire, lorsque les parties visent un résultat ou un but commun, mais non identique, qu'elles puissent unifier leur « même intérêt ».
Lorsqu'un tiers a un intérêt commun à l'égard de l'objet d'une communication privilégiée entre une partie et l'avocat de cette partie, la communication peut être communiquée au tiers sans risque de renonciation au privilège. Pour qu'un tiers ayant un intérêt commun soit reconnu à ce titre, il n'a pas à faire la preuve d'une relation d'un type particulier pourvu que la relation ait été créée par un intérêt commun9 : [TRADUCTION] « les tribunaux devraient, dans le contexte de l'enquête préalable, considérer tous les intéressés comme s'ils étaient des associés d'un même cabinet ou des services d'une même société. Chacun peut se prévaloir du privilège aux fins d'un litige » .10
Intérêt commun - Contexte commercial : Initialement, l'application du secret professionnel entre avocat et client aux parties ayant un « intérêt commun » avait lieu seulement dans le contexte d'un litige. Il a depuis été étendu au Canada de manière à s'appliquer à certaines opérations commerciales [TRADUCTION] « au sein du groupe de sociétés » .11 La logique sous-tendant [TRADUCTION] l'« exception fondée sur un intérêt commun » dans un litige concerne la promotion du bon fonctionnement du système contradictoire. Dans le contexte d'opérations commerciales, le fondement philosophique est différent : l'intérêt commun des parties à la réalisation efficace d'une opération financière est reconnu comme constituant un avantage pour elles ainsi que pour l'économie et la société dans son ensemble.
La simple existence d'une opération commerciale ne suffit toutefois pas à mettre à l'abri toutes les communications entre client et avocat. Dans certains cas, les circonstances indiquent qu'il y a effectivement eu perte du secret professionnel ou renonciation à celui ci. Par exemple, dans une fusion ou autre opération commerciale où il y a une opposition manifeste entre les intérêts des parties, on ne peut guère justifier un échange d'information au nom d'un intérêt commun supérieur. Par ailleurs, les tribunaux ont conclu que dans de nombreuses opérations commerciales, les parties veulent négocier à la lumière d'une compréhension commune de la position juridique de chacun et que l'attente, explicite ou implicite, veut que les opinions contribuent à la réalisation de l'opération et, en ce sens, bénéficient à toutes les parties.12
Pour que l'« exception fondée sur un intérêt commun soit d'application et étende à un tiers le privilège du secret professionnel, l'intention des parties échangeant de l'information doit être manifestement volontaire, et l'échange doit se faire dans l'optique d'un avantage commun » .13
Une entente signée entre les parties et énonçant leur intérêt commercial commun et leur intention de protéger leurs communications privilégiées qu'elles partagent pourrait servir à procurer une preuve importante de ces intentions.
L'exception du « privilège de l'"intérêt commun" » est-elle la même aux États Unis qu'au Canada? : Aux États Unis, l'« exception de l'intérêt commun » au secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement dans les cas de litige. Dans la décision rendue par la Cour d'appel du troisième circuit dans l'affaire In re Teleglobe Communications Corp.14, la cour a conclu que le privilège de l'intérêt commun s'applique [TRADUCTION] « lorsque des clients ayant des avocats distincts partagent des renseignements par ailleurs privilégiés afin de coordonner leurs activités juridiques » dans le contexte d'un litige.15 Cela est conforme à l'alinéa 502(b)(3) de la Uniform Rule of Evidence des États Unis, qui nécessite une action en cours avant qu'on puisse faire valoir la défense de l'intérêt commun contre la renonciation au privilège.16
Comme on l'a vu précédemment, les tribunaux canadiens ont appliqué l'« exception de l'intérêt commun » à certaines opérations commerciales. Un tribunal canadien était prêt à appliquer le privilège de l'intérêt commun dans le contexte d'une opération commerciale transfrontalière. Dans la décision rendue en 2002 par la Cour suprême de la Colombie Britannique, Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue17 la cour a appliqué l'exception de l'intérêt commun aux communications entre les parties au Canada et aux États Unis, expliquant que [TRADUCTION] « c'est l'intérêt commun des parties dans la réalisation de l'opération qui constitue l'élément qui donne naissance au privilège. La préservation de la confidentialité en constitue la justification » .18 La nature transfrontalière de ces communications n'a pas eu d'effet sur la décision de la cour.
Le « mandat conjoint » : Le privilège conjoint est reconnu au Canada et aux États Unis et fait référence au cas où un avocat représente plusieurs clients dans une affaire
Dans la réalisation d'opérations transfrontalières, il faudrait clairement indiquer les communications privilégiées et celles ci ne devraient être transmises que par l'intermédiaire d'un avocat dont les services ont été retenus conjointement par les parties afin d'obtenir la protection du « privilège conjoint ».
La divulgation qui ne s'inscrit pas dans un mandat conjoint constitue une renonciation au secret professionnel entre avocat et client aux États Unis, de sorte qu'il faut prendre soin de transmettre les communications par des voies protégées.
Notes de fin
8 Buttes Gas & Oil c. Hammer, [1980] 3 All E.R. 475 (C.A.).9 Ronald D. Manes et Michael P. Silver, Solicitor-Client Privilege in Canadian Law, (Toronto: Butterworths, 1993), à la p. 64.10 Buttes Gas, précité note 8, cité dans Pitney Bowes of Canada Ltd. c. R., 2003 CFPI 214, [2003] 3 C.T.C. 98, 229 F.T.R. 277, au par. 12.11 Dodek, précité note 2, à la p. 30.12 Pitney Bowes, précité note 25, aux par. 19 et 20. Jusqu’à présent, cependant il y a eu peu d’indications des tribunaux d’appel sur ce point. Voir Maximum Ventures Inc. c. De Graaf, 2007 BCCA 510, au par. 14.13 Pitney Bowes, supra, note 25, au par. 19.14 In re Teleglobe Communications Corp., 493 F. 3d 345 (3d Cir. 2007).15 Ibid.16 Uniform Rules of Evidence Act (1999). Voir aussi Holland c. Island Creek Corp., 885 F. Supp 4, 6 (Dist. Ct. D.C. 1995) : On peut faire valoir le privilège d’intérêt commun à l’égard des communications entre les avocats de différentes parties si [TRADUCTION] « (1) la divulgation est faite en vue d’un litige en cours ou prévu ou d’une autre instance contradictoire; (2) en vue de la réalisation d’un intérêt commun; (3) la divulgation est faite d’une manière non incompatible avec la préservation de la confidentialité contre les parties adverses. »17 Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue, 2002 BCSC 1344, 6 B.C.L.R. (4th) 135.18 Ibid., au par. 12. -
4. Quelle est la différence entre le « secret professionnel entre avocat et client » et le « privilège relatif au litige »?
En 2006, la Cour suprême du Canada19 a établi une distinction entre le secret professionnel entre avocat et client et le privilège relatif au litige. Le secret professionnel entre avocat et client protège les communications renfermant des conseils juridiques entre un avocat et un client, tandis que le privilège relatif au litige ne se limite pas aux communications entre l'avocat et le client. Le juge Fish a indiqué que le privilège relatif au litige « touche aussi les communications entre un avocat et des tiers, ou dans le cas d'une partie non représentée, entre celle ci et des tiers. Il a pour objet d'assurer l'efficacité du processus contradictoire et non de favoriser les relations entre l'avocat et son client » .20
Comme la Cour le mentionne dans l'arrêt Blank c. Canada, il existe plusieurs distinctions importantes entre les deux privilèges :
- • Le secret professionnel entre avocat et client prend naissance dès qu'un client sollicite des conseils juridiques auprès d'un avocat, qu'il y ait ou non litige. Le privilège relatif au litige s'applique seulement dans le contexte d'un litige.
- • Le secret professionnel entre avocat et client est ancré dans la nature confidentielle de la relation avocat-client. Il protège une relation. Le privilège relatif au litige vise à créer une zone protégée destinée à faciliter l'enquête et la préparation du dossier en vue d'un procès. Il facilite un processus.
- • Le secret professionnel entre avocat et client s'applique seulement aux communications confidentielles entre le client et l'avocat. Le privilège relatif au litige s'applique aux communications de nature non confidentielle entre l'avocat et les tiers et comprend même le matériel qui ne se prête pas à la communication.
- • Le secret professionnel entre avocat et client dure éternellement – « la pérennité des privilèges » 21 Le privilège relatif au litige « n'est ni absolu quant à sa portée, ni illimité quant à sa durée ».22 et s'éteint à la fin du litige.23
La question de savoir si une communication est protégée par le privilège relatif au litige est une question de fait qu'il faut déterminer dans le contexte particulier où la communication a été effectuée.
Quand prend naissance le « privilège relatif au litige »? : Il est difficile de déterminer clairement le moment où prend naissance le privilège relatif au litige.
La jurisprudence a établi qu'afin d'invoquer le privilège relatif au litige, une partie doit généralement établir deux faits :
- un litige était en cours ou était raisonnablement envisagé au moment de la communication
- l'objet dominant de la communication avait trait à ce litige24
Un auteur a conclu qu'il faut davantage qu'une [TRADUCTION] « crainte floue ou générale de litige » .25
Dans Kennedy c. McKenzie26 la Cour supérieure de l'Ontario a conclu qu'une partie faisant valoir le privilège relatif au litige doit établir que les documents ont été créés principalement en vue d'un litige actuel, envisagé ou prévu et pour l'une des raisons suivantes :
- en réponse à des demandes de renseignements présentées par un mandataire de l'avocat de la partie;
- à la demande ou à la suggestion de l'avocat de la partie;
- en vue de les remettre à l'avocat afin d'obtenir des conseils;
- afin de permettre à l'avocat d'intenter une action, de présenter une défense contre une action ou de préparer un mémoire.27
Ce domaine de jurisprudence évolue, de sorte qu'il est préférable de vérifier la jurisprudence récente.
