Le bureau national de l'ABC sera fermé du 23 décembre 2025 au 1er janvier 2026 (inclusivement), et reprendra ses activités le 2 janvier 2026.

Skip to main content

Bâtir un environnement de travail plus sain

01 avril 2014 | Becky Rynor

**Avertissement** : Veuillez noter que vous consultez un contenu ayant été archivé. Cette page se trouve parmi nos anciennes archives et ne fait plus l’objet d’une actualisation. Les renseignements qu’elle contient ne sont peut-être pas représentatifs des données courantes ou des plus récents développements. Nous vous remercions de votre compréhension.

Lisa Vogt appelle cela la « dernière frontière » de la profession juridique : le soutien aux avocats et aux membres du personnel aux prises avec des situations de stress ou une maladie mentale.

« Les handicaps constituent l’un des domaines où les cabinets ont fait peu de progrès et les maladies mentales y occupent une bonne place », affirme Me Vogt, avocate en droit immobilier et associée chez McCarthy Tétrault.

« Le stress et la dépression sont des problèmes très fréquents au sein de la profession juridique. Mais quels soutiens pouvez-vous offrir, une fois que vous avez reconnu ce fait? »

Lisa Vogt est chef de la diversité et de la mobilisation chez McCarthy Tétrault, un poste qu’elle qualifie d’unique parmi les cabinets juridiques au Canada, puisqu’il est occupé par une associée à part entière faisant partie de l’équipe dirigeante. « La direction ne fait pas qu’appuyer l’idée, elle se l’approprie ».

Selon Doron Gold, un avocat devenu psychothérapeute, le meilleur changement qu’un cabinet peut introduire est de créer un environnement de travail sain et respectueux.

« Or, il existe au sein de la profession juridique beaucoup de personnes maltraitées par leurs supérieurs, soit parce qu’on leur confie un volume de travail trop grand, soit tout simplement parce qu’on leur manque de respect. Qu’est-ce qu’il faut faire dans une telle situation? Faut-il en parler à d’autres associés? » Eh bien non, affirme Me Gold, spécialiste en counseling auprès des avocats, des étudiants en droit, des juges et autres professionnels, et dont l’expertise est reconnue par le Barreau du Haut-Canada et par l'Ordre des travailleurs sociaux et des techniciens en travail social de l'Ontario.

Certains cabinets essaieront de créer une ambiance collégiale, en offrant des boissons le jeudi soir aux associés, ou en proposant des matches de baseball – « les choses habituelles », observe Me Vogt – mais ça ne fonctionne pas si ce n’est pas sincère.

« Si l’ambiance dans vos bureaux est pourrie, vos soirées vins et fromages ne seront pas perçues comme un geste de bonne foi. Ce n’est vraiment pas un événement pour les employés, mais plutôt pour le cabinet et vous devez y assister. »

Selon Me Vogt, McCarthy Tétrault offre du soutien par exemple en organisant des déjeuners-causeries sur les questions de santé, offre des programmes de mieux-être ainsi que divers avantages sociaux. Le cabinet paie le différentiel pour les congés de soins de compassion, les frais d'adhésion à un centre de conditionnement physique et offre au personnel trois mois sabbatiques intégralement payés à la fin d’une période de sept ans de service. En plus, les membres du personnel de chaque bureau régional ont accès à un psychologue sous contrat qu’ils peuvent consulter en toute discrétion.

« Les gens n’aiment pas avouer à leurs collègues qu’ils consultent un psychologue, car cela donne l’impression qu’ils ne sont pas intégrés à l’équipe ou qu’ils ne sont pas à la hauteur », déclare Me Vogt.

Selon Me Gold, les grands cabinets juridiques présentent un ensemble unique de facteurs de stress – par exemple les contraintes excessives liées à la facturation à l’heure imposées aux jeunes associés – dont toute initiative de changement de culture devrait tenir compte.

