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Juristes et artistes

01 septembre 2013 | Becky Rynor

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Un antistress, une passion, un exutoire créatif, et parfois même un miroir de la profession juridique : voilà ce que pensent de la musique les membres des Soul Practitioners, un groupe essentiellement composé de juristes qui se transforment en crooners et en rockers dès qu’ils ont une chance de faire concorder leurs horaires chargés.

« C’est ma façon de garder un certain équilibre mental », déclare Sean McGee, un avocat de 55 ans spécialisé en droit de l’emploi et du travail. Me McGee est le chef de facto du groupe, son claviériste et aussi son technicien. « J’adore l’exercice du droit, mais j’adore tout autant le côté créatif de la musique. »

Il y a sept ans, Me McGee et l’un de ses collègues du cabinet d’avocats Nelligan O’Brien Payne, à Ottawa, ont lancé un appel pour la formation d’un groupe de musique à l’occasion d’un évènement de bienfaisance. Me McGee a été surpris par le nombre de musiciens qui n’attendaient que cette occasion pour sortir du placard et échanger leurs dossiers juridiques contre leur instrument de musique.

Aujourd’hui âgée de 31 ans, Erin Callery était stagiaire lorsque l’appel aux chanteurs et aux musiciens a été lancé.

« C’est amusant de faire quelque chose de moins sérieux et qui permet de véritablement socialiser avec ses pairs », dit-elle. « Du point de vue plus large de la communauté juridique, c’est assez chouette de découvrir les talents cachés de ses collègues. »

Selon elle, le fait de chanter avec les Soul Practitioners lui a permis d’affiner ses habiletés juridiques.

« Avoir le courage de monter sur scène dans le cadre d’un concert ou d’une audience, de se tenir devant un juge et un jury, demande un certain degré de confiance en soi. La musique m’aide à gagner en confiance dans les deux sphères. »

« En litige, il faut être capable de penser de manière multidimensionnelle et de réagir aux évènements à mesure qu’ils surviennent », renchérit Me McGee. « Il y a beaucoup d’éléments communs entre le travail du plaideur en cour et celui du musicien sur scène. Le droit comporte aussi un côté créatif qui échappe à la plupart des gens. »

« Dans un groupe, le travail d’équipe est primordial », souligne Steve Waller, 61 ans, avocat spécialisé en droit du travail et batteur du groupe. « Le groupe ne sonne vraiment bien que si tout le monde s’accorde. Et il faut être attentif à ce que font les autres. Si quelqu’un chante un passage plus doux, vous devez réduire aussi votre volume. En droit, dans plusieurs dossiers, en particulier les gros dossiers, vous devez aussi travailler en équipe. Ce n’est qu’un point commun parmi d’autres. »

L’exercice du droit du travail l’amène en outre devant plusieurs tribunaux qui, note-t-il, nécessitent chacun un certain niveau d’habiletés en représentation.

Et il n’y a rien comme jouer de la musique pour évacuer le stress du travail.

« Pour moi, rien n’égale une bonne représentation en public, ou même une bonne répétition, pour rester sain d’esprit et prendre du recul. »

Me Waller joue dans trois groupes, dont les Soul Practitioners. Dans sa jeunesse, il avait envisagé de devenir rocker professionnel. Il jouait alors dans le groupe Air, qui a déjà partagé l’affiche avec la future légende du rock Rush.

« J’ai été tenté d’interrompre mon baccalauréat pour jouer à temps plein dans un groupe, et je suis passé à deux doigts de le faire », se rappelle-t-il. « Mais la plupart des groupes ne font pas tellement d’argent, et ils se séparent au bout d’un moment. Mon plan avait toujours été de recevoir une formation universitaire. Puis, lorsque j’ai regardé le calendrier du groupe avec lequel je me serais retrouvé, je me suis dit : “Je ne veux pas vraiment faire ça.” »

Les autres membres des Soul Practitioners sont Ray Murray, saxophoniste et choriste, deux fois sélectionné pour un prix Juno; le bassiste et guitariste Julian Walker, ancien employé de Nelligan, aujourd’hui à la Bibliothèque du Parlement; l’avocate Leanne Storms, choriste; et le pneumologue Steve Pritchett, le seul non-juriste du groupe. Le groupe joue un mélange de soul, de rhythm and blues, de rock urbain et de pop. Le plus grand défi demeure de trouver du temps dans l’horaire de tout le monde pour répéter et donner des concerts.

Selon Steve Waller, cela vaut la peine de garder un pied dans chaque monde, tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.

Il raconte qu’il a été impliqué une fois dans un litige entre deux syndicats et que le dirigeant du syndicat adverse avait tenté de disqualifier la représentation de Me Waller en soutenant que l’avocat n’avait aucune idée de ce que c’était que d’être un syndiqué.

« Il prétendait que mes arguments devaient être ignorés pour cette raison », raconte Me Waller. « J’ai alors sorti de mon portefeuille ma carte de membre du syndicat des musiciens et je la lui ai glissée sous le nez. Il y a eu une longue pause… C’était assez comique en fait. »

Erin Callery travaille maintenant pour un cabinet concurrent, Gowlings, mais elle chante toujours au sein des Soul Practitioners. Elle dit que la perspective de rencontrer les autres membres du groupe en salle d’audience ne l’embarrasse pas du tout.

« Toute activité qui contribue à développer la courtoisie dans la profession est une bonne chose », dit-elle. Pour Me Callery, il y a des avantages à se rencontrer dans les deux contextes.

« C’est une occasion de faire quelque chose d’amusant avec ses collègues, alors qu’une grande partie de notre travail est plutôt sérieux et nous demande de nous donner un air sévère et d’agir comme si nous étions des durs. La musique nous donne un côté plus doux », explique-t-elle. « C’est aussi une activité très plaisante qui vous donne la chance de mettre en valeur d’autres habiletés et d’autres talents que celui d’argumenter et de défendre vos clients. »

Sean McGee apprécie aussi les concerts pour les opportunités qu’ils offrent en matière de relations avec la communauté.

« C’est le genre d’activité où l’on peut faire ce que l’on aime tout en aidant les gens », dit-il. « C’est formidable. »

Et il n’y a aucun signe de ralentissement, ni juridiquement ni musicalement, du moins en ce qui concerne Steve Waller.

« Ma philosophie est que je n’ai qu’à observer les Rolling Stones. Ils ont environ dix ans de plus que moi. Alors tant qu’ils sont actifs, j’ai encore dix années devant moi. »

Becky Rynor est journaliste indépendante à Ottawa.