Notes de fin
19 Blank c. Canada, 2006 CSC 39.20 Ibid, au par. 27.21 Ibid., au par. 37.22 Ibid.23 Ibid., au par. 28.24 Keefer Laundry Ltd. c. Pellerin Milnor Corp., 2006 BCSC 1180 (CanLII), aux par. 96 à 98; cité avec approbation dans Ross River Dena Council c. AG Canada, 2009 YKSC4 (CanLII), au par. 31.25 Gloria Geddes, « The Fragile Privilege: Establishing and Safeguarding Solicitor-Client Privilege », (1999) 47 (4) Revue fiscale canadienne 799, à la p. 822.26 Kennedy c. McKenzie, [2005] O.J. No 2060 (C.S.).27 Ibid, au par. 20, cité avec approbation dans R. c. Dunn, 2012 ONSC 2748 (CanLII) -
5. Que faire en cas de possibilité de crime ou de fraude?
Le secret professionnel entre avocat et client : Si un client sollicite un avis juridique pour faciliter la perpétration d'un crime ou d'une fraude, les renseignements qu'il communique ne sont pas protégés par le secret professionnel entre avocat et client, et l'obligation de confidentialité n'est pas d'application. Toutefois, les codes de conduite des barreaux ne reconnaissent pas d'exception à l'obligation de confidentialité relativement au crime ou à la fraude. Lorsque l'exception relative à la sécurité publique n'est pas d'application, il se peut que même en l'absence de privilège au titre du secret professionnel entre avocat et client, le code du barreau interdise la communication volontaire de renseignements.
Certains tribunaux ont appliqué à certains délits civils l'exclusion relative au crime et à la fraude.
Ce domaine de droit est incertain et controversé et nécessite des éclaircissements de la part des tribunaux d'appel 28Vérifiez la jurisprudence récente si vous avez des doutes au sujet de votre situation.
L'obligation de confidentialité : Le Code type de déontologie professionnelle actuel de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada exige des avocats qui représentent une organisation ou qui en sont employés qu'ils observent l'obligation de porter une affaire à l'attention d'un niveau supérieur29 Il ne permet pas la dénonciation à des tiers, ce qui équivaudrait à la violation de l'obligation déontologique de l'avocat de préserver la confidentialité des renseignements du client.
Toutefois, les règles types de déontologie professionnelle de l'Association du barreau américain comportent maintenant une nouvelle exception à l'exigence de confidentialité. La règle 1.6(b) a été ajoutée après les scandales touchant des sociétés à la fin des années 1990 et au début des années 2000 afin d'autoriser, sans forcer, un avocat à révéler des renseignements relatifs à la représentation d'un client :
[TRADUCTION]
- L'avocat ne peut révéler de renseignements relatifs à la représentation d'un client sauf si le client donne son consentement éclairé, la divulgation est implicitement autorisée aux fins de l'exécution de la représentation ou la divulgation est autorisée par l'alinéa (b).
- L'avocat peut révéler des renseignements relatifs à la représentation d'un client dans la mesure où l'avocat l'estime raisonnablement nécessaire :
- pour prévenir un décès ou des lésions corporelles graves raisonnablement certains;
- pour empêcher le client de commettre un crime ou une fraude dont il est raisonnablement certain qu'il causera un préjudice considérable aux intérêts financiers ou aux biens d'un tiers et en vue duquel le client a utilisé ou utilise les services de l'avocat;
- pour empêcher, atténuer ou corriger un préjudice considérable aux intérêts financiers ou aux biens d'un tiers qui est raisonnablement certain de découler ou qui a découlé de la perpétration par le client d'un crime ou d'une fraude en vue duquel le client a utilisé les services de l'avocat …30
De plus, la règle type 1.13 (organisation cliente) de l'ABA permet à l'avocat de révéler des renseignements au sujet d'un acte illégal impliquant l'organisation cliente, acte qui, selon l'appréciation raisonnable de l'avocat, est raisonnablement certain de causer un préjudice considérable à l'organisation, après que l'avocat a tenté en vain d'amener l'autorité organisationnelle la plus élevée à agir. (Voir la formulation exacte de l'article 1.13 de la règle type pour des indications supplémentaires.) 31
Même si la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada a initialement proposé une exception similaire à son nouveau Code type de déontologie professionnelle et que l’inclusion d’une telle exception a été favorisée ailleurs32, l'approche américaine n'a pas été adoptée au Canada. Il pourrait cependant y avoir au Canada une obligation de cesser d'occuper lorsque le comportement n'a pas pris fin malgré les conseils de l'avocat. Cette situation est visée à la question 6 : « Quand dois-je porter une question à l'attention d'un niveau supérieur ».
Notes de fin
28 Pour une analyse plus détaillée, voir Dodek, précité, note 2, aux p. 11 à 14.29 Code type de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, précité, note 5. Règle 2.02(8).32 Paul D. Paton, « Corporate Counsel as Corporate Conscience: Ethics and Integrity in the Post-Enron Era », (2005) 84, Revue du Barreau canadien 534. -
6. Quand dois-je porter une question à l'attention d'un niveau supérieur?
Dans la foulée des scandales qui ont ébranlé des sociétés à la fin des années 1990, dont Enron, le Congrès américain a adopté les réformes les plus profondes du droit des sociétés depuis les années 1930. L'article 307 de la Sarbanes-Oxley Act de 2002 ordonnait à la Securities and Exchange Commission (SEC) d'édicter une règle [TRADUCTION] « énonçant des normes minimales de déontologie pour les avocats qui comparaissent et pratiquent devant la Commission de quelque manière dans le cadre de la représentation » d'un émetteur.33
Plus particulièrement, le Congrès a ordonné à la SEC d'édicter une règle exigeant des avocats qu'ils signalent toute preuve de contravention importante aux lois en valeurs mobilières ou à une obligation fiduciaire de même que toute violation similaire par une société ou ses mandataires au chef du service juridique ou au chef de la direction de la société. Le Congrès a ordonné à la SEC d'exiger que si ces personnes ne répondent pas de façon appropriée à la preuve, l'avocat doit la déclarer au comité d'audit ou à un autre comité composé uniquement d'administrateurs non membres de la direction ou au conseil d'administration.
Suivant l'adoption de l'article 307 de la Sarbanes-Oxley Act ainsi que des nouvelles règles subséquentes applicables aux avocats « qui comparaissent et pratiquent » devant la Securities and Exchange Commission des États Unis, le groupe de travail sur la responsabilité des sociétés de l'Association du barreau américain a formulé, en 2003, des recommandations pour que des changements similaires soient apportés aux règles types de déontologie professionnelle de l'ABA. Après un long débat, l'Association du barreau américain a modifié ses règles types de déontologie pour les avocats de manière à refléter ces changements34, Plus particulièrement, l'article 1.13 des règles types, organisation cliente, a été modifié de manière à intégrer une obligation de porter une affaire à l'attention d'un niveau supérieur : à moins que l'avocat ne croit raisonnablement qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'organisation de le faire, il doit renvoyer l'affaire à un niveau supérieur au sein de l'organisation, notamment, si les circonstances le justifient, le niveau le plus élevé qui peut agir au nom de l'organisation selon la loi applicable.35
L'Association du Barreau canadien a adopté des changements à son Code de déontologie professionnelle en 2004 après plus de deux ans de consultations, et le code de l'ABC a été modifié de nouveau en 2009. Le commentaire 18 du chapitre IV, Renseignements confidentiels, s'intitule « Dénonciation » et mentionne le fait de porter une question à l'attention d'un niveau supérieur. Il déclare que dans certains cas de conduite illicite proposée par une organisation, l'avocat « demandera donc le réexamen de la question et, au besoin, la portera à l'attention d'un niveau supérieur (voire du plus haut niveau) de l'organisme, malgré les directives contraires que pourrait lui donner tout autre membre de l'organisme ». Le commentaire se poursuit : « En désespoir de cause, il pourrait finalement être justifié de démissionner en respectant les règles régissant le retrait » .36
Le Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada renferme maintenant une obligation de porter une question à l'attention d'un niveau supérieur qui reprend essentiellement la même formulation et la même condition que le code de l'ABC : « Un juriste employé par un organisme pour agir dans une affaire et qui sait que l'organisme a agi, agit ou a l'intention d'agir de façon malhonnête, frauduleuse, criminelle ou illégale dans le cadre de l'affaire » doit prendre des mesures pour « informer la personne en lui donnant les directives et le chef du contentieux, ou tant le chef du contentieux que le chef de la direction, que la conduite envisagée était, est ou serait malhonnête, frauduleuse, criminelle ou illégale et devrait cesser ». Si ces personnes font défaut d'agir, l'avocat doit porter la question à un niveau supérieur et au plus haut niveau au sein de l'organisation et, si la conduite n'a pas cessé malgré les conseils de l'avocat, l'avocat doit prendre les mesures nécessaires pour cesser de représenter l'organisme. Le commentaire indique que la conduite qui risque vraisemblablement de causer « un préjudice important » à l'organisme « plutôt que dans le cas de l'inconduite sans gravité de l'organisme » rend applicables les exigences de la règle.37 On remarquera que le code type ne permet pas la divulgation de renseignements privilégiés lorsque l'avocat a tenté en vain de faire cesser la conduite, quoique cela soit maintenant permis aux États Unis.38
Le nouveau code de conduite régissant les conseillers juridiques d'entreprises en Alberta (adopté le 1er novembre 2011) est fondé sur le code type de la Fédération. Suivant la règle 2.02(11), Fraude de l'organisation cliente, si l'organisation, malgré les conseils de l'avocat et après que l'avocat a suivi les exigences de signalement à un niveau supérieur, continue ou a l'intention de continuer d'agir de façon illicite, l'avocat doit cesser d'agir dans le dossier conformément à la règle 2.07.39
Même si la règle parle de cesser d'agir « dans l'affaire », de sorte qu'il est théoriquement possible que l'avocat poursuive sa représentation quant à des affaires non liées, les règles applicables aux conflits d'intérêts personnels comme les règles 2.04(9) et 2.04(10) du code de l'Alberta pourraient empêcher l'avocat de continuer de représenter le client. Lorsqu'une organisation a décidé de poursuivre un comportement qui [TRADUCTION] « est ou serait frauduleux, criminel ou illégal » malgré les conseils communiqués par l'avocat à un niveau supérieur, l'objectivité de l'avocat pourrait être minée par suite de ce comportement continu au point où l'avocat ne serait plus en mesure de représenter convenablement et avec compétence l'organisation. En outre, lorsque l'organisation fait défaut de suivre les conseils de l'avocat et poursuit sa démarche illicite, l'avocat pourrait être considéré comme permettant ou facilitant d'autres conduites illégales si la représentation continue.
Les règles types de l'ABA, le code de l'ABC et le code type de la Fédération s'appliquent à tout avocat au sein d'une organisation cliente. Les obligations ne se limitent pas aux avocats ayant des sociétés clientes dont les actions sont cotées à une bourse canadienne ou américaine. Les règles de signalement à un niveau supérieur au Canada et aux États Unis s'appliquent donc aux conseillers juridiques internes de petites sociétés par actions ou de personnes ou d'autres types d'organisme.
