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Lorsque Mikaila Greene a obtenu son diplôme en droit en 2012, elle était accablée par la dette qu’elle avait contractée.
« Quand j’ai terminé mes études, le simple fait de parler de ma dette m’épouvantait. J’avais vraiment honte », affirme Me Greene, une avocate de Thunder Bay, Ontario. « J’avais l’impression que les dettes portaient une véritable marque d’infamie. Ce n’est que récemment, soit depuis que j’ai commencé à la rembourser, que je suis à l’aise d’en parler. »
Me Greene n’est pas seule dans son camp. Un sondage mené en 2014 par la Law Students’ Society of Ontario démontre qu’environ 70 pour cent des étudiants et étudiantes de facultés de droit d’Ontario ont une dette moyenne de 71 000 dollars en prêts du gouvernement ou d’une banque lorsqu’ils obtiennent leur diplôme. Cette statistique exclut ceux et celles qui empruntent de l’argent à des membres de leur famille et à des amis pour financer leur formation juridique.
Mikaila Greene, une des dix meilleures étudiantes de sa promotion à l’Université d’Ottawa, avait initialement une dette de quelque 85 000 dollars, soit 75 pour cent en prêts bancaires et 25 pour cent en prêts du gouvernement.
« Tout ça sans compter les bourses d’études, d’excellence et autres. J’ai consacré de nombreuses heures à en chercher pour alléger mon fardeau financier », affirme-t-elle.
Me Greene était la première personne de sa famille à entreprendre des études postsecondaires professionnelles. Le sondage de la LSSO montre qu’en général, les étudiants et étudiantes dont les parents sont plus scolarisés ont moins de dettes. Ceux et celles de la soi-disant « première génération », et dont les parents ne possèdent pas un diplôme d’études postsecondaires, ont une dette environ 25 000 dollars plus élevés que celle de leurs pairs lorsqu’ils reçoivent leur diplôme.
Cette réalité était parfois dure pour Me Greene.
« J’ai ressenti une profonde sensation d’injustice », dit-elle. « En raison de ma situation économique, je n’ai pas eu droit à autant d’argent que certains autres collègues pour fréquenter la faculté de droit. J’ai hérité d’une dette que d’autres juristes n’ont pas eu à contracter. J’ai senti que je faisais face à une série totalement différente de défis auxquels n’étaient pas confrontés mes collègues dont les études juridiques étaient payées et la dette était moindre. »
Pendant son année de stage dans un cabinet de juristes d’intérêt public au centre-ville de Toronto, Me Greene a profité de l’offre que lui a faite sa mère de vivre chez elle, à Brampton, pour économiser de l’argent. Mais cela ne s’est pas fait sans sacrifices.
« Selon moi, il était plus sensé de sacrifier près de deux heures et demie par jour à faire la navette entre le travail et la maison que de payer pour un logement. C’est un mécanisme qui m’a permis d’économiser beaucoup d’argent, mais qui comportait aussi une grande part de stress », soutient-elle.
Trois ans après le début de sa carrière, Me Green avance dans le remboursement de sa dette.
« Je me trouve dans une situation beaucoup plus confortable que lorsque j’ai terminé mes études », déclare-t-elle, elle qui dirige son propre cabinet en droit de l’emploi et droits de la personne. Elle travaille également avec la clinique d’aide juridique Kinna-aweya dans le domaine du droit des pauvres. « Je m’affaire encore activement à rembourser ma dette. J’ai hâte que ce soit fini. »
Me Greene a des conseils à prodiguer aux jeunes juristes qui ont du mal à rembourser leur dette étudiante.
« Je recommande fortement aux nouveaux diplômés et juristes d’acquérir des connaissances financières ».
L’ouvrage Debt Free Forever: Take Control of Your Money and Your Life, de Gail Vaz-Oxlade, a été fondamental pour lui permettre de venir à bout de sa dette et du stress que celle-ci engendrait.
« Ce livre m’a beaucoup appris et m’a vraiment aidée à façonner ma stratégie », assure-t-elle. « Avant, j’étais terrifiée chaque fois que je constatais que cette énorme somme d’argent ne faisait que prendre de l’ampleur avec les intérêts. Mais maintenant, grâce aux connaissances que j’ai acquises, je sens que je maîtrise la situation ».
Le fait d’avoir un budget très strict l’a également aidé.
Selon Andrew Seabrook, conseiller financier et spécialiste agréé en flux de trésorerie de Prince George, C.-B., assurer le suivi de vos liquidités et les contrôler est l’une des meilleures façons de rembourser votre dette.
M. Seabrook dit que les gens ont une forte tendance à dépenser l’argent qu’ils gagnent. Voilà pourquoi il conseille aux diplômés d’établir des prélèvements automatiques pour rembourser leur dette avant que cet argent n’aboutisse dans leurs poches.
« Si le remboursement de votre dette étudiante est l’une de vos principales priorités, établissez des prélèvements automatiques dans votre structure mensuelle », recommande-t-il. « Une fois établi, ce type de dépense est facile à respecter, car il se fait automatiquement et vous n’avez plus à y penser. »
Cela peut également réduire le stress de plusieurs jeunes juristes, dit-il.
« Les prêts étudiants et les autres dettes sont souvent un fardeau émotionnel et une source de stress. Le remboursement de la dette est souvent l’une des meilleures décisions financières que vous pouvez prendre, en plus d’en être une qui est aussi satisfaisante. »
Spécialiste et juriste en justice sociale, Mikaila Greene croit que les dettes étudiantes sont plus qu’un enjeu individuel.
« Les dettes étudiantes nuisent à l’accès à la justice », opine-t-elle. « Les juristes qui ont une dette considérable sont moins en mesure de profiter d’occasions d’améliorer l’accès à la justice, par exemple en offrant des services juridiques bénévoles, à tarif réduit ou dégroupés, ou en acceptant des mandats restreints. »
« Dans l’intérêt public, nous devons porter attention à cet aspect, indépendamment de chaque juriste individuel, de ses dettes, de son niveau de stress et de ses luttes quotidiennes », ajoute-t-elle. « L’enjeu de la dette étudiante affecte également la société et la capacité des gens à accéder à des services juridiques. »
Plusieurs étudiants et étudiantes comme Me Greene entrent à la faculté de droit avec l’intention d’entreprendre une carrière dans le domaine de la justice sociale. Toutefois, selon elle, puisque cette voie est souvent moins lucrative que d’autres spécialités juridiques, certaines personnes sont incapables de se permettre de faire ce type de travail.
« Les étudiants et étudiantes en droit, particulièrement ceux et celles qui se consacrent à la justice sociale, peuvent être contraints de prendre une décision de carrière qui ne reflète pas leurs aspirations uniquement pour assurer leur sécurité financière », déclare-t-elle.
Mikaila Greene est toujours satisfaite de la décision qu’elle a prise de pratiquer le droit dans le domaine de la justice sociale.
« En général, j’aime me rappeler qu’être une avocate est un privilège, mais cela ne devrait pas se traduire en avantage économique », avoue-t-elle. « Ma dette m’a énormément stressée et ce n’est pas terminé, mais je la considère comme un mal nécessaire qui m’a permis de faire ce que je voulais, c’est-à-dire pratiquer en justice sociale. Cependant, ce n’est pas une situation qui doit prévaloir pour la prochaine génération de juristes, et nous avons les moyens d’effectuer le changement qui s’impose. »
Carolynne Burkholder-James est avocate adjointe au sein du cabinet Heather Sadler Jenkins LLP, à Prince George (C.-B.)