Pour certains avocats, cela ne présente aucun problème. Il y en a même qui adorent chaque minute de travail. Cependant, pour d’autres, il s’agit de quatre-vingts heures de travail chaque semaine, des week-ends occupés, des appels des clients à n’importe quelle heure de la nuit et des supérieurs qui trouvent que c’est la nature du travail.

Même si les contraintes de temps constituent peut-être les principaux facteurs de stress dans les grands cabinets, elles ne sont pas les seules coupables. Parfois, atteindre ce qui a été vanté comme le sommet d’une carrière et se rendre compte que la réalité ne ressemble pas du tout à la fiction peut en soi provoquer un bouleversement personnel.

« Que se passe-t-il si l’on ne supporte pas la corvée, le domaine du droit exercé, ou les collègues? », demande Me Gold. « Que se passe-t-il si l’on se sent plus comme un rouage dans la machine – pas assez libre, surtout au début d’une carrière? Que se passe-t-il si l’on veut devenir un jour associé et que rien n’est moins sûr? »

Lorsqu’il a pris la relève de son père chez Gluckstein Personal Injury Lawyers, à Toronto, il y a 11 ans, Charles Gluckstein voulait développer ce qui était déjà un « sentiment familial ». Il aime diriger par l’exemple, que ce soit en assistant à la séance de yoga hebdomadaire avec sa femme, en se rendant au travail en courant ou, à l’occasion, en amenant son chien au bureau.

« Le chien fait le tour du bureau, déclenche un sourire sur les visages de tout le monde et nous rappelle que nous sommes tous des humains », dit Me Gluckstein. « Nous organisons tout au long de l’année des séances où, avec l’aide d’un modérateur, nous procédons par exemple à l’évaluation de nos types de comportement, ce qui nous permet d’en apprendre davantage les uns sur les autres. Nous essayons de tirer le meilleur et de favoriser l’épanouissement de chacun. »

Il fait remarquer que son cabinet essaie également d’encourager les valeurs familiales en accommodant les obligations familiales, par exemple en permettant le décalage des horaires, et que c’est dans cette optique qu’un bureau satellite a été ouvert à Niagara dans le but d’accommoder les employés qui faisaient la navette tous les jours. Le cabinet a aussi organisé une conférence annuelle sur la fatigue de compassion (ce qu'on appelle en anglais la « compassion fatigue »).

« Puisque notre cabinet est spécialisé dans les blessures personnelles, nous avons affaire avec des gens qui ont connu beaucoup de traumatismes et avec des travailleurs ou des familles dont des proches ont souffert de traumatisme. La fatigue de compassion est un syndrome qui se développe après une longue période de compassion. C’est comme un accident sur le lieu de travail », affirme-t-il. « Ils doivent apprendre les stratégies d’adaptation qui leur permettent de retrouver leur énergie. »

Pour Me Gluckstein, il n’existe pas mieux qu’une journée au spa pour se débarrasser du stress accumulé au travail.

« Chaque année, nous organisons une retraite pour remercier notre personnel. Ce n’est pas une réunion des associés : les 30 membres de notre personnel se rendent à un spa. Au début, nous tenions des réunions, mais aujourd’hui nous nous en tenons aux activités plaisantes — l’esprit d’équipe, les jeux, une journée au spa et un bon repas ensemble. »

Me Gold souligne qu’une journée au spa est certainement une bonne chose, mais la gentillesse et le respect sont encore plus importants.

« J’ai vu des avocats vivre des situations de violences très graves – et j’utilise le terme “violence” à bon escient, des situations de harcèlement sexuel, des situations horribles – et en ressortir convaincus qu’ils ne sont pas faits pour le métier de juriste, car c’est cela le droit. Ce n’est pas de leur faute. Il s’agit d’un environnement de travail malsain. Les associés eux-mêmes devraient veiller à  être respectueux, à ne pas surcharger outre mesure les membres du personnel, à surveiller la bonne santé de ceux-ci et à mettre en place une politique de porte ouverte. » 

Becky Rynor est journaliste à Ottawa