Notes de fin
33 Sarbanes-Oxley Act of 2002, 116 Stat. 74534 Voir Paton, « Corporate Counsel as Corporate Conscience », précité note 32, aux p. 543, 544, 545 à 552; Deborah L. Rhode et Paul D. Paton, « Lawyers, Ethics and Enron », (2002) 8 Stan. J. L. Bus. Fin. 9, à la p. 12; Clifton Barnes, « ABA, states, and SEC hash out lawyers’ responsibility in corporate settings », (2003) 28(2); voir aussi Corporate Governance Policy Resolution and Report, American Bar Association Task Force on Corporate Responsibility, 2003.35 American Bar Association, Model Rules of Professional Conduct, M.R. 1.13 (Organization as Client)36 Association du Barreau canadien, Code de déontologie professionnelle, chapitre IV, commentaire 18, aux p. 22 à 23.37 Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, Code type de déontologie professionnelle, Règle 2.02(8) [« Malhonnêteté, fraude commise par un client »] et commentaire, aux p. 27 à 28.38 Voir Question 5.39 Law Society of Alberta, Code of Conduct, Règle 2.02(11) [Fraud When Client is an Organization] aux p. 25 et 26. -
7. En quoi consiste le privilège relatif à l'équipe affectée à une opération?
Lorsqu'elles négocient une opération, les sociétés constituent parfois une « équipe affectée à une opération » composée de personnes (et non pas seulement d'avocats) qui ont une expertise spécialisée afin de les aider. Les membres externes de l'« équipe affectée à une opération » peuvent faire partie du groupe qui reçoit des communications et bénéficier de conseils juridiques sur l'opération de la part des conseillers juridiques de la société cliente. Étant donné que les communications entre un avocat et un client doivent être faites dans la confidentialité pour que le secret professionnel entre avocat et client s'applique, la communication de conseils à l'« équipe affectée à une opération » (tiers) serait normalement considérée comme une renonciation au secret professionnel.
La common law a reconnu des exceptions à ce principe lorsqu'un tiers exerce une fonction essentielle pour l'existence ou le déroulement de la relation avocat-client. Par exemple, lorsqu'un tiers comptable [TRADUCTION] « utilise sa compétence de comptable en agissant à titre de mandataire du client afin d'obtenir des conseils juridiques »40
Dans une décision rendue en 201141, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a confirmé que le secret professionnel entre avocat et client s'applique, dans les cas appropriés, aux communications à l'« équipe affectée à une opération ». La cour a cité avec approbation les commentaires suivants formulés par la Cour suprême de la Colombie-Britannique :
[TRADUCTION] La nature des relations et des affaires entre [le client, le consultant et l'avocat] est une situation concrète dans les grands projets commerciaux où des équipes de personnes spécialisées sont constituées. Les fonctions ne sont pas toutes exercées sous un même toit, et le conseiller juridique, dont les services sont retenus par un seul client, peut néanmoins être appelé à donner des conseils à différents membres de l'équipe qui travaille pour le client.42
La cour ontarienne a conclu que les parties ne doivent pas nécessairement s'attendre à ce que le privilège relatif à l'« équipe affectée à une opération » s'applique dans chaque opération commerciale complexe, soulignant que l'application repose sur les faits de chaque affaire. Dans cette affaire, les sociétés minières mondiales défenderesses avaient retenu les services des conseillers financiers externes pour les aider à négocier une opération complexe et les conseillers financiers faisaient partie d'une petite équipe désignée qui était aussi composée des gens d'affaires du client et de conseillers juridiques et fiscaux internes et externes. La partie demanderesse avait sollicité la production des documents distribués au groupe externe au motif que les défenderesses étaient des entreprises commercialement averties et n'avaient pas besoin de l'expertise de ces conseillers pour que leurs avocats donnent des conseils juridiques significatifs.
Le juge a conclu que [TRADUCTION] « les documents indiquent clairement la participation précise d'un nombre relativement faible de non avocats qui ne sont pas des employés des sociétés et dont la participation était nécessaire et appropriée pour l'examen, la structuration, la planification et la mise en œuvre d'opérations très complexes dans un délai très court ». En outre, les conseils spécialisés de ces conseillers étaient nécessaires pour les [TRADUCTION] « considérations juridiques générales » de l'opération et les conseillers financiers comprenaient l'importance de la confidentialité des discussions de l'équipe affectée à l'opération.
Il faut remarquer que même si le juge [TRADUCTION] « a reconnu que les personnes se considéraient liées par une obligation de confidentialité », cela n'était [TRADUCTION] « pas suffisant en soi pour soutenir l'existence du secret professionnel entre avocat et client ».
À l'heure actuelle, les paramètres du privilège relatif à l'« équipe affectée à une opération » demeurent incertains. Envisagez d'entreprendre des recherches additionnelles et de consulter des experts pour déterminer si le privilège relatif à l'« équipe affectée à une opération » s'applique à votre situation et déterminez les protocoles à mettre en œuvre pour mieux le protéger si tel est le cas.
Notes de fin
40 Voir Philip Services Corp. c. Ontario Securities Commission, 2005 CanLII 30328 (ON SCDC), 77 O.R. (3d) 209; voir aussi Susan Hosiery Ltd. c. M.N.R. [1969] C.T.C. 353; [1969] 2 Ex. C. R. 27.41 Barrick Gold Corporation c. Goldcorp Inc., 2011 ONSC 1325 [CanLII].42 Camp Development Corp. c. South Coast Greater Vancouver Transportation Authority, 2011 BCSC 88, (CanLII), 2011 BCSC 88, au par. 64. -
8. Comment dois-je répondre aux questions que pose l'auditeur de mon organisation au sujet des réclamations actuelles et éventuelles contre l'organisation? Comment s'appliquent les nouvelles Normes internationales d'information financière?
Le rapport de l'auditeur sur les états financiers est une exigence prévue par la loi pour de nombreuses sociétés. Lorsqu'ils font un rapport sur les états financiers d'un client, les auditeurs doivent obtenir suffisamment de preuves d'audit pour fournir un fondement raisonnable à une opinion. Les procédures d'audit visant l'obtention de cette preuve sont énoncées dans le Manuel de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA) et comprennent la communication avec l'avocat, qui est considéré comme ayant une qualification exclusive pour formuler des commentaires sur les réclamations en cours et les réclamations éventuelles pouvant influer sur les états financiers. Il s'agit d'abord de savoir s'il y a renonciation implicite au secret professionnel lorsque l'avocat fournit des renseignements à un auditeur.
Pour éclaircir les positions de l'avocat et de l'auditeur à l'égard des états financiers d'un client, l'ABC et l'ICCA ont formulé une Prise de position conjointe sur les demandes de vérification (PPC) en 1978.43 La PPC a été préparée à la lumière de deux facteurs extrêmement importants pour la profession juridique :
- dans la mesure du possible, il faut assurer la confidentialité des communications avocat-client et protéger le privilège du secret du client;
- l'avocat ne doit pas participer à une entreprise commune avec l'auditeur dans la préparation et l'attestation des états financiers du client.
Peu de décisions judiciaires portent sur l'effet en droit de la réponse de l'avocat à une lettre de demande de confirmation. Dans une décision rendue en 1985, un protonotaire a conclu que la lettre de réponse à une demande de confirmation n'était pas protégée par le secret professionnel car elle avait été divulguée au tiers auditeur, mais que la réponse à une demande de confirmation ne constituait pas nécessairement une renonciation au secret professionnel à l'égard de l'objet de la lettre.44 Plus récemment, la cour divisionnaire de l'Ontario s'est penchée sur une question connexe, concluant que la doctrine de la renonciation limitée s'appliquait lorsqu'il y avait divulgation forcée à un auditeur, comme l'exige l'article 153 de la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario. La doctrine de la renonciation limitée signifie que le privilège n'est pas perdu simplement en raison d'une divulgation forcée à un tiers.45
La renonciation limitée ne s'applique pas à l'audit volontaire, seulement à la divulgation forcée. Il pourrait s'agir d'une question d'interprétation législative pour ce qui est de déterminer si une réponse à une demande de confirmation est prescrite ou non par la législation. En outre, une divulgation plus exhaustive que ce qui est prescrit pourrait être problématique.
À la lumière de l'introduction des nouvelles Normes internationales d'information financière (NIIF), l'ABC et le Conseil des normes d'audit et de certification (CNAC) travaillent en collaboration pour adapter la PPC de 1978. Lorsqu'elles seront entièrement adoptées, les NIIF toucheront la PPC de deux façons. Premièrement, les entités auront le choix entre différents cadres de comptabilisation selon qu'elles sont des sociétés ouvertes, des sociétés fermées, des organismes à but non lucratif ou des gouvernements. Deuxièmement, la norme de rapport applicable aux éventualités changera.
En attendant l'adoption complète des NIIF, le Groupe de travail de l'ABC/CNAC a publié en août 2010 une note d'orientation46 in August 2010, énonçant la façon d'aborder les demandes de confirmation sous le régime des NIIF. La note d'orientation s'applique seulement aux états financiers préparés conformément aux NIIF et aux circonstances limitées décrites sous la rubrique Champ d'application dans la note d'orientation. Dans les autres circonstances, les communications avec les cabinets d'avocats continuent d'être régies par la version actuelle de la PPC.
Les lettres de demande aux cabinets d'avocats et les réponses de ceux ci doivent continuer de mentionner la PPC et indiquer si la note d'orientation s'applique ou non.
L'ABC affichera des mises à jour sur les NIIF et les discussions relatives à la PPC en ligne.
Notes de fin
43 Association du Barreau canadien et Institut canadien des comptables agréés, Prise de position conjointe sur les demandes de vérification, 1978.44 Biomedical Information Corp. c. Pearce et al. (1985), 49 O.R. (2d) 92.45 Philip Services Corp. c. Ontario Securities Commission (2005), 77 O.R. (3d) 209. Voir aussi Interprovincial Pipe Line c. M.R.N., [1996] 1 C.F. 367, aux par. 16 à 18. -
9. Je suis le conseiller juridique et le chef de la protection des renseignements personnels de mon organisation. Comment puis-je protéger des renseignements privilégiés en réponse à une demande du Bureau du commissaire à l'information et à la protection de la vie privée?
