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Michael Bell, un avocat d’Ottawa spécialisé en droit de l’immigration, a cet avertissement pour ses collègues exerçant seuls ou en petit cabinet : « Si vous ne prenez pas de vacances, vous deviendrez fou, ou vous déprimerez, ou vous vous épuiserez — ou tout cela à la fois. »
Me Bell, fraîchement revenu d’un séjour de deux semaines à Beijing, Singapour, Hong Kong et Macao, admet qu’il lui a fallu plusieurs années avant de comprendre que les vacances et les temps d’arrêt n’étaient pas négociables.
« Maintenant, je cherche une période libre au moins six mois à l’avance », confie Michael Bell, 55 ans. « J’essaie de partir une semaine, quatre fois par année. Si mon vol dure plus de dix heures, je prends plus de deux semaines de congé et je réserve les week-ends à chaque bout pour étirer les vacances. Je planifie tout le voyage pour ne pas être épuisé à mon retour. »
Me Bell ne répond pas aux courriels pendant son absence — « ça me rendait trop nerveux » — et il ne voit aucun client le premier jour de son retour au travail, afin de lui permettre de faire du rattrapage.
Tout cela a l’air fantastique, en théorie. Mais en pratique, comment s’y prend-on — surtout lorsqu’on exerce seul ou en petit cabinet?
Pour Paul Allyjan, il s’agit d’une question de planification, même s’il reconnaît qu’il lui a fallu presque cinq ans avant d’être capable de partir l’esprit tranquille de son cabinet occupé de droit de la famille à Calgary.
« Le niveau d’émotivité est probablement beaucoup plus élevé en droit de la famille que dans n’importe quel autre domaine juridique », affirme Me Allyjan, 37 ans. « Les clients sont difficiles, parce qu’il s’agit de leur vie. Et s’il s’agit de leurs enfants, ils sont prêts à se battre bec et ongles. »
Au début, Paul Allyjan prenait une semaine de vacances, cinq fois par année, mais ce n’était pas suffisant pour « recharger ses piles ».
« Le plus important, comme toujours en droit, c’est de prévenir tout le monde », conseille-t-il à propos de la planification des vacances. « Vous écrivez une lettre dans laquelle vous dites que vous ne serez pas disponible de telle date à telle date, veuillez ne pas présenter de demande, etc., et vous la télécopiez à tout le monde. Je laisse ensuite à mon assistante une liste d’avocats qu’elle peut contacter si jamais quelqu’un quitte les rails. On ne peut jamais se protéger de tout, mais si je peux compter sur l’aide de personnes de confiance, compétentes et capables, et qu’il arrive quelque chose, mon assistante pourra les contacter. »
Paul Allyjan recommande également aux avocats de surveiller les périodes durant lesquelles leur domaine de pratique a l’habitude de ralentir.
« Entre avocats de droit de la famille à Calgary, on dit souvent à la blague qu’il existe trois saisons très occupées : la saison des droits de visite d’avant Noël, la saison des droits de visite d’avant l’été, et la saison des divorces après le Stampede », dit-il. « Si vous connaissez les cycles de votre domaine de pratique, si vous savez quand ça monte et quand ça descend, il ne vous reste plus qu’à planifier en conséquence. Réservez vos journées de congé le plus tôt possible, et défendez ce bloc de temps avec obstination. Si quelqu’un propose une conférence téléphonique, vous répondez : “Non, je ne suis pas disponible.” »
Avocate d’Ottawa spécialisée en droit de l’immigration, Laura Setzer, 48 ans, sait que les temps d’arrêt sont cruciaux, surtout depuis qu’elle est mère de trois jeunes enfants. Mais pour une avocate indépendante, leur mise en pratique peut s’avérer difficile.
