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Congé de maternité et condition parentale : pour une vision à long terme

11 juin 2015 | Valerie Mutton

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Les mamans avocates en pratique privée — celles qui tiennent en équilibre interrogatoires et services de garde, réunions d’associés et rencontres parents-professeurs — ont de quoi célébrer. Apprendre à jongler avec toutes ces tâches peut être un défi solitaire, un défi qui pousse d’ailleurs plusieurs d’entre elles à changer de carrière.

Mais un rapport du Barreau du Haut-Canada sur le maintien des avocates en pratique privée annonce un soulagement sous la forme de recommandations concrètes pour aider les femmes à gérer les rôles exigeants de parent et de juriste. Ces recommandations innovatrices, élaborées par un groupe de travail du Barreau et publiées en mai 2008, proposent d’aider les grands cabinets à adopter des programmes pour le maintien et l’avancement des femmes, de développer un répertoire de suppléants pour aider les femmes à maintenir leur pratique durant leur congé, de créer un programme pilote de prestations de congé parental de 3000 $ pour trois mois, et d’offrir des ressources en ligne et des conseils en gestion de la pratique et en perfectionnement professionnel.

Claire Wilkinson, avocate chez Martin & Hillyer à Burlington, en Ontario, et mère de deux garçons et d’une fille, accueille très favorablement ce rapport. Elle approuve tout particulièrement l’idée des prestations de congé parental, qui complèteraient ainsi les prestations actuelles des mères travaillant dans de petits cabinets qui n’offrent pas de prestations complémentaires maison. « Je n’ai pris que quatre mois pour chacun de mes trois congés de maternité », dit-elle, précisant que sa charge de travail ne lui permettait pas d’en prendre plus. « Mais en plus, il y avait un coût financier certain à prendre ces congés de maternité, surtout mon dernier congé, en 2004, lorsque j’étais à mon propre compte », ajoute-t-elle. « Je devais continuer de payer les frais généraux de mon bureau, comme le loyer, les dépenses communes et le salaire de mes deux employés à temps plein pour toute la période de mon congé. »

Kristen Bucci, avocate chez Buset & Partners s.r.l., un petit cabinet de Thunder Bay, se rappelle avoir eu à prendre part à une audience alors que son premier enfant n’avait que trois semaines. « Elle était allaitée, alors je l’allaitais avant l’audience et à l’heure du dîner. »

Ancienne présidente de son association d’avocats et d’avocates locale et aujourd’hui membre de la CDLPA (County and District Law Presidents’ Association), Mme Bucci a contribué à la rédaction de la réponse de la CDLPA aux recommandations du Barreau concernant le maintien des femmes. Elle qualifie ces recommandations d’excellentes et a bon espoir qu’une fois mises en œuvre, elles aideront les jeunes mères à prendre le temps dont elles ont besoin pour créer l’attachement avec leur enfant.

Elle dit avec une pointe de regret : « Si le Barreau m’avait offert 3000 $ par mois pour trois mois de congé de maternité, je les aurais pris. » La mise sur pied d’un répertoire de suppléants pourrait aussi être extrêmement utile, ajoute-t-elle — si l’initiative peut attirer le nombre important d’avocats et d’avocates nécessaire à son succès.

Un équilibre délicat

Quel que soit le genre d’aide offerte au travail, les stratégies personnelles sont primordiales pour l’équilibre travail-famille. Claire Wilkinson offre ce conseil pour les jeunes mamans avocates : « Je donne à mes techniciens une énorme quantité de responsabilités, mais je les supervise », explique-t-elle. « La délégation de responsabilités est un bon moyen d’étendre votre portée. » Et ne paniquez pas en pensant à la quantité de travail à faire. « Pour me permettre de garder le contrôle sur mon travail, j’évitais d’exiger de moi-même la perfection. »

Le rapport du Barreau ne porte pas seulement sur les inquiétudes des femmes exerçant à leur propre compte ou dans de petits cabinets. Les recommandations du groupe de travail reconnaissent aussi la nécessité pour les grands cabinets d’adopter des programmes visant le maintien et l’avancement des femmes. (Le projet pilote de trois ans intitulé « laboratoire Justicia » est un tel programme qui, depuis la publication du rapport, a reçu l’appui de 40 cabinets d’avocats en Ontario.)

Kirby Chown, associée directrice régionale de l’Ontario chez McCarthy Tétrault à Toronto, approuve cette orientation. Elle considère que les grands cabinets pourraient faire beaucoup plus pour soutenir les jeunes mères. Dans son cabinet, dit-elle, une future mère est associée à une « accompagnante », une avocate d’expérience au sein du même groupe qui peut agir comme mentor. Mme Chown se dit particulièrement fière d’une initiative récente, celle d’offrir six heures de consultation sur les questions de conciliation travail-vie privée qui se posent lorsqu’une carrière en pleine ascension est combinée à la maternité. Une personne formée en thérapie familiale et qui a une bonne connaissance de la culture des cabinets d’avocats a été embauchée pour mettre sur pied ce programme.

Les recherches du groupe de travail du Barreau ont montré que les cabinets d’avocats ont du mal à maintenir leurs employées, pour plusieurs raisons. L’une de ces raisons revient constamment : plusieurs avocates quittent leur poste après avoir conclu qu’il n’était pas possible, en pratique privée, d’avoir une carrière juridique productive tout en étant une mère dévouée.

Mais si l’industrie a mis du temps à réagir à ce problème, ce n’est certes pas en raison d’un manque d’outils disponibles, affirme Deborah Epstein Henry, conseillère auprès des cabinets d’avocats et présidente fondatrice de Flex-Time Lawyers LLC. Mme Henry propose à l’industrie de profiter davantage des outils culturels et pas seulement des outils institutionnels. Les cercles de mentorat, par exemple, où des groupes de huit à quinze femmes se rencontrent sur une base régulière, peuvent fournir une aide indispensable. « Il y a plus de chances d’établir un rapport personnel, et une plus grande continuité dans la relation », dit-elle.

Selon Mme Henry, les avocates peuvent aussi provoquer des changements en choisissant des cabinets qui répondent à leurs besoins. Un guide qu’elle a rédigé pour aider les étudiantes en droit à relever ce défi est maintenant utilisé par les cabinets qui désirent motiver et maintenir leurs avocates.

Mme Chown, pour sa part, déclare qu’elle aimerait voir plus de cabinets d’avocats faire preuve d’une vision à long terme sur les questions touchant le congé de maternité et la condition parentale. « Si une femme prend deux ou trois ans de plus à devenir associée parce qu’elle est une mère, sur une carrière de vingt-cinq ans, ce n’est vraiment pas une quantité de temps très importante, et les cabinets d’avocats devraient être plus conciliants. »

L’enjeu est trop grand pour que les femmes voulant faire carrière en pratique privée cèdent à la pression sociale les incitant à être moins ambitieuses, selon Mme Chown. « C’est important que les femmes sachent qu’il est possible d’être une mère tout en aimant son travail. »

Valerie Mutton est rédactrice indépendante.