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Un cabinet juridique bien établi et ancré dans une tradition vestimentaire des plus rigoureuses peut être un lieu très intimidant pour les jeunes juristes désinvoltes, particulièrement pour ceux qui sont habitués à s’habiller comme ils veulent, à exhiber leurs tatouages et leurs perçages corporels, et à ne pas mâcher leurs mots. En fait, cela peut sembler un lieu de travail impossible à intégrer sans se départir de ses propres attitudes et convictions afin de se fondre dans le moule.
Cette perception des cabinets juridiques est un peu vraie, mais n’est pourtant pas nécessaire. « Les jeunes juristes avisés peuvent très bien équilibrer la réussite professionnelle et l’expression personnelle », a déclaré Jordan Brown, jeune juriste dans le cabinet Cox & Palmer à Charlottetown (Î.-P.-É.) et représentant à l’assemblée législative provinciale dans le gouvernement libéral depuis 2015. « Le secret est de trouver le poste au sein du cabinet qui correspond le mieux à votre style ou d’ouvrir votre propre cabinet où vous pourrez décider de tout. »
Et pourtant, les jeunes juristes ne trouveront probablement aucun cabinet qui encourage son personnel à se vêtir à la mode punk rocker. « C’est parce que l’apparence d’un juriste doit correspondre à la notion qu’ont les clients de ce qu’il devrait être, afin de leur inspirer confiance et de les voir revenir », a déclaré Preston Parsons, jeune avocat dans le cabinet Overholt Law à Vancouver (C.-B.). « Vous devez adapter votre apparence compte tenu de cela, tout comme le fait chacune des personnes qui travaillent dans votre cabinet, quel que soit son âge. »
Les cabinets dont le code vestimentaire est fondé sur les attentes raisonnables de leurs clients, plutôt que sur des concepts bornés quant à l’apparence de leur personnel, peuvent offrir à leurs juristes une grande souplesse quant à leur apparence, y compris en acceptant les bijoux corporels à condition qu’ils soient discrets et de bon goût, et même les tatouages. Ce sont les possibles employeurs que les jeunes juristes préoccupés par leur apparence pourraient souhaiter cibler en premier dans le cadre de leur recherche d’emploi.
« Je me souviens que j’ai assisté à une rencontre avec un client et que l’associé pour lequel je travaillais a suggéré que nous portions tous deux des vêtements plus décontractés étant donné que la réunion avait lieu sur un chantier », a déclaré Vivene Salmon, jeune juriste d’entreprise. « Cela allait de soi. Mon conseil : faites comme votre supérieur ou vos collègues un peu plus chevronnés. »
Se doter d’une garde-robe professionnelle habillée, particulièrement une qui reflète un style personnel, peut également s’avérer une dépense considérable pour les jeunes juristes. Cela fait des cabinets dont le code vestimentaire permet des vêtements plus décontractés une option très tentante.
Preston Parsons se souvient d’avoir porté des costumes pas toujours très flatteurs, ainsi que des vêtements professionnels décontractés, qu’il avait portés à la faculté de droit, pendant ses premières années d’exercice, car il n’avait pas les moyens financiers de mettre sa garde-robe à jour rapidement. Il a commencé à porter des complets taillés sur mesure une fois que son salaire lui a permis de le faire. « Le fait de porter un costume taillé sur mesure exprime ce que je suis tout en projetant une meilleure image de professionnalisme que si je m’habillais en prêt-à-porter », a déclaré Me Parsons. « Tout le monde y gagne, mais il a fallu du temps pour que je puisse me le permettre financièrement. »
Il ne fait aucun doute que la tenue professionnelle des femmes tend à faire l’objet d’une attention beaucoup plus soutenue que celle des hommes, même dans notre 21e siècle censé avoir dépassé ce genre de distinction. En particulier, « je pense que les femmes sont jugées beaucoup plus sévèrement lorsqu’elles commettent une “erreur” dans leur choix vestimentaire », a affirmé Me Salmon, même si cette erreur ne relève que de l’opinion d’autrui.
Pour se procurer des conseils vestimentaires correspondant à son propre style et lui donnant confiance en elle, Vivene Salmon se tient au courant des styles portés par les femmes influentes qu’elle respecte. « J’admire Theresa May, la première ministre du Royaume-Uni, Christine Lagarde, la directrice générale du FMI et Mellody Hobson, la présidente d’Ariel Investments », a déclaré Me Salmon. « Ce sont toutes des professionnelles très accomplies qui ont toujours une allure très professionnelle sans se départir de leur sens du style et de leur individualité. »
Les vêtements « différents » et les tatouages et bijoux corporels sont les éléments visuels qui peuvent démarquer les jeunes juristes. Les attitudes envers les relations interpersonnelles et le langage utilisé peuvent également causer des tensions avec leurs aînés au sein du cabinet.
« Mon père me disait toujours : “Tu as deux oreilles pour écouter et une bouche pour parler, fais-en bon usage.” », a déclaré Me Brown. « D’ailleurs, il est tout à fait sensé de bien écouter avant de parler, quel que soit l’âge de votre interlocuteur. Et lorsque vous vous décidez à répondre, faites montre de politesse et de respect, tout en étant direct. Cela convient généralement à toute personne prête à écouter. »
Le langage utilisé par les juristes est très révélateur de leur professionnalisme, quel que soit leur âge. « Ma génération a l’habitude de parler très familièrement », a déclaré Me Parsons. « L’entrée dans la profession juridique exige un style beaucoup plus raffiné et précis. Nous devons donc tenir compte de cette réalité dans notre discours si nous voulons être pris au sérieux. L’avantage, c’est qu’en apprenant à s’exprimer comme le fait un juriste établi vous permet de dire ce que vous voulez dire, tant que vous choisissez vos mots avec soin. »
Même le ton utilisé par les jeunes juristes compte s’ils essaient d’être pris au sérieux par des collègues chevronnés. « L’un de mes mentors juridiques m’a dit un jour : “Vivene, vous être très intelligente, mais vous terminez toujours vos phrases en anglais par ‘like’ ou ‘you know’ et sur un ton interrogatif, comme si vous posiez une question alors que vous faites une affirmation” », a déclaré Me Salmon. « Cela affaiblit l’impact de ce que vous dites. » Pour régler ce problème sans compromettre sa capacité à s’exprimer avec franchise, « j’ai suivi un cours de théâtre, qui s’est révélé un excellent outil pour m’aider à améliorer ma capacité à m’exprimer en public », a-t-elle déclaré.
Ce que déclarent ces trois jeunes juristes prospères, qui siègent tous au Comité exécutif du Forum des jeunes avocats et avocates de l’ABC, prouve qu’il est possible pour les jeunes professionnels de s’intégrer sans pour autant devoir renoncer à eux-mêmes. « Oui, il y a des cabinets juridiques qui n’aiment pas que leurs jeunes collaborateurs fassent montrent de trop d’individualité », a déclaré Jordan Brown. « Mais rien ne vous oblige à travailler pour eux, ou d’ailleurs pour qui que ce soit d’autre que vous-même si c’est ce que vous préférez. Après tout, votre carrière juridique est entre vos seules mains, quel que soit votre âge. Et vous pouvez choisir votre voie dès que vous commencez à chercher votre premier emploi. »
James Careless écrit fréquemment pour EnPratique de l'ABC.