Les questions d'information et de vie privée sont régies par la loi, de sorte que la première étape consiste à vérifier le régime législatif applicable dans le territoire de la demande. Il y a des différences entre les provinces et entre la législation provinciale et la législation fédérale.
En Ontario, par exemple, la loi pertinente prévoit que la personne responsable peut refuser de divulguer un document qui est protégé par le secret professionnel entre avocat et client ou « a été élaboré par l'avocat conseil de la Couronne, ou pour le compte de celui ci, qui l'utilise soit dans la communication de conseils juridiques, soit à l'occasion ou en prévision d'une instance ».47 Les paramètres exacts de cette dispense ne sont pas clairs. Dans une affaire, on a sollicité l'accès aux photos des lieux d'un crime en vue d'une poursuite civile postérieure. Le Commissaire à l'information a déclaré que le privilège relatif au litige ne s'appliquait plus, mais les tribunaux étaient en désaccord, concluant que le libellé de la loi l'emportait sur la common law et que les photos continuaient d'être protégées par le secret professionnel même après la fin de l'action criminelle.48 Dans une Directive de pratique subséquente, le Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario a écrit que [TRADUCTION] « le droit d'accès prévu par la Loi, sous réserve seulement des exceptions dûment mentionnées, signifie que tout genre de privilège ou de confidentialité qui peut exister en common law s'applique seulement à une demande présentée en vertu de la Loi s'il fait l'objet d'une exception ».49
La Cour suprême du Canada a conclu en 2008 que le pouvoir conféré au Commissaire à la protection de la vie privée du Canada par la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) ne donnait pas au commissaire le pouvoir d'avoir accès à des documents protégés par le secret professionnel.50 Les termes utilisés dans la LPRPDE sont très larges, attribuant au commissaire le pouvoir d'ordonner la production des « documents ou pièces qu'il juge nécessaires pour examiner la plainte dont il est saisi, de la même façon et dans la même mesure qu'une cour supérieure d'archives ».51 La Cour suprême a conclu qu'afin de forcer la production de communications entre un avocat et son client, il fallait une autorisation explicitement prévue par la loi.
Consultez la législation applicable dans votre territoire et demandez des indications pour déterminer si le régime législatif qui s'applique à l'information sollicitée prévoit explicitement une exception dans les circonstances.
La divulgation d'information ne constitue pas nécessairement une renonciation au secret professionnel : Dans sa première directive de pratique, la Commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l'Ontario (CIPVP) a rédigé ce qui suit : « Si un document particulier contient des conseils juridiques, l'institution peut craindre qu'en le remettant au Bureau du commissaire, elle ne viole le secret professionnel de l'avocat. Or, ce n'est pas le cas. La Loi accorde à la commissaire le pouvoir d'obtenir et d'examiner un document, en dépit de sa nature juridique, et les institutions ne violent pas le secret professionnel de l'avocat en le remettant au Bureau du commissaire. Le même raisonnement s'applique aux dispositions de confidentialité contenues dans d'autres lois ».52
Selon certaines décisions portant sur d'autres lois que les lois en matière d'information et de protection de la vie privée, lorsque la loi exige la divulgation, on ne considère pas qu'il y a eu renonciation au secret professionnel.53
Vérifiez d'abord la loi applicable lorsqu'un commissaire à l'information et à la protection de la vie privée vous demande des renseignements que vous estimez confidentiels ou protégés par le secret professionnel. Sollicitez des indications concernant votre cas particulier si nécessaire.
Notes de fin
47 Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, c. F-31, dans sa version modifiée, art. 19.48 Ontario (Attorney General) c. Ontario (Information and Privacy Commissioner, Inquiry Officer) (2002), 62 O.R. (3d) 167 (C.A.), aux p. 172 et 173.49 Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée, Directive de pratique #5, PO-2405, à la p. 8.50 Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Blood Tribe Department of Health, 2008 CSC 44, [2008] 2 R.C.S. 574; voir aussi l’analyse dans Dodek, précité note 2, à la p. 137.51 Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5, art. 12.1.52 Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, Directive de pratique #1, août 2000, au par. 6.53 Voir Interprovincial Pipe Line Inc. c. M.R.N., [1996] 1 C.F. 367; Philip Services Corp. c. Ontario Securities Commission, 2005 CanLII 30328 (ON SCDC). -
10. Je suis l'avocat général et le secrétaire de l'organisation. Comment s'applique le secret professionnel entre avocat et client lorsque je réponds aux demandes du conseil d'administration?
Les responsabilités de base du secrétaire d'entreprise comprennent notamment l'organisation des réunions du conseil, la préparation et la distribution des documents préalables à la réunion, la rédaction du procès-verbal, la tenue des dossiers de la société ainsi que le dépôt des documents nécessaires. Dans de nombreuses organisations, le secrétaire constitue aussi un membre important de l'équipe de direction. En plus de conserver les dossiers et de consigner des notes, le secrétaire peut constituer la mémoire de l'histoire et de la culture organisationnelle, un pont entre la direction et les administrateurs indépendants de même qu'un acteur de première ligne dans la réponse aux organismes de réglementation, aux investisseurs et aux autres parties prenantes.54 Souvent, le secrétaire contribue connaissances et expertise spécialisée qui offrent une ressource importante au conseil et à l'organisation dans son ensemble.
La charge de secrétaire n'est cependant pas définie par la loi au Canada. Par exemple, la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario n'exigent pas qu'il y ait un secrétaire, quoique les deux lois mentionnent le « secrétaire » dans la définition de « dirigeant » auquel le conseil d'administration peut, en vertu de ses pouvoirs généraux, déléguer des responsabilités de gestion.
La personne qui exerce la fonction de secrétaire n'a pas nécessairement ce titre, elle peut aussi être avocate générale ou ne pas être avocate. De plus en plus, cependant, les organisations recrutent des avocats pour ce rôle même si ceux ci n'agissent pas uniquement – voire même pas du tout – en qualité d'avocat. Le secret professionnel ne s'applique pas aux conseils concernant des questions purement commerciales même si ces conseils sont obtenus auprès d'un conseiller juridique.55 Comme l'a souligné le juge Major de la Cour suprême dans un arrêt de 2004, « [v]u la nature du travail d'un avocat interne, dont les fonctions sont souvent à la fois juridiques et non juridiques, chaque situation doit être évaluée individuellement pour déterminer si les circonstances justifient l'application du privilège. Ce dernier s'appliquera ou non selon la nature de la relation, l'objet de l'avis et les circonstances dans lesquelles il est demandé et fourni ».56
Pour compliquer les choses, il y a dans plusieurs provinces des dispositions législatives qui définissent la « pratique du droit » de manière à y inclure certains aspects du rôle de secrétaire. Lorsque la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a examiné cette question dans l'affaire Potash Corp. of Saskatchewan Inc. c. Barton,57 elle a conclu que [TRADUCTION] « lorsqu'un conseiller juridique d'entreprise travaille à un autre titre, comme membre de la direction ou secrétaire du conseil, les renseignements ne sont pas acquis dans le cadre de la relation entre un avocat et son client, de sorte qu'ils ne sont pas protégés par le secret professionnel ».
Le chevauchement des rôles de secrétaire et d'avocat général peut facilement semer la confusion de sorte que les renseignements fournis ou reçus ne sont pas nécessairement considérés protégés par le secret professionnel. Par conséquent, il s'agit surtout de savoir quel rôle vous exercez lorsque vous répondez aux demandes du conseil ou préparez des renseignements pour son examen.
Lorsqu'un avocat général, ou un avocat interne, joue un rôle de dirigeant qui n'est pas de nature juridique, il faut présumer que le secret professionnel ne s'applique pas. L'analyse effectuée dans Potash Corp. procure d'importantes indications.
Notes de fin
54 Voir Paul D. Paton, « Working on the High Wire », Lawyers’ Weekly In-House Counsel Magazine, printemps 2012, aux p. 8 à 13; voir aussi l’analyse de la fonction de secrétaire d’entreprise dans Carol Hansell, What Directors Need to Know (Toronto : Carswell, 2003).55 Voir, par exemple, l’analyse dans R. c. Campbell, [1999] 1 R.C.S. 565, à la p. 602; voir également Robert Patzelt, C.R., « Solicitor & Client Privilege, A brief perspective from in-house counsel », avril 2011.56 Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809, à la p. 818.57 Potash Corp. of Saskatchewan Inc. c. Barton, 219 D.L.R. (4th) 513. -
11. Je travaille au service juridique, mais on me demande d'autres genres de conseils. Comment un conseiller juridique d'entreprise ou un avocat gouvernemental doit-il établir une distinction entre les conseils juridiques et les conseils commerciaux ou stratégiques lorsque ces fonctions sont fréquemment interreliées?
Compte tenu de la complexité de ce domaine et de l'importance du contexte, il est difficile de fournir des indications précises.
Les conseils de nature manifestement commerciale ne sont pas protégés. Les conseils « touchant les mesures à prendre dans le contexte juridique pertinent »58 sont protégés. Toutefois, il n'y a pas nécessairement toujours une démarcation claire entre les « conseils commerciaux » et les conseils « touchant les mesures à prendre dans le contexte juridique pertinent ». Dans les cas limites (où on peut qualifier les conseils d'une façon ou d'une autre), les tribunaux canadiens semblent être enclins à conclure à la protection du secret professionnel entre avocat et client59 et à protéger le secret dans les cas où [TRADUCTION] « les conseils juridiques chevauchent les conseils commerciaux ».60
Pour les avocats du gouvernement, la situation est potentiellement plus difficile. Comme le souligne d'un document de travail préparé en 2011 pour l'Association du Barreau canadien, [TRADUCTION] « la distinction entre les conseils juridiques et les conseils stratégiques fournis par les avocats du secteur public est complexe… dans le secteur public, il est difficile de tracer la ligne entre ce qui est considéré comme un conseil stratégique et un conseil juridique, puisqu'ils se chevauchent souvent de la même façon que les conseils commerciaux et juridiques dans le secteur privé ».61
Les activités et la politique gouvernementales peuvent imposer au secret professionnel des pressions différentes de celles qu'on retrouve dans le secteur privé. Les avocats du gouvernement doivent être particulièrement conscients de la nature des conseils donnés et du contexte spécifique dans lesquels ils sont donnés afin de protéger le secret professionnel entre avocat et client.
Se reporter à Liste de vérification pour les conseillers juridiques d'entreprises : Stratégies de préservation du secret professionnel entre avocat et client.
