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@cabinets : #que font vos avocats sur Twitter?

17 janvier 2014 | Patrick Bellerose

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Quelques minutes après avoir atterri à Memphis pour une présentation à la maison-mère de Fedex, James Andrews a envoyé ce message sur Twitter : « Confession. J’suis dans une de ces villes où je me dis: ‘Je préfère mourir que de vivre ici!’ » Peu après, Andrews recevait un courriel de la part d’un responsable des communications de Fedex lui rappelant que l’important messager a été fondé à Memphis et que l’entreprise aurait apprécié plus de respect pour sa ville d’origine. Le courriel se terminait sur une pointe de sarcasme : « [...] confession: mes collègues et moi ne voyons pas le rapport entre votre présentation de ce matin et notre travail en communications avec les employés ». Aïe!

Pour ajouter à l’odieux, Andrews n’était pas un novice du système de microblogues, mais un spécialiste des médias sociaux pour une importante entreprise de relations publiques, Ketchum Digital. Inutile de souligner qu’il n’est plus à l’emploi de cette dernière. Alors, si un expert peut commettre une telle bourde, quels risques courent les avocats, pour qui la confiance du client est primordiale?

« Nous avançons dans l’inconnu, admet Andre Mazerolle, responsable du marketing chez Bereskin & Parr à Toronto. D’une part, nous voulons profiter des opportunités que nous offrent les médias sociaux, mais nous voulons aussi éviter que nos collègues se placent dans une situation fâcheuse. »

Son cabinet alimente un fil Twitter depuis moins d’un an et trois employés ont leur propre compte sur lequel ils sont clairement liés à Bereskin & Parr. Une situation ambiguë pour le cabinet. « Nous ne surveillons pas leurs propos et les médias sociaux évoluent si vite que nous n’avons pas le temps de mettre en place une réelle politique pour leur utilisation, dit Mazerolle. Pourtant, c’est comme si on leur avait donné un immense mégaphone. »

Un mégaphone dans un 5 à 7

En effet, un faux pas sur Twitter peut avoir des répercussions beaucoup plus importantes que dans une soirée cocktail. Le principal danger concerne bien entendu les informations des clients. « Dans les grands cabinets, on ne peut pas tout savoir sur tous les clients de l’entreprise. Alors, il faut être extrêmement prudent pour éviter de dévoiler de l’information concurrentielle, dit l’avocat Xavier Beauchamp-Tremblay, spécialisé en litige chez Stikeman Elliott àMontréal.Même une info banale peut donner un indice à des investisseurs ou des compétiteurs sur la stratégie d’une compagnie. »

Malgré tout, Me Beauchamp-Tremblay se permet commentaires et opinions sur son fil Twitter, qu’il tient depuis 2007. « Les gens n’ont pas envie de lire un robot », illustre-t-il.

Autre danger des médias sociaux : la spontanéité. Oubliez l’article réfléchi relu par trois associés ou le communiqué émis par la responsable marketing. « On peut imaginer un avocat qui sort de la cour et qui twitte ses commentaires sur le jugement… ou le juge », dit Dominic Jaar, président de Ledjit, une firme spécialisée en gestion de l’information, e-discovery, ainsi qu’en droit et technologie. Les risques sont d’autant plus grands que, sur Twitter, les avocats ont souvent plus d’influence que leur cabinet.

Chez Bereskin & Parr, par exemple, Megan Langley Grainger, spécialisée en propriété intellectuelle, cumule plus de 1 800 followers, contre 353 pour son cabinet. Le phénomène s’explique par deux raisons. D’une part, les internautes préfèrent lire les propos d’une personne, plutôt que d’une entité impersonnelle. D’autre part, les pages Twitter des cabinets consultés se résument généralement à des communiqués de presse avec peu de valeur ajoutée.

Et qu’en est-il de la relation avocatclient si on donne un conseil en ligne? Bien qu’il prêche la prudence, Me Jaar estime que le danger est minime. « Ça ne peut pas être considéré comme un conseil juridique si on fait un commentaire général. C’est comme écrire un article, dit-il. Mais si on communique directement, ou par courriel, là on entre dans une relation avocat-client. »

Établir une politique claire

Malgré les risques potentiels, tous les intervenants contactés voient d’un bon oeil l’utilisation de Twitter et autres médias sociaux. Pour Megan Langley Grainger, Twitter lui a permis d’être plus assidue dans ses lectures professionnelles. « Être présente en ligne m’oblige à faire des recherches sur mon domaine quotidiennement, afin d’alimenter mon fil Twitter. »

Me Jaar, lui, a obtenu quelques contrats en suivant des responsables des affaires juridiques dans les grandes entreprises. Toutefois, il ne sollicite que ceux qui expriment clairement un besoin dans son domaine. « En fait, résume-t-il, Twitter est surtout un outil de réseautage et d’apprentissage très puissant », plus que de développement d’affaires. Mais il faut savoir l’utiliser.

C’est pourquoi Nicole Black, avocate américaine et auteure de Social Media for Lawyers : the Next Frontier (disponible dès mars 2010), souligne l’importance d’établir une politique claire pour l’utilisation des médias sociaux. « Les cabinets doivent s’asseoir avec leurs avocats et décider des buts recherchés avec leur présence en ligne », explique-t-elle.

Chez Bereskin & Parr, par exemple, Me Langley Grainger a choisi de se concentrer sur les enjeux qui impliquent les stratégies de marques, les marques de commerce et le droit. « Avec mon cabinet, nous avons décidé que c’était le créneau dans lequel je peux apporter une contribution originale à la conversation en ligne », dit-elle.

Afin d’établir une politique des médias sociaux, quelques documents peuvent être utiles. Le livre de Nicole Black, préparé pour l’Association du Barreau américain, consacre plusieurs chapitres à la question.

Au nord de la frontière, l’Association du Barreau canadien a publié en septembre 2008 ses « Lignes directrices pour un exercice du droit conforme à la déontologie dans le cadre des nouvelles technologies de l’information », en complément à son code de déontologie. La dernière partie (page 20) est dédiée aux « discussions en ligne ». Et pour ceux qui hésiteraient toujours à faire le saut en ligne, Nicole Black rappelle que des gens discutent déjà des cabinets et de leurs clients sur les différents sites de médias sociaux.

« Si les cabinets ne savent pas utiliser ces outils, demande-t-elle, comment pourront-ils réagir rapidement en cas de crise? » Vous croyez qu’une erreur typographique s’est glissée dans le titre? Il s’agit plutôt d’un clin d’oeil aux symboles utilisés par convention sur Twitter pour se conformer au maximum de 140 caractères exigé par le site. Ainsi, le titre se lit : « Aux cabinets : sujet, quefont vos avocats sur Twitter? »

Patrick Bellerose. M. Bellerose est journaliste pigiste à Montréal avec une expertise dans le domaine des médias sociaux.