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Pour maints avocats, le travail en ligne est synonyme d'avenir. D'ailleurs, le Web pourrait bien simplifier une grande partie de leurs tâches.
Cependant, le Web est truffé de pièges pour ceux qui ne s'en méfient pas, comme David Ian Amber, un avocat d'Ottawa, l'a appris à ses dépens. C'est par inadvertance, alors qu'il était à la recherche d'un logiciel qui l'aiderait à gérer la paperasse d'une affaire, qu'il a publié sur le site freelancer.com un mémoire de divulgation de la preuve de la Couronne provenant du dossier de fraude d'une cliente. Celui-ci contenait son nom, une photo d'elle, son numéro de téléphone, sa date de naissance, son historique d'emploi, le numéro de ses cartes de crédit, son numéro de permis de conduire, ainsi que d'autres renseignements personnels.
« C'est une perte de temps que d'avoir à demander à un juge d'ordonner à l'autre partie d'annuler un caviardage », a publié Me Amber sur freelancer.com. « J'aurais besoin d'un programme simple pouvant me permettre d'effacer le caviardage dans un document et d'en sauvegarder la version non caviardée en format PDF. »
Le Service de police d'Ottawa, informé du manquement non intentionnel à l'obligation de confidentialité de Me Amber, a procédé à une vente surveillée lors de laquelle un agent d'infiltration a offert à Me Amber de lui vendre le programme recherché. L'avocat a accepté de l'acheter au prix de 500 $.
Dès que l'avocat de la Couronne a eu vent de l'opération d'infiltration de la police, il s'est rendu en cour pour demander que le mémoire de divulgation de la preuve lui soit retourné. Le juge de la Cour supérieure de l'Ontario, Robert Maranger, est même allé plus loin en ordonnant à Me Amber de rendre tous les mémoires de divulgation de la preuve lui ayant été fournis par la Couronne, et ce, non seulement pour l'affaire en question, mais aussi pour toutes les autres affaires. Qualifiant la conduite de Me Amber de « scandaleuse », le juge Maranger lui a aussi ordonné de se soumettre à un programme de mentorat auprès de trois avocats chevronnés au moins une heure par semaine pendant trois mois.
En cette ère de l'Internet, tous les avocats peuvent tirer une leçon du cas de Me Amber. Son erreur, bien que sans mauvaises intentions, aurait pu être évitée s'il avait simplement demandé de l'aide à un avocat en personne plutôt que de le faire en ligne. « Le problème, c'est qu'en publiant quoi que ce soit sur un forum en ligne, même un forum que l'on croit privé et protégé, les implications légales ne sont pas les mêmes que lors d'une conversation en personne », explique Me David Fraser, avocat spécialisé en droit de l'Internet, de la technologie et de la protection de la vie privée chez McInnes Cooper, à Halifax. « Dès que vous cliquez sur “Envoyer”, le monde entier peut lire la question ou le commentaire que vous avez publié et vous en perdez tout le contrôle. »
Sur Internet, « la confidentialité n'existe pas », explique Me Kirsten Thompson, conseillère juridique du groupe national du droit de la technologie de McCarthy Tétrault. « Comme tout ce qui se retrouve sur le Web peut devenir public, vous devez tenir pour acquis que ce sera le cas pour toutes vos communications électroniques et agir en conséquence. Autrement dit, l'avocat qui navigue sur le Web continue de porter la toge, même sur ses comptes Facebook et Twitter personnels. »
Voici comment les choses peuvent se corser davantage : « Le simple fait qu'Internet soit une nouvelle technologie ne signifie pas que de nouvelles règles s'appliquent à son utilisation par les avocats », ajoute Me Fraser. « En fait, les codes de conduite et de déontologie de longue date prévalent toujours. »
Cela est assurément le cas en Ontario.
« Les avocats doivent respecter des normes de conduite, notamment en ce qui concerne le professionnalisme, l'éthique et la confidentialité, lorsqu'ils communiquent à l'aide d'un médium, y compris le Web », renchérit Me Zeynep Onen, directrice de la réglementation professionnelle au Barreau du Haut-Canada (BHC). « Les avocats ont un devoir légal et professionnel de protéger, et donc de ne pas divulguer, les renseignements privilégiés et les communications confidentielles, ainsi que les autres renseignements personnels d'un client. »
Compte tenu des incertitudes entourant le travail sur le Web, particulièrement pour les avocats plus âgés et moins à l'aise avec ce médium que leurs jeunes collègues, certains avocats se retrouvent à enfreindre le Code de déontologie du BHC.
Le BHC reçoit des plaintes concernant des sites Web ou des communications électroniques d'avocats, mais Me Onen n'a pas voulu discuter de cas particuliers.
« Dans certains cas, ces plaintes concernent la courtoisie. Dans d'autres, elles sont relatives à de la publicité que le plaignant perçoit comme étant trompeuse ou constituant un écart de professionnalisme. Le BHC a aussi reçu des plaintes concernant des renseignements confidentiels ayant été publiés sur le site Web d'un avocat. »
Le BHC traite la plupart des cas d'erreurs commises en ligne sans avoir recours à des mesures disciplinaires formelles, explique Me Onen.
« Lorsque le problème est grave ou si l'avocat agréé n'apprécie pas la manière dont le BHC traite le problème de conduite, nous pourrions aller jusqu'à prendre des mesures disciplinaires formelles. »
Me Amber a volontairement informé le Barreau du Haut-Canada de son erreur. Le groupe de trois experts examinant son cas au BHC l'a réprimandé pour sa « terrible erreur » et lui a imposé une amende de 7 205 $, laquelle couvrait les coûts liés à son audience. Il ne l'a pas condamné à la suspension de deux mois demandée par la procureure du Barreau, Me Suzanne Jarvie, qui avait elle-même souligné le fait que Me Amber avait plaidé coupable et tenté de faire amende honorable. En fait, la décision du groupe d'experts s'inscrivait dans les termes de la pénalité demandée par le conseiller juridique de Me Amber, Me Micheal Johnston, car Me Amber ne voulait pas que les membres du Barreau aient à payer pour son audience.
La règle générale à suivre est la suivante : s'il y a le moindre risque d'enfreindre la confidentialité des renseignements d'un client ou tout autre aspect d'un code de déontologie que vous devez respecter, abstenez-vous de publier quoi que ce soit.
« De plus, n'oubliez pas d'être prudent sur Twitter », recommande Me Thompson. « La limite de 140 caractères par tweet en fait un mauvais médium pour les communications à caractère juridique. »
En résumé : « Lorsque vous publiez quelque chose sur Internet, vous devez tenir pour acquis que cette publication y restera pour toujours », conclut Me Fraser. « C'est pourquoi vous devez suivre votre code de déontologie à la lettre. S'il y a le moindre risque qu'une publication l'enfreigne, y compris pour des raisons de conflit d'intérêts, ne la publiez pas! »
James Careless est un journaliste pigiste.