Notes de fin
58 Nation et Bande des Indiens Samson c. Canada, [1995] 2 C.F. 762.59 Reid c. British Columbia (Egg Marketing Board), 2006 BCSC 346, aux par. 13 et 14.60 Perimeter Transportation Ltd. c. Vancouver International Airport Authority, 2007 BCSC 1120, aux par. 3 et 561 Dodek, précité, note 2, aux p. 33 et 34. -
12. Je suis le VP, Expansion des affaires, au sein de mon organisation et on me demande parfois des conseils juridiques. Mes conseils juridiques font ils l'objet du secret professionnel? La réponse est elle différente si je suis un employé du gouvernement?
Lorsque les fonctions juridique et commerciale sont regroupées, il se peut que les conseils donnés par l'avocat ne soient pas considérés de nature juridique et ne soient donc pas protégés par le secret professionnel. Dans l'arrêt R. c. Campbell62, la Cour suprême du Canada a conclu que la question de savoir si un avocat est un conseiller juridique d'entreprise ou un avocat externe n'influe pas sur la naissance ou la nature du secret professionnel entre avocat et client. Dans un contexte ou l'autre, seuls les conseils donnés par les avocats dans le cadre d'une relation avocat-client sont protégés.
Dans un arrêt de 2004, Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), la Cour suprême du Canada a réitéré l'évaluation très propre au contexte nécessaire pour déterminer si le secret professionnel protège les conseils donnés par un avocat interne :
« Vu la nature du travail d'un avocat interne, dont les fonctions sont souvent à la fois juridiques et non juridiques, chaque situation doit être évaluée individuellement pour déterminer si les circonstances justifient l'application du privilège. Ce dernier s'appliquera ou non selon la nature de la relation, l'objet de l'avis et les circonstances dans lesquelles il est demandé et fourni. »63
La réponse de base ne change pas lorsque l'avocat travaille pour le gouvernement. Comme l'a conclu la Cour d'appel fédérale dans Telus Communications Inc. c. Canada (Procureur général), « [c]omme les avocats salariés et les avocats de l'Administration remplissent souvent de multiples fonctions pour leur employeur, il est important de voir que seules leurs communications à titre d'avocats peuvent être protégées par le privilège. Les communications ayant d'autres fins, par exemple les conseils donnés en matière d'activité économique et d'action publique, ne sont pas ainsi protégées. Le point de savoir si une communication est protégée par le privilège dans ce contexte doit être examiné au cas par cas. »64
Lorsqu'un avocat joue un rôle juridique/commercial mixte et travaille à l'extérieur du service juridique, il y a davantage de chances que les conseils soient considérés d'ordre non juridique. La renonciation par inadvertance au secret professionnel est aussi un risque si les conseils ne sont pas strictement donnés en toute confidentialité. Le fait que l'avocat porte un titre différent et travaille à l'extérieur du service juridique n'est pas en soi déterminant, quoiqu'il puisse revêtir de l'importance dans une évaluation contextuelle. Dans une affaire de 1999 où une avocate n'a [TRADUCTION] « pas été embauchée expressément pour fournir des conseils juridiques » mais était [TRADUCTION] « qualifiée pour le faire et considérait qu'il s'agissait d'une partie de ses fonctions », la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a conclu qu'elle n'était pas employée [TRADUCTION] « comme avocate en soi » et que ses communications n'étaient pas protégées par le secret professionnel.65
Il n'existe [TRADUCTION] « presque aucune distinction » entre les avocats du gouvernement et les conseillers juridiques d'entreprises sur cette question,66 quoique le contexte organisationnel des avocats gouvernementaux diffère de celui du secteur privé. Comme le juge Binnie, de la Cour suprême, l'a souligné dans l'arrêt R. c. Campbell : « Bien qu'une partie du travail des avocats du gouvernement soit semblable à celui des avocats de pratique privée, ils peuvent avoir – et ont souvent – de nombreuses autres responsabilités comme, par exemple, la participation à divers comités opérationnels de leur ministère. Les avocats du gouvernement qui oeuvrent depuis des années auprès d'un ministère client peuvent être invités à donner des conseils en matière de politique qui n'ont rien à voir avec leur formation et leur expertise juridiques, mais font appel à leur connaissance du ministère. Les conseils que donnent les avocats sur des matières non liées à la relation avocat-client ne sont pas protégés » .67
Se reporter à Liste de vérification pour les conseillers juridiques d'entreprises : Stratégies de préservation du secret professionnel entre avocat et client pour consulter des stratégies en vue de protéger le secret professionnel entre avocat et client concernant les cas où vous travaillez manifestement à titre de conseiller juridique.
Notes de fin
62 R. c. Campbell, précité, note 56, au par. 50, citant Minter c. Priest, [1929] 1 K.B. 655 (C.A.).63 Pritchard c. Ontario (Commission des droits de la personne), [2004] 1 R.C.S. 809, à la p. 818, citant Campbell, précité, note 56, au par. 50.64 Telus Communications Inc. c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 380, au par. 10.65 Husky Oil Operations Ltd et al. c. MacKimmie Matthews et al. (1999), 241 A.R. 115 (C.B.R.A.).66 Patzelt, précité, note 56, à la p. 6.67 R. c. Campbell, précité, note 56, au par. 50. -
13. I act as internal counsel to a parent company and one of its subsidiaries. I have received information about the parent's plans that I have been asked to withhold from the management of the subsidiary. Can I do this?
Cette question importante et complexe nécessite l'examen de plusieurs enjeux, notamment les mandats conjoints, les conflits d'intérêts, les obligations fiduciaires dans le contexte d'une société, l'obligation de transparence et la détermination de l'identité du client dans le contexte organisationnel. Il est impossible de répondre de façon définitive à cette question hors contexte, mais les indications générales suivantes pourraient être utiles.
La société mère et la filiale sont-elles deux clientes distinctes? : En ce qui concerne les renseignements confidentiels, la règle 2.04(5) du Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada prévoit qu'avant d'agir dans une affaire ou une transaction pour plus d'un client, le juriste doit aviser chacun des clients qu'on lui a demandé d'agir pour les deux parties ou pour toutes les parties. Aucun renseignement reçu d'un client au sujet de l'affaire ne peut être considéré comme confidentiel à l'égard des autres clients. Si un conflit surgit et ne peut être réglé, il ne peut continuer de représenter les deux parties ou toutes les parties et aura peut-être à se retirer complètement de l'affaire.
Même si dans certains cas un conflit entre deux clients peut faire l'objet d'une renonciation par ceux-ci, l'avocat a néanmoins une obligation de bonne foi envers les deux clients et doit les servir tous deux fidèlement et honnêtement, croyant qu'il peut exécuter les mandats que lui ont confiés les clients sans restriction.
S'agit-il d'un cas de mandat conjoint? : Le commentaire 8 du chapitre V du Code de déontologie professionnelle de l'ABC énonce ce qui suit : « Si un différend surgissait entre les clients à propos du mandat conjoint, l'avocat, tout en conservant le droit de les conseiller sur d'autres questions non litigieuses, enfreindrait la règle s'il continuait à les conseiller sur la question qui les oppose. Dans ces circonstances, il serait préférable qu'il les dirige vers un confrère. Cependant, si le différend n'exige que peu ou pas de conseils juridiques, mais porte plutôt, par exemple, sur les aspects commerciaux d'une transaction, l'avocat peut, si les clients lui paraissent avoir l'expérience nécessaire, décider de ne pas intervenir et de les laisser s'entendre entre eux ».
La société mère et la filiale constituent-elles un seul client unitaire? : Le commentaire afférent au terme « client » dans la disposition renfermant les définitions du Code type de la Fédération énonce que « [d]ans le cas d'une personne qui consulte le juriste en qualité de représentant, le client est la société, la société en nom collectif, l'organisme ou la personne morale que la personne représente ». Le commentaire ajoute ce qui suit : « Pour préciser davantage, un client n'inclut pas un quasi-client, tel qu'une entité affiliée […] à moins qu'une preuve matérielle démontre qu'on s'attendait raisonnablement à ce qu'une relation entre juriste et client soit établie ». Il faut aussi tenir compte des obligations fiduciaires des administrateurs de la société. La Cour suprême du Canada a analysé cette question dans deux récents arrêts.68,69
Le Code de déontologie professionnelle de l'ABC est plus explicite, prévoyant expressément que « le terme "client" ne s'étend pas aux personnes qui se sont engagées ou associées avec un client ou qui y sont liées, comme : (i) les sociétés mères, filiales ou autres entités associées ou affiliées à un client, ou les administrateurs, actionnaires ou employés d'un client ».
Quelle est la nature des plans de la société mère? : Par exemple : s'agit-il d'une vente d'actions faisant intervenir la filiale? En 2004, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que : [TRADUCTION] « Généralement, l'avocat ne doit pas représenter les deux parties à l'opération lorsque les intérêts d'un client risquent d'entrer en conflit avec les intérêts de l'autre. S'il y a des opérations simples ou routinières pour lesquelles un avocat peut représenter les deux parties, la vente d'actions n'est pas l'une d'elles ». Dans une opération d'une telle ampleur, le simple fait de représenter les deux parties met l'avocat dans une situation de [TRADUCTION] « conflit d'intérêts irrémédiable » et l'avocat compromet sérieusement la représentation de l'une des parties. Simplement en acceptant le mandat relatif à la vente d'actions, l'avocat a contrevenu à l'obligation fiduciaire qu'il a envers une partie.
Elle n'est naturellement pas contraignante au Canada, mais la décision rendue en 2007 par la Cour d'appel du troisième circuit des États Unis dans In re Teleglobe Communications Corp.70 peut aussi servir de guide utile pour la question de savoir si et comment une société mère peut faire valoir le secret professionnel contre ses filiales dans certains cas et si les conseils donnés à une société mère demeurent protégés par le secret professionnel lorsque les intérêts des membres de son groupe divergent. La décision énonce également les mesures que peut prendre le conseiller juridique d'entreprise pour protéger le secret professionnel dans de telles circonstances.71
Notes de fin
68 Magasins à rayon Peoples Department Stores Inc (Syndic de) c. Wise, [2004] 3 R.C.S. 461.69 BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, [2008] 3 R.C.S. 560.70 In re Teleglobe Communications Corp. 493 F. 3d 345 (3d Cir. 2007).71 Voir Wendy Matheson, David Outerbridge et Laura Day, « Preserving Privilege in a Corporate Group: Lessons from In re Teleglobe Communications Corp. » document préparé pour la conférence de l’Association du Barreau de l’Ontario intitulée « Privilege, Confidentiality and Conflicts of Interest: Traversing Tricky Terrain », 23 octobre 2008. -
14. Le conseil d'administration a constitué un comité spécial et m'a demandé de l'aider à retenir les services d'un conseiller juridique externe à cet égard. Comment puis-je éviter les problèmes de conflits? Que dois-je faire en cas d'intérêts opposés (ou potentiellement opposés) entre nous?
