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Les mandats à portée limitée sont présentés comme un moyen de favoriser l’accès à la justice tout en élargissant la clientèle des avocats, mais certains juristes se montrent sceptiques.
Aussi appelés services juridiques dégroupés, les mandats à portée limitée permettent de fournir des services limités à un client, c’est-à-dire de ne le représenter que pour une partie d’un dossier. Un avocat pourrait par exemple rédiger des plaidoiries pour son client sans toutefois le défendre en cour.
Ken Walker, président de la Law Society of British Columbia, compare cela à la sous-traitance en construction : « On fait appel à vous non pour bâtir la maison entière, mais uniquement pour installer l’électricité ou encore les cloisons sèches. »
M. Walker, qui pratique à Kamloops, en Colombie-Britannique, raconte qu’il a offert des services dégroupés par le passé, notamment dans une affaire de juridiction provinciale où on lui a demandé de ne présenter que l’exposé introductif.
« Je pense qu’il y a là l’occasion pour les juristes de non seulement faire de l’argent, mais aussi d’aider des gens qui ne pourraient pas autrement se payer leurs services », argumente-t-il.
Lorne Sossin, doyen de l’Osgoode Hall Law School, est d’avis qu’un des grands avantages des services dégroupés est que plus de clients peuvent se les permettre.
« Ces services permettent à plus de clients d’avoir accès à plus de services auprès d’un bassin élargi d’avocats, et ainsi de choisir les services dont ils ont vraiment besoin en fonction de ce qu’ils peuvent payer, explique M. Sossin. Par exemple, certains requièrent surtout des conseils ou de l’aide pour préparer leurs arguments, tandis que d’autres ont besoin qu’on les aide à présenter leurs arguments. »
Jamie Maclaren, directeur général de l’organisation vancouvéroise Access Pro Bono, est aussi d’avis que le principal avantage des mandats à portée limitée pour les clients est le rapport coût-efficacité.
« Si un client impliqué dans un litige peut embaucher un avocat pour en régler seulement une partie, il en ressortira gagnant, déclare-t-il. En outre, il aura la tranquillité d’esprit d’être conseillé par un professionnel et de se savoir sur la bonne voie. »
M. Sossin loue aussi les services dégroupés pour leur transparence.
« Ces mandats favorisent la transparence. Ils clarifient les diverses étapes d’une procédure judiciaire, ainsi que ce qui entre en jeu lors de chacune, les attentes du client envers l’avocat, et les limites de ce que celui-ci peut faire. » Il ajoute qu’ils sont souvent facturés selon un prix fixe, plutôt qu’à l’heure.
« Je pense que le groupe qui en profitera le plus, c’est la classe moyenne – dont beaucoup de membres disposent d’un budget limité pour des services juridiques. »
M. Maclaren, ardent défenseur de l’accès à la justice, dit avoir généralement une opinion très positive des services dégroupés, mais reconnaît toutefois qu’ils peuvent « très bien paraître en théorie, mais être plus difficiles à mettre en pratique ».
« Il peut être difficile de prendre en charge un dossier au beau milieu d’une affaire, car il faut s’informer de tout ce qui s’est passé depuis le début des procédures, observe-t-il. Sans compter qu’il peut être ardu de boucler le dossier alors que le litige est loin d’être réglé. »
Beaucoup d’avocats s’inquiètent aussi de leur part de responsabilité.
Selon M. Sossin, « les clients pourraient croire l’avocat responsable de toutes les facettes du dossier, même si son rôle a été clairement défini. Comment dire non s’ils demandent conseil sur un point hors mandat? »
MM. Walker et Sossin s’accordent pour dire qu’afin d’éviter de tels problèmes, le mieux est de s’entendre sur la portée de ses services avec son client.
« Le client doit savoir exactement ce pour quoi il vous a engagé, prévient M. Walker. Dans mon bilan, j’explique exactement ce que j’ai fait, ce que je ne ferai pas et ce qu’il aura à faire lui-même. Cela limite ma responsabilité tout en lui indiquant clairement à quoi s’attendre. »
« Il faut être prévoyant : préparer une lettre qui énonce la portée du mandat et en discuter en termes clairs avec le client, ajoute M. Sossin. Cela sert à protéger les clients, mais surtout, à expliciter leurs attentes envers nous. La jurisprudence montre bien qu’en cas d’ambiguïté ou d’affirmations contradictoires quant à la portée du mandat d’un juriste, et en l’absence de preuve écrite, c’est au client qu’est accordé le bénéfice du doute. »
Voilà pourquoi certaines autorités de réglementation canadiennes ont établi des lignes directrices sur les services dégroupés.
Le Barreau du Haut-Canada a modifié ses règles en 2011 dans le but d’éclairer les juristes à ce sujet.
« En reconnaissant explicitement l’option, les règles la légitiment tout en ouvrant la porte à plus d’expérimentation autour des modèles de mandats à portée limitée », relate M. Sossin. Il indique toutefois qu’il reste encore à prouver si les modifications sont « efficaces et suffisantes ».
Afin qu’il soit plus facile d’offrir des services dégroupés, la Law Society of British Columbia a retouché son code de déontologie en 2013, clarifiant les étapes à suivre pour limiter sa responsabilité et éviter d’autres problèmes potentiels.
Conseiller de la Law Society of B.C., M. Maclaren voit cette avancée d’un très bon œil.
« Je pense que nous, juristes qui nous préoccupons de l’accès à la justice et aux services juridiques, nourrissions beaucoup d’espoirs quant aux effets positifs de ces changements sur ce plan », soutient-il.
Il admet toutefois que les effets n’ont pas eu toute l’envergure escomptée.
« Nous espérions tout spécialement voir les services dégroupés offerts plus souvent en droit de la famille, afin que les gens puissent choisir parmi un plus grand nombre d’options abordables. Cela ne s’est pas concrétisé à la hauteur de nos espoirs. »
M. Maclaren demeure tout de même optimiste quant à l’avenir des mandats à portée limitée.
« Je pense que nous saurons venir à bout des réserves, principalement par la sensibilisation, l’éducation et la formation sur le recours approprié et efficace à ce type de mandat », conclut-il.
Ancienne journaliste, Carolynne Burkholder-James est avocate adjointe à Heather Sadler Jenkins LLP, à Prince George, en Colombie-Britannique, et contribue régulièrement à EnPratique de l’ABC.