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Au lancement de son initiative Tolérance zéro il y a quelques années, le Forum des avocates de l’ABC faisait un vœu solennel : en échange d’histoires de harcèlement vécu au travail par ses membres, il promettait l’anonymat le plus total.
Même à l’ère #MoiAussi, il reste des juristes qui outrepassent les limites sexuelles auprès de leurs subordonnés. Et signaler un tel comportement peut encore freiner une carrière.
C’est pourquoi les jeunes avocates et avocats sont vulnérables au harcèlement sexuel d’après Elizabeth Aspinall, conseillère en pratique et protectrice de l’équité à la Law Society of Alberta.
« S’ils font une allégation de harcèlement, de nature sexuelle ou autre, ils craignent que leur carrière en souffre, explique-t-elle. Ils n’auront pas accès aux gros dossiers, ils ne pourront pas travailler avec certains avocats, et de subtiles pressions les pousseront vers la sortie – s’ils ne sont pas tout simplement mis à la porte. »
Et si des changements législatifs sont en préparation pour atténuer cette vulnérabilité, Mme Aspinall souligne que le harcèlement sexuel constitue déjà une infraction au code de déontologie du barreau albertain.
Le harcèlement sexuel est une forme classique d’intimidation. Concrètement, il peut s’agir de commentaires désinvoltes sur l’habillement ou l’apparence physique d’une personne, d’allusions sexuelles dans les conversations entre collègues ou de contacts non désirés, et aller jusqu’à l’intimidation physique ou psychologique et à l’agression sexuelle.
Le harcèlement n’est pas nécessairement flagrant – en fait, l’inverse est plus fréquent.
« Ne minimisez pas vos émotions si quelqu’un vous met mal à l’aise à cause de votre sexe, même à la blague, ou si quelqu’un vous touche, car il ne devrait pas y avoir de contacts physiques », conseille Rebecca Saturley, associée directrice du bureau de Stewart McKelvey à Halifax. « Si ce genre de situation survient et vous gêne, c’est qu’il y a sans doute un problème. »
Selon Shannon Friesen, directrice et consultante principale en ressources humaines d’ACTivate HR, à Calgary : « En matière de harcèlement sexuel, on n’a pas besoin de qualifier l’expérience. Quand ça nous arrive, on le sait. »
Une fois qu’on s’est admis à soi-même qu’il y a un problème de harcèlement sexuel au travail, on a plusieurs façons de réagir.
« L’une des options est de dire à la personne fautive que son commentaire ou son comportement est importun dès que l’événement se produit », mentionne Gail Gatchalian, présidente sortante de la Section nationale du droit du travail et de l’emploi de l’Association du Barreau canadien et associée chez Pink Larkin à Halifax. (Elle préside aussi le groupe de travail sur le harcèlement sexuel de l’ABC-NE.) « Il s’agit de dénoncer le geste en disant quelque chose comme “C’est vraiment de mauvais goût.” ou “Je n’aime pas ça. J’aimerais que ça cesse.” »
Malheureusement, comme les auteurs de harcèlement sexuel peuvent délibérément banaliser leurs paroles et leurs actions inappropriées par des formules comme « Je blaguais! » ou « J’ai seulement fait ce geste pour exprimer ma sympathie et mon soutien », certaines victimes sont déjà coincées dans un cycle de harcèlement verbal ou physique quand elles se rendent compte de ce qui leur arrive.
Dans un tel cas, si l’intimidation n’est pas trop intense pour être abordée de front, la dénonciation peut encore s’avérer efficace.
À ce moment-là, la meilleure option est souvent de faire appel à l’autorité : un supérieur immédiat (ou une personne plus haut placée, si le harcèlement vient du supérieur en question), les Ressources humaines ou le barreau. Pour décider à quelle autorité s’en remettre, on évaluera la façon dont la personne ou le cabinet recevra la plainte et sa capacité ou volonté à obtenir justice pour la victime.
En Ontario, « les jeunes juristes qui estiment avoir vécu du harcèlement sexuel de la part d’un avocat, parajuriste ou étudiant en droit membre du barreau devraient contacter le Conseil juridique en matière de discrimination et de harcèlement », indique Gelek Badheytsang, conseiller en communication du Barreau de l’Ontario. « Pour vous aider, le Conseil vous écoutera, clarifiera les problèmes, vous fournira confidentiellement des renseignements et des conseils, et vous présentera vos options et recours – par exemple, le dépôt d’une plainte au Barreau de l’Ontario ou d’une requête au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. »
Elizabeth Aspinall souligne qu’en Alberta, la plainte peut aussi être déposée par le barreau si la victime ne veut pas figurer au dossier comme plaignante. L’inconvénient, c’est qu’elle est alors reléguée au statut de témoin, sans contrôle sur le dossier. Et « comme l’avocat [fautif] saura dans tous les cas qui a formulé la plainte, cela n’atténue en rien la vulnérabilité », ajoute-t-elle.
La quatrième option consiste à quitter le cabinet où a lieu le harcèlement. Dans les cas graves où il serait trop stressant ou carrément dangereux d’attendre de l’aide, cette avenue peut être à privilégier jusqu’à ce que des mesures disciplinaires soient appliquées ou qu’une action en justice soit intentée.
Une autre option serait de ne rien faire du tout, en espérant que la situation disparaisse. Mais comme les harceleurs ont tendance à prendre le silence pour du consentement, les chances de réussite de cette méthode sont minces.
Si le harcèlement s’aggrave au point où une plainte semble s’imposer, la victime gagne à documenter le comportement autant que possible en rassemblant les courriels, en gardant une trace des conversations téléphoniques et en recueillant toute autre preuve potentiellement utile.
Tâchez de trouver des témoins de toute interaction douteuse, car, comme le sait tout bon avocat, les preuves comptent. D’ailleurs, le groupe de travail sur le harcèlement sexuel de l’ABC-NE prépare actuellement un programme de formation qui aidera les témoins de harcèlement sexuel à faire des interventions constructives pour interrompre et faire cesser ce genre de conduite.
Personne ne devrait avoir à endurer de harcèlement sexuel au travail. Les harceleurs peuvent être dénoncés, honnis, punis et stoppés : plus l’exercice sera répété, plus les jeunes avocates et avocats seront en mesure de se protéger et de protéger leur carrière contre ces attaques pernicieuses.
James Careless est un contributeur régulier à EnPratique.
Liens utiles :
Le Code type de déontologie professionnelle interactif de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, un guide des politiques sur le harcèlement sexuel dans tous les ordres professionnels de juristes et les barreaux du Canada.
Le balado de l’ABC sur le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, Tolérance zéro.
La leçon en matière de harcèlement sexuel qu’a servie la Law Society of British Columbia à l’avocat d’un petit cabinet (en anglais seulement).
Le Conseil juridique en matière de discrimination et de harcèlement du Barreau de l’Ontario.
Le rapport du cabinet néo-zélandais Russell McVeagh sur le harcèlement sexuel et ses mesures pour le contrer (en anglais seulement).