La meilleure pratique consiste à préciser dès le début du mandat qui retient les services de l'avocat externe : les administrateurs personnellement; la société; les administrateurs personnellement et la société conjointement.
Dès le départ, les conseillers juridiques externes et internes devront indiquer clairement l'identité du client et de ceux qui leur donneront des instructions. Autrement, ils risquent qu'un examen postérieur mène à la conclusion qu'ils ont contrevenu aux dispositions du code de déontologie concernant les conflits d'intérêts.
Une approche de détermination de l'identité du client est énoncée dans Boreta c. Primrose Drilling Ventures Ltd.72 La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a évalué la relation entre les avocats externes et des membres de la société en fonction de critères objectifs et subjectifs. La cour a demandé dans quels cas [TRADUCTION] « la personne raisonnable se trouvant dans la position de [la société] et connaissant les faits adopterait raisonnablement la croyance que [l'avocat externe] agit pour [la société]73 La cour a aussi examiné la conduite des parties en cause, tirant des inférences de [TRADUCTION] « l'ensemble des circonstances au moyen d'un examen portant sur la preuve de la conduite des parties et les documents » .74
Même lorsque des communications écrites, reconnues par les administrateurs et la société, indiquent clairement le client des avocats externes, il peut être nécessaire de trancher des questions complexes sur le secret professionnel et les conflits d'intérêts.
Lorsque les services d'un avocat externe sont retenus par les administrateurs personnellement, et non pas par la société et que la société communique de l'information à celui ci, elle peut être considérée comme ayant renoncé à la confidentialité ou au secret professionnel entre avocat et client.
Toutefois, les tribunaux canadiens ont établi une « exception de l'intérêt commun » à la règle de la renonciation qui peut s'appliquer dans cette situation.75 Si des intérêts opposés prennent naissance entre la société et les administrateurs, les renseignements communiqués par une partie à l'autre perdent vraisemblablement la protection du secret professionnel et peuvent être produits dans une instance judiciaire entre les parties. Les renseignements pourraient continuer d'être protégés à l'égard des tiers. (Voir la question 3 pour de plus amples renseignements sur l'« exception de l'intérêt commun ».)
Notes de fin
72 Boreta c. Primrose Drilling Ventures Ltd, [2010] A.J. No 641 (C.B.R.).73 Ibid., au par. 56.74 Ibid., au par. 57.75 Voir Fraser Milner Casgrain LLP c. Minister of National Revenue, 2002 BCSC . -
15. Mes communications avec le conseiller juridique de la filiale européenne de ma société sont-elles protégées par le secret professionnel?
La réponse dépend du pays où on réclame la protection du secret professionnel et du contexte de la communication. Si le pays fait partie de l'Union européenne, il y a de fortes chances que les communications ne soient pas considérées protégées par le secret professionnel.
Dans la décision qu'elle a rendue en 2010 dans Akzo Nobel,76 la Cour européenne de justice a reconfirmé ses décisions antérieures selon lesquelles la « protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients » ne s'appliquait pas aux communications avec les avocats internes dans les enquêtes en matière de droit de la concurrence menées par la Commission européenne (CE) en vertu du droit européen. En particulier, la cour a mis l'accent sur la « dépendance économique » de l'avocat interne et ses « liens étroits » avec l'employeur pour conclure que l'avocat interne « ne jouit pas du même degré d'indépendance à l'égard de son employeur que celle d'un avocat exerçant ses activités dans un cabinet externe à l'égard de son client ». Malgré le fait qu'un avocat interne est inscrit auprès d'un barreau et qu'il est ainsi soumis à des obligations déontologiques professionnelles, « la situation de salariat dans laquelle il se trouve […] ne permet pas à l'avocat interne de s'écarter des stratégies commerciales poursuivies par son employeur et met ainsi en cause sa capacité à agir dans une indépendance professionnelle ».77
L'effet de la décision fait l'objet d'un débat continu.78 Une note d'information pour les membres d'une association de conseillers juridiques d'entreprises énonce que [TRADUCTION] « de façon concrète, la très grande majorité des affaires ou des incidents potentiels en matière de secret professionnel de l'avocat ne seront pas touchés du tout par la décision Akzo », et que la décision [TRADUCTION] « a des effets juridiques limités hors du contexte des enquêtes en droit de la concurrence menées par la CE ». Toutefois, même si l'affaire était d'abord une enquête sur la concurrence, les termes employés dans le jugement indiquent que le même résultat peut être appliqué hors du domaine étroit du droit de la concurrence et peut-être à d'autres règlements et institutions de l'Union européenne (UE). La décision crée directement un conflit avec le privilège qui pourrait par ailleurs être accordé au niveau national aux conseillers juridiques d'entreprises (en Angleterre, par exemple). En outre, la conclusion de l'avocat général européen dans l'affaire, quoique non contraignante, veut que le privilège ne s'applique pas aux avocats externes non admis au barreau d'un État membre de l'UE.79
Concrètement, il s'ensuit donc que toutes les communications entre les conseillers juridiques d'entreprises et bureaux canadiens et les filiales se trouvant dans des pays membres de l'Union européenne risquent de ne pas être protégées par le secret professionnel entre avocat et client. La décision Akzo pourrait amener la direction d'une société à faire en sorte que les communications avec les avocats internes au sujet de la concurrence dans l'UE soient verbales, et non pas écrites.
Au Canada, les conseillers juridiques d'entreprises doivent savoir que leurs conversations avec leurs homologues européens à certaines fins pourraient ne pas être protégées par le secret professionnel en Europe. Il se peut que des revendications de la protection du secret professionnel concernant les communications intersociétés soient contestées devant les tribunaux canadiens : se pose la question clé de savoir si une communication avec des avocats internes peut être assortie d'une « attente raisonnable de confidentialité » lorsqu'elle est susceptible de saisie par la Commission européenne.
Notes de fin
76 Akzo Nobel Chemicals Limited et Ackros Chemicals Limited c. Commission européenne, affaire C-550/07P, Cour de justice de l’Union européenne, 14 septembre 2010.77 Ibid.78 Paul D. Paton, « The Future of Privilege », Lawyers’ Weekly In-House Counsel, été 2011, aux p. 8 et 9.79 Conclusion de l’avocat général Kokott, prononcée le 29 avril 2010, affaire C-550/07P. -
16. Le chef de la direction m'a demandé, dans le cadre de mon rôle de conseiller juridique d'entreprise, de faire enquête sur un appel placé par un employé à la « ligne déontologique » de notre organisation. Comment puis-je préserver le secret professionnel à l'égard de mes notes et des documents afférents à l'enquête?
Il est essentiel de mener minutieusement une enquête interne pour préserver le secret professionnel et faire en sorte que le conseiller juridique d'entreprise ne devienne pas par inadvertance un témoin.
À l'assemblée annuelle de l'ACCJE en 2011, il a été suggéré lors d'une discussion en groupe qu'afin de bien déterminer le rôle du conseiller juridique d'entreprise, il faut répondre à d'importantes questions au début d'une enquête :
- Quels sont les objectifs de l'enquête?
- Qui devrait mener l'enquête?
- Quand l'enquête devrait-elle être menée?
- Qui est le client du conseiller juridique effectuant l'enquête?
- L'enquête devrait-elle répondre à une allégation seulement ou être élargie de manière à avoir une portée plus grande?
- Comment l'enquête sera-t-elle consignée et ses résultats seront-ils annoncés?80
La décision rendue en mai 2012 par la Cour supérieure de justice de l'Ontario dans R. c. Dunn81 procure un examen utile de certaines des questions susceptibles de survenir. La décision a confirmé que les notes prises par les avocats dans le cadre d'une enquête interne étaient protégées contre la divulgation puisqu'elles ont été créées principalement en vue d'un litige en cours, envisagé ou prévu. Toutefois, même si les notes étaient protégées contre la divulgation, la cour a conclu que l'avocat peut néanmoins être forcé à témoigner au sujet de ce qui s'est produit à une réunion à laquelle il a participé au nom d'un client si des tiers étaient aussi présents, même si ces tiers étaient également des avocats. La cour a aussi confirmé que la transcription des entrevues peut être admissible en preuve car elle ne refléterait pas le travail d'un avocat en vue d'un litige.
L'affaire portait sur une enquête et un contrôle entrepris par le comité d'audit au nom d'une société, notamment des entrevues avec des membres de la haute direction par la suite accusés d'avoir fraudé le public et la société. Les membres de la haute direction étaient représentés par des avocats externes lors de certaines des entrevues. La cour a accepté le témoignage des avocats externes selon lequel leurs notes n'étaient pas seulement une transcription des réunions, mais plutôt un mélange de ce qu'ils ont vu et entendu et de ce qu'ils estimaient important. L'une des personnes menant les entrevues était un ancien poursuivant de la Securities and Exchange Commission des États Unis, et les avocats ont témoigné qu'ils craignaient la possibilité de litige réglementaire et civil. Par conséquent, la cour a convenu que les notes avaient été créées principalement en vue d'un litige et de permettre aux avocats de défendre les membres de la haute direction contre des procédures potentielles.82 Mais même si les notes étaient protégées contre la divulgation en raison du privilège relatif au litige, la teneur des entrevues qu'elles consignaient ne l'était pas; les avocats pouvaient être forcés de témoigner au procès puisque des tiers représentants avaient été présents. La cour a souligné que si les entrevues avaient été transcrites, la transcription aurait aussi été admissible en preuve. Bien que les communications entre les avocats et leurs clients puissent bénéficier de la protection du privilège relatif au litige, la divulgation des faits sous jacents par ceux qui ont communiqué avec les avocats n'est pas protégée s'il est par ailleurs possible de les découvrir et qu'ils sont pertinents.