« J’ai travaillé pendant mes vacances », avoue-t-elle. « J’ai dû demander qu’on me transfère des dossiers entiers, et j’ai dû arrêter mes vacances et travailler, parce que je ne pouvais pas faire autrement. Si vous êtes en congé pour trois semaines et que quelque chose se présente qui doit être réglé dans deux semaines, que pouvez-vous faire? »
Me Setzer a le sentiment que les nouveaux avocats en particulier craignent que le travail ne soit pas fait, ou que personne ne garde la boutique pendant leur absence. D’autres ne cessent jamais de pédaler, parce qu’ils ne peuvent pas se le permettre.
« Nous n’avons pas de congés payés », reconnaît Laura Setzer. « Mais il faut serrer les dents et comprendre qu’il est plus important de prendre un temps d’arrêt que de gagner cet argent quand il s’agit de prendre soin de soi-même à long terme. »
Et si vous ne pouvez pas vous désengager complètement, mettez sur pied un système d’entraide.
« Tout d’abord, vous prenez des arrangements avec quelqu’un qui supervisera vos affaires pendant votre absence et qui pourra porter certaines choses à votre attention : une assistante ou une collègue qui ouvrira votre courrier et vous écrira sur une base régulière pour vous mettre au courant. Ensuite, vous rendez le même service à cette personne. On ne peut tout simplement pas partir complètement. Je ne crois pas que ce soit possible. »
Peter Edelmann, un avocat de Vancouver, se rappelle avoir eu à tout mettre en plan pendant un congé prolongé au Pakistan.
« Mon client était sur le point d’être déporté et il fallait déposer une demande de sursis. Je me souviens l’avoir fait à partir de Karachi sur une connexion Internet très inconstante. »
Aujourd’hui, à 41 ans et avec quelques années d’expérience à son actif, il ne veut plus se mettre dans ce genre de situation.
« Si des personnes sont arrêtées ou déportées et qu’il faut traiter le dossier d’urgence, la façon de faire pour un avocat indépendant, c’est de se reposer sur un réseau de pairs en mesure de se charger de ce genre de chose. »
Me Edelmann travaille désormais dans un petit cabinet qui a réglé le problème des vacances en fermant complètement ses bureaux pendant les périodes d’accalmie prévisibles du calendrier juridique : une semaine en août, et une autre entre Noël et le jour de l’an.
Une autre option : embaucher un suppléant ou une suppléante, c’est-à-dire une personne à forfait qui s’installera dans votre bureau et gérera vos dossiers pendant votre absence.
À la suite de son enquête sur la rétention des femmes en pratique privée, le Barreau du Haut-Canada a mis sur pied en 2009 un répertoire d’avocats et de parajuristes contractuels.
« Nous avions constaté qu’il était particulièrement difficile pour les juristes indépendants et en petits cabinets de prendre des congés parentaux, que ce soit pour des raisons financières ou par crainte de prendre sa clientèle », explique Josée Bouchard, conseillère principale en matière d’équité au Barreau du Haut-Canada. « Nous nous sommes dit qu’il faudrait des avocats et des parajuristes disponibles pour fournir des services sur de courtes périodes. Mais le programme n’est pas réservé aux congés parentaux. Si quelqu’un décide par exemple de prendre un congé de six mois pour poursuivre ses études, il a accès à notre répertoire. Ou si quelqu’un décide de partir en vacances pendant quatre semaines et qu’il a besoin d’une personne pour garder ses dossiers à jour, il peut embaucher un de nos contractuels. »
On peut trouver des suppléants et des contractuels par l’intermédiaire du site Web de certains barreaux provinciaux, de collègues, de publications spécialisées et d’annuaires juridiques.
Mais répétons-le, savoir prendre des vacances, c’est d’abord s’engager, insiste Laura Setzer. Il faut s’engager à prendre un temps d’arrêt, puis, dit-elle à la blague, « comme n’importe qui, vous travaillez comme une bête jusqu’à vos vacances, et au bout du compte vous vous dites : “Mais pourquoi ces vacances? Ça va me tuer!” »
Becky Rynor est journaliste indépendante à Ottawa.