Aux États Unis, le précédent en la matière demeure l'arrêt Upjohn Co. c. United States.83 Cette affaire portait sur une enquête interne par la société sur des [TRADUCTION] « paiements douteux » faits par les filiales étrangères de la société, vraisemblablement en violation des lois américaines. Lorsque des agents spéciaux de l'Internal Revenue Service des États Unis ont sollicité la production de [TRADUCTION] « tous les dossiers relatifs à l'enquête », notamment les notes ou les comptes rendus d'entrevues effectuées avec des employés de la société dans le cadre de l'enquête interne, la société a refusé de produire les documents au motif que ceux-ci étaient protégés contre la divulgation par le secret professionnel entre avocat et client et constituaient le fruit du travail des avocats qui se préparaient en vue d'un litige. La Cour suprême des États Unis a confirmé que le secret professionnel [TRADUCTION] « interdit seulement la divulgation des communications; il n'interdit pas la divulgation des faits sous jacents par ceux qui ont communiqué avec les avocats ».84
Il faut prendre des précautions particulières s'il existe une possibilité que les autorités américaines sollicitent la divulgation des notes et documents. Envisagez de faire appel aux services de conseillers juridiques américains et canadiens pour vous aider dans un tel cas.
Notes de fin
80 Voir Kelley McKinnon, Gowlings, « Investigation Strategy »; Heidi Schedler, Commission des valeurs mobilières de la Nouvelle–Écosse, « Government & Internal Investigations: A To-Do List »; et Antoinette Bozac, VP, RH et Affaires juridiques et chef du contentieux, Société immobilière du Canada, « Regulatory & Internal Investigations – Fraud Investigation Structure and Execution: Checklists and Case Samples »; diapos d’une présentation PowerPoint, conférence annuelle 2011 de l’Association canadienne des conseillers et conseillères juridiques d’entreprises, 15 août 2011.81 [2012] ONSC 2748.82 Andrew Bernstein et Andrew Finkelstein, « Litigation Privilege and Internal Investigations », Torys on Litigation and Dispute Resolution, L&DR 2012-5, 11 mai 2012.83 Upjohn Co. c. United States, 449 U.S. 383 (1981).84 Ibid., à la p. 395. -
17. Mon client m'a congédié. J'ai reçu d'un organisme de réglementation une demande concernant le travail que j'ai effectué pour l'organisation. Que puis-je dire?
Généralement, le secret professionnel entre avocat et client de même que l'obligation de confidentialité continuent de s'appliquer après la fin de la relation avocat-client. La règle 2.03 du Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada oblige l'avocat « en tout temps » à « garder dans le plus grand secret tous les renseignements qu'il apprend au sujet des affaires et des activités d'un client au cours de la relation professionnelle ». L'avocat ne doit pas divulguer ces renseignements, sauf dans les cas suivants :
- le client l'a expressément ou implicitement autorisé;
- la loi ou un tribunal l'exige;
- il est tenu de donner les renseignements au Barreau;
- la règle le permet.
À moins que ce qu'on vous demande de divulguer relève de l'une de ces exceptions, vous êtes tenu de ne rien dire au sujet du travail que vous avez effectué pour l'organisation.
Un client actuel ou ancien peut renoncer explicitement ou implicitement au secret professionnel ou à l'obligation. Le critère applicable à la détermination de la question de savoir si un client a renoncé à la protection du secret professionnel ou à l'obligation de confidentialité est strict. À titre de « propriétaire » du secret professionnel, le client doit :
- connaître l'existence du secret professionnel;
- démontrer manifestement l'intention d'y renoncer.85
Si un client conteste votre interprétation des événements, il appartiendra au tribunal de déterminer s'il a renoncé au secret professionnel librement et intentionnellement. Les tribunaux préfèrent ne pas forcer la divulgation du secret et sont réticents à présumer la renonciation.
Concrètement, il peut être difficile d'obtenir une renonciation écrite de la part de l'organisation dans les cas où vous avez été congédié. Il vous faudra peut-être donc solliciter une ordonnance judiciaire autorisant la divulgation de votre part afin de vous permettre de répondre à la demande de l'organisme de réglementation.
Notes de fin
85 Ronald D. Manes et Michael P. Silver, Solicitor-Client Privilege in Canadian Law, (Toronto : Butterworths, 1993) 187. -
18. Ma société a fait l'objet d'une prise de contrôle par de nouveaux propriétaires. Je suis toujours au service de la société à titre de conseiller juridique d'entreprise. Puis-je divulguer des renseignements privilégiés aux nouveaux propriétaires? Importe-t-il que la société ait été acquise au moyen d'une vente d'actions ou d'un achat d'actifs?
La vente d'actions est l'affaire la plus facile à trancher puisque la société continue de bénéficier du secret professionnel lorsqu'elle est vendue. La société peut changer de mains, mais elle demeure la cliente.
Lorsque les actifs sont achetés, il s'agit de savoir si l'acheteur est l'ayant cause. Il est établi depuis longtemps que le secret professionnel entre avocat et client est transmis aux ayants cause.86
La Cour supérieure de l'Ontario a énoncé le principe de la façon suivante : [TRADUCTION] « L'ayant cause peut faire valoir le secret professionnel entre avocat et client se rattachant à un prédécesseur. Ainsi, le secret professionnel du propriétaire original se transmet à un ayant cause ».87
Les tribunaux font bénéficier les ayants cause du secret professionnel puisque leurs intérêts sont communs à ceux du prédécesseur et que les communications ont été faites sous le sceau de la confidentialité. En d'autres termes, le secret professionnel entre avocat et client qui « appartient » au propriétaire d'une entreprise est transmis à l'ayant cause de l'entreprise, et celui-ci peut le faire valoir et le conserver.
Notes de fin
86 Geffen c. Succession Goodman, [1991] 2 R.C.S. 353; voir aussi Crescent Farms (SIDCUP) Sports Ltd. Sterling Offices et al., [1972] 1 Ch. 553 (Eng.).87 UPM-Kymmene Corp. c. Repap Enterprise Inc., [2001] O.J. No. 4220, au par. 10 (C.S.) -
19. Ma société a fait faillite. Quels renseignements puis-je communiquer au syndic de faillite, aux acheteurs de la société ou aux ayants cause?
Lorsque vous agissez au nom d'un client en faillite, vous avez toujours une obligation de confidentialité envers lui. De façon générale, le secret professionnel entre avocat et client est conservé pendant une instance de faillite et vous ne pouvez pas divulguer de renseignements privilégiés au syndic de faillite sans le consentement de votre client failli.
Vous ne serez pas nécessairement forcé de divulguer des communications privilégiées concernant votre client en faillite, mais vous pourriez être tenu de divulguer des renseignements factuels au sujet des affaires du failli, renseignements qui ne sont pas considérés comme des communications entre vous et votre client aux fins de la prestation de conseils juridiques et qui seraient, si tel était le cas, protégés par le secret professionnel entre avocat et client.
En 1984, la Cour suprême de l'Ontario a conclu qu'un avocat peut être forcé de [TRADUCTION] « divulguer tous les renseignements concernant les affaires du failli, ses opérations et l'emplacement de ses biens, etc., qui ne nécessitent pas la divulgation de communications faites à l'appelant en vue de la prestation de conseils juridiques ».88
La Loi sur la faillite et l'insolvabilité ne traite pas directement du secret professionnel entre avocat et client ni de sa renonciation, mais la jurisprudence nous indique que le syndic ne peut y renoncer et que le secret professionnel bénéficie uniquement au failli. Dans le précédent sur l'application du secret professionnel dans une instance de faillite,89 la Cour d'appel de l'Alberta a conclu que les communications privilégiées constituaient un [TRADUCTION] « droit personnel » qui n'était pas soumis à l'obligation générale de transfert de « biens », au sens attribué à ce terme à l'article 2 de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et a confirmé que [TRADUCTION] « le droit personnel que constitue le secret professionnel n'est pas modifié par la LFI ».90 Il n'existe aucune obligation ni aucun cas spécial dans le cadre d'une instance de faillite qui permettrait à quiconque, hormis le client failli, de renoncer au secret professionnel entre avocat et client.
Lorsque l'entreprise de votre client failli est achetée, vous avez toujours l'obligation de préserver la confidentialité de l'ensemble des documents et communications de votre client, que ceux-ci soient protégés ou non par le secret professionnel, même après que les documents ont été divulgués par votre client pendant l'opération d'achat. Vous devez recevoir de votre client des instructions explicites pour pouvoir partager des communications privilégiées.
Notes de fin
88 Clarkson c. Chilcott, (1984) 48 O.R. (2d) 545 (C.S.).89 Bre-X Minerals Ltd. (Trustee of) c. Verchere, 2001 ABCA 255, [2002] 97 Alta L.R. (3d) 1.90 Ibid., au par. 35. -
20. Mon organisation a déménagé dans des locaux configurés pour des « bureaux ouverts » et des « bureaux à la carte » – les employés n'ont pas de bureau permanent mais utilisent les locaux disponibles lorsqu'ils se présentent. Les avocats d'entreprises ont-ils besoin de bureaux fermés afin de préserver le secret professionnel?
Puisque les conseillers juridiques d'entreprises ont leurs bureaux dans les locaux de leur société cliente, il faut présumer que les gens qui se trouvent à l'extérieur de leurs bureaux sont tous des employés du client. Ainsi, il n'existe aucune obligation de bureau à porte fermée, si on présume que dans les bureaux de la société, il y a une attente et une appréciation en ce qui concerne la vie privée. Toutefois, la diffusion de renseignements privilégiés aussi à d'autres personnes que celles qui en ont besoin fait augmenter le risque de divulgation non autorisée de même que d'allégations selon lesquelles on a renoncé au secret professionnel.
On peut souvent entendre des avocats qui ont des conversations dans des lieux publics, comme un café ou un avion, sur des sujets qu'ils voudraient assurément voir protégés par le secret professionnel entre avocat et client. Suivant les règles normalisées de la renonciation, de telles conversations ne seraient pas considérées confidentielles et, partant, non protégées par le secret professionnel. Tel est aussi le cas de l'avocat qui parle ouvertement à un client dans le corridor à l'extérieur de la salle d'audience lorsque de nombreuses personnes se trouvent dans les environs.
Le Barreau du Québec a édicté une règle qui oblige les avocats à utiliser une salle de consultation pour rencontrer des clients ou avoir des conversations visées par le secret professionnel. Cette salle doit être fermée et conçue de manière à empêcher ceux qui ne s'y trouvent pas d'entendre les conversations qui y ont lieu.91 Le Barreau de la Colombie-Britannique a répondu à pareilles préoccupations au sujet de la nécessité d'empêcher ceux avec qui l'avocat partage des bureaux d'avoir accès à des renseignements et à des dossiers du client en publiant un sommaire d'un contrôle d'une personne anonyme effectué en 2012.92
Notes de fin
91 Barreau du Québec, Règlement sur la comptabilité et les normes d’exercice professionnel des avocats, Code des professions (L.R.Q., chap. C-26, art. 89 et 91), Section II, p. 5.92 LSBC Conduct Review No. 3, automne 2012. -
21. Je suis un avocat au sein du service juridique de mon organisation. La direction veut réduire les coûts et propose d'impartir à un tiers fournisseur la consignation de toutes les communications électroniques, y compris mes documents et mes courriels. Quelles mesures dois-je prendre pour veiller à la protection du secret professionnel?
Le document de l'ABC intitulé « Lignes directrices pour un exercice du droit conforme à la déontologie dans le cadre des nouvelles technologies de l'information » (septembre 2008) 93 procure des renseignements qui complètent le Code de déontologie professionnelle de l'ABC. Les lignes directrices font ressortir les pratiques exemplaires lors de l'utilisation des technologies de l'information en mettant l'accent sur la nécessité d'assurer la sécurité de l'information et de préserver la confidentialité des clients et protéger leur vie privée. Les technologies évoluent rapidement, mais les obligations juridiques et déontologiques fondamentales des avocats demeurent le guide général permettant de déterminer s'il y a lieu d'appliquer les nouvelles technologies à la pratique et leur mode d'application.
Le Code type de déontologie professionnelle de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et le Code de déontologie professionnelle de l'ABC énoncent l'obligation par l'avocat de préserver strictement la confidentialité des renseignements concernant les activités et les affaires d'un client dont il prend connaissance dans le cadre de la relation professionnelle ainsi que l'obligation de s'abstenir de divulguer ces renseignements, sauf en cas d'autorisation explicite ou implicite du client, d'obligation légale ou de disposition des Règles.
Ces principes s'appliquent à toutes les formes de communication, notamment les communications électroniques au moyen des technologies de l'information. Les avocats doivent faire preuve de la même diligence et de la même préoccupation en ce qui concerne les affaires confidentielles, peu importe la technologie de l'information utilisée. De plus, dans de nombreux territoires canadiens, les règles de procédure civile et les règles de pratique relatives à la conservation des documents et à l'examen préalable définissent les termes « document » et « dossier » de manière à comprendre les formats papier et électronique.
Les règlements du Barreau ne dictent pas encore la forme ou le support que l'avocat doit utiliser pour stocker les communications des clients ou les autres éléments liés au dossier d'un client. Un document intitulé « Practice Tips » du Barreau du Haut-Canada portant sur « Using Technology in Your Practice »94 souligne que lorsque les communications sont stockées sous format électronique, il faut prendre soin de [TRADUCTION] « choisir une méthode qui garantit la fiabilité, la lisibilité et l'accessibilité de l'information pendant la période de conservation applicable ». De plus, il faut prendre des précautions pour assurer la sécurité des renseignements confidentiels, pour en restreindre strictement l'accès et pour minimiser l'effet des interruptions de la pratique et de la désuétude technologique.
L'évolution de la technologie, du droit et de la réglementation appuie l'utilisation du chiffrement pour protéger toute l'information confidentielle. Les règles de droit fédérales, provinciales et internationales concernant la sécurité des données et la vie privée peuvent aussi prescrire des étapes particulières afin de protéger le matériel confidentiel.
L'« infonuagique » remplaçant le stockage matériel sur les lieux et hors des lieux des données informatiques, la situation devient plus complexe. De nombreux tiers fournisseurs sont situés à l'extérieur du Canada, dans des pays où le respect pour le secret professionnel et la confidentialité des dossiers n'est pas nécessairement le même qu'au Canada.95
Il existe beaucoup trop de variables pour nous permettre d'offrir des indications précises sur la protection du secret professionnel en cas d'impartition de la tenue des dossiers. Tenez compte des questions suivantes lorsque vous vous efforcez de faire en sorte que le secret professionnel soit préservé :
- Quels sont les risques de divulgation par inadvertance ou d'interception afférent à une technologie de l'information donnée?
- Quels sont les risques associés à la sélection d'un tiers fournisseur donné? Le maintien de l'accès, la compatibilité technologique, la sécurité et le chiffrement (dans les cas qui s'y prêtent ou si nécessaire) peuvent-ils être garantis?
- Quelles questions font naître les différentes lois ou les différents régimes dans le pays où se situe le tiers fournisseur?
Notes de fin
93 Lignes directrices pour un exercice du droit conforme à la déontologie dans le cadre des nouvelles technologies de l'information, (septembre 2008).94 « Using Technology in Your Practice », Barreau du Haut-Canada, 6 juillet 2012.95 Le « Report of the Cloud Computing Working Group » au Barreau de la Colombie-Britannique constitue une ressource utile sur ces questions. -
22. Mon organisation prévoit retenir les services d'un expert pour le conseiller concernant une affaire interne importante en vue d'un litige futur. Comment faire pour que le rapport d'expert soit protégé par le secret professionnel?
Généralement, les communications entre un expert et l'avocat mandant de même que les notes de travail initiales de l'expert seront protégées par le secret professionnel lorsque ces notes sont consignées principalement en vue d'un litige .96 Toutefois, dans Kennedy c. McKenzie,97 la Cour supérieure de l'Ontario a conclu qu'une partie faisant valoir un privilège relatif au litige doit établir que les documents ont été créés à l'une des fins suivantes :
- principalement en vue d'un litige actuel, envisagé ou prévu;
- en réponse à des demandes de renseignements de la part du mandataire de l'avocat de la partie;
- à la demande ou à la suggestion du conseiller juridique de la partie;
- pour être remis au conseiller juridique afin d'obtenir des conseils;
- pour permettre au conseiller juridique d'intenter une action ou d'assurer une défense à une action ou de préparer un mémoire.
Il est donc important de veiller à ce que les instructions données à l'expert proviennent directement du conseiller juridique. Il pourrait être indiqué de retenir les services d'un conseiller juridique externe chargé expressément de donner des indications et des directives à l'expert en vue du litige.
Il faut aussi déterminer si on prévoit que le rapport d'expert sera utilisé en preuve au procès. On se trompe si on présume que les versions préliminaires du rapport de l'expert et les renseignements provenant du conseiller juridique seront protégés contre la divulgation par le privilège relatif au litige ou par le secret professionnel entre avocat et client lorsqu'on invoque le rapport final de l'expert au procès et que l'expert est entendu comme témoin.98 Selon l'évolution jurisprudentielle, la démarche la plus prudente consiste à présumer que toutes les communications avec les experts seront divulguées (essentiellement, si ce n'est pas les documents eux-mêmes) si l'expert témoigne. C'est particulièrement vrai lorsqu'une exception prévue par la loi permet la divulgation des renseignements dont l'expert a tenu compte pour se former une opinion finale.99
En Ontario, par exemple, la règle 31.06(3) des Règles de procédure civile exige qu'à moins que i) le matériel ait été préparé uniquement en prévision d'une poursuite envisagée ou en cours et que ii) la partie interrogée s'engage à ne pas appeler l'expert à témoigner au procès, « une partie qui interroge au préalable peut obtenir la divulgation de l'opinion et des conclusions de l'expert engagé par la partie interrogée, ou en son nom, qui sont pertinentes à l'égard d'une question en litige dans l'action ainsi que de ses nom et adresse ».100 Le débat n'est pas tranché sur ce que constitue exactement « l'opinion et les conclusions » de l'expert et sur la mesure dans laquelle la production d'un rapport d'expert entraînera la production d'autres documents.101 Mais dans une décision rendue en 2006, la Cour d'appel de l'Ontario a conclu que les obligations de production prévues par la règle 31.06(3) s'appliquent à toute l'information que l'expert examine pour se former son opinion finale.102
Les genres suivants de documents ont été jugés assujettis aux obligations de divulgation prévues par la règle en Ontario :
- les renseignements factuels et les données sur lesquels se fonde l'expert (comme les calculs, les notes prises sur les lieux ou les renseignements obtenus lors d'entrevues)
- les renseignements communiqués par le conseiller juridique à l'expert et sur lequel l'expert se fonde dans la préparation du rapport
- les versions préliminaires
- le rapport d'un autre auteur que l'expert utilise et prend en considération dans l'affaire.103
Les décisions visent à assurer la divulgation appropriée de tous les faits pertinents pour la formulation de l'opinion de l'expert.
Se reporter à Liste de vérification pour les conseillers juridiques d'entreprises : Stratégies de préservation du secret professionnel entre avocat et client.
Notes de fin
96 Chernetz c. Eagle Copters Ltd., 2005 ABQB 712, 385 A.R. 238, 28 C.P.C. (6th) 175 (C.B.R.A.); voir aussi General Accident c. Chrusz, 1999 CanLII 7320 (CA ON); 45 O.R. (3d) 321 (C.A.).97 Kennedy c. McKenzie, [2005] O.J. No 2060 (C.S.), au par. 20, cité avec approbation dans R. c. Dunn, 2012 ONSC 2748 (CanLII).98 Voir Lana Finney et Sarah Robicheau, « The Broadening Disclosure Obligations for Expert Witnesses », 22(1) Environews [Association du Barreau de l’Ontario – Section du droit de l’environnement] mars 2012; voir aussi Paul D. Paton, « Waiver of Privilege and Preliminary Drafts of Expert Reports », 3(2) Commercial Litigation 130 (1996); William G. Horton et Michael Mercer, « Expert Witness Evidence in Civil Cases », 29 Advocates Quarterly 153 (2004) [édition révisée en juillet 2007].99 Conceicao Farms Inc. c. Zeneca Corp., (2006) 82 O.R. (3d) 229, 2006 CanLII 25345 (.C.A.), aux par. 37 à 43, infirmé pour d’autres motifs dans Conceicao Farms Inc. c. Zeneca Corp., (2006) 83 O.R. (3d) 792, 2006 CanLII 31976 (C.A.).100 Règles de procédure civile, Règle 31.06(3), R.R.O. 1990 (prises en application de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, c. C4).101 Horton et Mercer, précité, note 98, à la p. 14 : [TRADUCTION] « Il est important de souligner que la règle 31.06 s’applique seulement pour empêcher la divulgation des "connaissances, opinions et croyances" d’une partie qui constituent des " opinions et conclusions" de l’expert. Les autres "connaissances, opinions et croyances" d’une partie seront, sous réserve des Règles, susceptibles d’examen préalable. »102 Conceicao Farms Inc., précité, note 99.103 Finney et Robicheau, précité, note 98, à la p. 2.